mardi 30 septembre 2008

Monastères philosophiques du Tibet

Si les monastères bouddhistes du Pays des neiges partagent le même Vinaya, ils possèdent en sus un règlement qui leur est propre, conçu par le fondateur, puis adapté au fil des générations.

Par ailleurs, ils ne suivent pas tous le même programme.
Ici, l'accent est mis sur la méditation, là sur les rituels, ailleurs sur l'étude de la médecine, des tantra ou de la philosophie, etc.

Les monastères dans lesquels est enseignée la philosophie de manière systématique sont dénommés mtshan nyid grva tshang.
Citons chez les gelugpa les deux collèges de Ganden, certains collèges de Sera, Drepung, Tashilhunpo, Labrang Tashikyil (eh non, pas tous), ou encore Ratö et Dagpo Datsang.

Pour autant, n'allez pas imagniner que TOUS les moines de ces communautés étaient des logiciens patentés. Selon les cas, les dialecticiens pouvaient représenter un tiers ou une petite moitié des effectifs.
Et tous ne devenaient pas des geshe, encore moins des geshe lharampa.

Le titre de geshe, qui signifie avant tout "ami spirituel", ou "maître spirituel" et peut s'appliquer aussi bien à une femme qu'à un homme, n'est guère utilisé dans le sens de "docteur en philosophie" que dans les trois grands monastères du Centre du Tibet : Ganden, Sera et Drepung. Parmi les quatre niveaux de geshe, trône au sommet celui de geshe lharampa ("érudit de Lhasa") à raison de 16 candidats maximum par an, pour les trois monastères confondus - qui comptaient chacun des milliers de moines !

Les Femmes bouddhistes et la philosophie

J'ai récemment appris que, durant le mois d'octobre, environ trois cents moniales de tradition tibétaine (mais pas forcément d'origine tibétaine) se réuniraient à Dharamsala pour se livrer à des débats dialectiques.
Je ne peux que m'en réjouir. Elles s'inscrivent ainsi dans une tradition très ancienne.

La philosophie bouddhiste vient, bien sûr, de l'Inde, et se fonde sur les Enseignements du Bouddha ainsi que les Traités de grands pandits tels que Nagarjuna, Asanga, Dharmakirti, Candrakirti et bien d'autres.

L'art du débat était fort répandu en Inde, tant chez les hindouistes que chez les bouddhistes, avec des enjeux importants (la conversions du perdant et de ses disciples à la doctrine du vainqueur), mais c'est un Lotsawa Kadampa qui a mis au point la gestuelle désormais bien "connue" de tous ceux qui ont regardé des reportages ou des spectacles comportant des joutes dialectiques.

En fait, au Tibet, ce sont surtout les Kadampa / Gelugpa et les Sakyapa qui ont utilisé cet excellent moyen pédagogique. Ce qui ne signifie pas que les autres traditions n'étudient pas la philosophie.
Il faut en effet se garder de confondre "philosophie" et "débats".

L'un des textes fondateurs de la philosophie bouddhiste est certainement le Sutra de la Sagesse, avec ses diverses versions, en cent mille stances, quatre vingt mille stance, etc.

Le Cinquième Dalaï Lama faisait grand cas d'un couvent des environs de Lhasa, dont les nonnes étaient à juste titre célèbres pour avoir mémorisé le Sutra de la Sagesse en cent mille stances.
Et c'est simplement en lisant ce même Sutra que Macig Labdrön, alors toute jeune nonne, aurait obtenu la compréhension de la vacuité – Macig Labdrön, disciple principal (non, ce n'est pas une faute d'orthographe : en français, le masculin est ici obligatoire car je parle de tous les disciples, hommes et femmes) de Pha Dampa Sangyé. Au Tibet, elle est à l'origine de l'école Zhi byed et de la transmission de la pratique de gCod (Tcheu, "couper l'égocentrisme).

A date plus récente, dans les années 1966-70, dès la création à Sarnath de l'Institut de Hautes Etudes Tibétaine, mais si, il y avait des nonnes parmi les étudiants en philosophie.
Dont notamment deux nonnes Kagyupa, qui ont suivi le cursus pendant au moins six à sept ans, voire plus, avant d'aller rejoindre la communauté Tilopa installée à Dharamsala.

"Les Enfants perdus de Bouddha"

Ce documentaire, qui sera rediffusé le 04/10/08 à 09h40 sur ARTE, raconte l'histoire d'un moine ancien boxeur thai qui se consacre aux enfants des paysans pauvres dans les régions où sévit le trafic de drogue.
Une leçon d'amour et de pédagogie au service des êtres, enfants ou animaux.
Un magnifique exemple de tendresse

Au coeur du Triangle d'or, un bonze charismatique initie de petits villageois à la boxe thaïe et à l'amour du Bouddha. Entre film d'aventures et ode contemplative à la beauté du monde, ce documentaire entre de plain-pied dans leur univers.

Phra Khru Ba Neua Chai, ancien militaire et champion de boxe thaïe, plus connu sous le nom du "Moine Tigre", est l'un des bonzes les plus célèbres et les plus controversés de Thaïlande. Armé de son charisme, de sa foi et de sa maîtrise des arts martiaux, il combat les méfaits de la drogue qui dévastent la région du Triangle d'or. Il y a fondé le temple du Cheval d'or, où il recueille comme novices les orphelins, les enfants abandonnés ou les petits villageois que leurs parents n'ont pas les moyens de nourrir, et encore moins d'éduquer. Aidé d'une nonne à la voix de stentor, il les élève dans une discipline rigoureuse, partagée entre méditation, étude, apprentissage de la boxe et de l'équitation, quêtes et expéditions charitables dans les villages des environs. Avec son rire tonitruant, sa poigne de fer et sa tendresse universelle, Khru Ba entend former des hommes libres, responsables et sûrs d'eux, qui pourront contribuer plus tard à rendre le monde meilleur, quelle que soit la voie qu'ils choisissent. Escorté de ses petits émules en robes safran, il parcourt les montagnes à cheval pour exhorter les fermiers des tribus locales à abandonner l'usage des stupéfiants ou la culture du pavot. Aussi les gangs de trafiquants ont-ils plusieurs fois tenté de l'assassiner.

lundi 29 septembre 2008

Cadences infernales

Vous aurez compris que, par ce titre, je veux parler de la vie que mènent nos vénérés Maîtres, qu'en tant que disciples fervents, nous n'hésitons pas à exploiter et à épuiser. Heureusement qu'ils sont des personnages hors du commun, sinon...

Toujours hier, une personne a demandé à Rinpoche des nouvelles de Sa Sainteté, tellement fatigué après son séjour en France qu'il a dû annuler les déplacements prévus en septembre (et, je crois, quelques voyages fixés en octobre, en Suisse alemanique, par exemple).
Rinpoche a rassuré l'asistance en répondant qu'il supposait que Sa Sainteté avait récupéré puisqu'actuellement il dispense des Enseignements à Dharamsala.

Puis Rinpoche nous a dit que, sur tous les voyages que Sa Sainteté a pu déjà faire en Europe (et ils sont assez nombreux), c'est lors de son très court séjour séjour à l'Institut (1 journée et demie à Veneux) que pour la première fois Sa Sainteté a disposé d'une journée de repos !

Eh bien, moi, je trouve qu'il y a un réel problème au niveau de l'organisation...
Va-t-il falloir créer un syndicat pour défendre "les droits des Lamas" ?

Quand je regarde le calendrier de Rinpoche lui-même, je me dis qu'il serait peut-être urgent de le faire...

Ca me rappelle une petite anecdote à propos de Geshe Potowa, anecdote que Rinpoche nous a racontée plusieurs fois - peut-être pour essayer de nous faire passer un message (pas reçu, je le crains).
Bref, quelqu'un était venu poser des questions alors que Geshe Potowa était manifestement très occupé à autre chose. La mine courroucée, le grand Maître Kadampa avait chassé l'importun.
Rinpoche nous avait expliqué qu'il ne convient pas de déranger un Maître n'importe quand, mais qu'il faut choisir un moment où il est disponible, sans pour autant s'imposer.

L'humilité

Hier, à Veneux, une question a porté sur l'humilité, et le regard que le bouddhisme en aurait.

A ma grande surprise - je dois le confesser -, Rinpoche a rattaché l'humilité au facteur mental vertueux dénommé ngo tsha shes pa en tibétain, et si difficile à rendre en français. La traduction la plus courante est "honte", mais elle ne rend pas vraiment le sens, qui tiendrait plutôt du sens de l'honneur, ou du respect de soi.
En effet, ngo tsha shes pa est le facteur mental qui nous permet (parfois, quand nous lui donnons la possibilité d'agir) de nous abstenir de commettre quelque chose de mal, de non vertueux, parce que nous sommes alors conscients qu'un tel agissement ne serait vraiment pas digne de nous.

Rinpoche a ensuite bien insisté sur le fait que la vraie humilité n'est pas une attitude affectée, ou hypocrite, mais bel et bien une attitude réaliste, fondée sur la compréhension que l'autre nous est forcément supérieur dans certains domaines.
L'humilité, nous a expliqué Rinpoche, suppose de faire porter notre attention sur les qualités, et non sur les défauts, d'autrui. Indirectement, cela nous amène à voir et admettre nos propres manquements et lacunes. Ce qui combat en nous l'orgueil.