dimanche 25 novembre 2007

Progrès ou déclin ?

Ce matin, F2 a diffusé un reportage réalisé lors du Congrès de Hambourg, en juillet dernier.

Mon inquiétude est grande.

Si je me trompe, tant mieux, car j'ai l'impression que des personnes très sympathiques et manifestement pleines de bonne volonté mettent (sans le vouloir) l'Enseignement du Bouddha en péril, sous le prétexte de "faire progresser les droits des femmes, et tout particulièrement des nonnes, dans le boudhisme".

J'avoue que cela me semble déplacé ! Paradoxal aussi.

A ce que j'ai cru comprendre, le Bouddha n'a jamais refusé d'enseigner à une femme du fait de son statut de femme, et si certaines lignées n'existent plus aujourd'hui, ce n'est pas dû à des mesures délibérément hostiles aux femmes. Il y a, malheureusement, nombre de lignées qui ont disparu au fil des siècles, notamment suite aux invasions musulmanes en Inde. Cela lèse tous les bouddhistes. Les hommes aussi.

Quand j'ai lu des articles à propos du Congrès, ou quand j'ai entendu les interviews ce matin, j'avoue que j'ai ressenti un certain malaise.

Je ressens donc le besoin de remettre à l'ordre du jour La Lettre ouverte que j'ai adressée à mes consoeurs en juillet, un peu avant le Congrès. Je n'ai pas obtenu de réponse... à ce jour, tout au moins.

Pour aujourd'hui, je m'en tiendrai là. Mais à l'occasion, j'essaierai de reprendre certains points essentiels.

A titre d'exemple (fondamental), dans le bouddhisme, "entrer dans les ordres" se dit "quitter le monde", "quitter la maison". Aussi, quand j'entends revendiquer un statut social, ou une reconnaissance de la part de la société, ou des titres pour s'imposer, eh bien, je m'interroge ! Ou quand il est affirmé que devenir bhikshuni serait un grand progrès pour les femmes car cela renforcerait "leur assurance et leur amour-propre" (sic), je me demande ce qu'on a fait du renoncement au monde, base nécessaire pour les moines et moniales bouddhistes, à ce qu'en disent les soutras...

* * *

Vénérables et Très Chères Sœurs,

Dans quelques jours, le premier Congrès International concernant le rôle des femmes dans le Bouddhisme se tiendra à Hambourg, en présence de Sa Sainteté le XIVème Dalaï Lama. Je remercie vivement les organisatrices et leurs aides d'avoir mis sur pied cet événement exceptionnel.

A mon très grand regret, je ne pourrai y participer, car j'ai des obligations ailleurs et surtout je me bute au handicap de la langue : d'origine française, je ne comprends guère l'anglais à l'oral, et j'ai oublié les rudiments d'allemand engrangés au lycée. Je me sens pourtant concernée de fort près par les thèmes annoncés. Pour être franche, je déplore que le tibétain ne soit pas l'une des langues de travail : les Tibétaines ne sont-elles pas les premières impliquées dans le projet qui constitue la trame du Congrès ? Elles dont le courage n'a d'égal que la détermination et l'intelligence (cf Ngawang Sangdol et ses compagnes) pourraient certainement enrichir le débat.

Depuis quinze à vingt ans, je suis de loin les efforts déployés par des pratiquantes engagées et dévouées qui ne ménagent pas leur peine au service de tous les êtres en souffrance et tout particulièrement des femmes bouddhistes. De mon côté, consciente de ma profonde ignorance et de mon inexpérience, je n'ai rien à apporter, rien à proposer, sinon l'expression de mes attentes, de mes interrogations ou encore de mes doutes.

Après avoir longuement hésité, je me résous à rédiger ces quelques lignes. En effet, il m'est apparu que la démocratie, qui caractérise tant l'Enseignement du Buddha que les sociétés occidentales dans lesquelles nous avons le privilège de vivre, nous octroie non pas le droit mais bien le devoir de participer de notre mieux aux projets collectifs, ne serait-ce qu'en donnant notre opinion, sans bien sûr chercher à l'imposer. C'est donc ce que je vais tenter de faire. Je sollicite votre bienveillante indulgence car je ne peux qu'exposer mon ressenti personnel, par définition subjectif, et les erreurs qui vont immanquablement émailler ma prose vont soumettre votre patience à rude épreuve. Je vous en demande pardon.

Pour me présenter, issue d'une famille très catholique et très tolérante, dès ma prime enfance j'ai entendu parler du bouddhisme et de ses principes fondamentaux, à commencer par la loi de causalité et l'éthique. C'est donc tout naturellement qu'en 1974 j'ai officialisé mon engagement bouddhiste en prenant refuge en les Trois Joyaux – Buddha (le Guide), Dharma (l'Enseignement et surtout les qualités qui procèdent de sa mise en œuvre), Sangha (les exemplaires compagnons sur la voie spirituelle), puis en devenant upâsikâ (yongs rdzogs dge bsnyen). Parmi les incommensurables qualités des Buddha, je suis particulièrement touchée par "l'activité spontanée" : dès lors qu'un être est mûr, les Buddha apparaissent sous la forme voulue pour lui accorder l'aide voulue.

Ayant eu la chance d'étudier le japonais et le tibétain, depuis plus de trente ans j'ai reçu de précieux enseignements auprès de nombreux Maîtres, dont Sa Sainteté le Dalaï Lama et Gyalwa Karmapa, le 16ème du titre. Je me rattache donc à l'école dge lugs pa tout en ayant le plus profond respect pour les autres lignées, du Tibet comme des autres pays bouddhistes. Si à ce jour je n'ai guère accompli de progrès, je ne peux vraiment m'en prendre qu'à moi-même, car dans leur infinie mansuétude, mes Maîtres m'ont dispensé d'innombrables enseignements, y compris dans le domaine philosophique et même dialectique. Ma seule "excuse" est que la voie bouddhiste est pour le moins ardue : fondée sur le renoncement - d'abord à cette vie, puis au samsâra, enfin à l'intérêt personnel-, elle concourt bien plus au dépouillement de soi qu'à l'accomplissement de soi… Je suis loin d'y parvenir.

A titre personnel, au sein de la société bouddhiste tibétaine, je n'ai jamais eu le sentiment d'être mise à l'écart du fait de mon identité féminine. Quand, le 15 avril 1997, j'ai enfin pu concrétiser mon souhait "d'abandonner le monde", comme on dit, j'ai reçu avec joie l'ordination de shramanerikâ (dge tshul ma) en sachant que pour des raisons historiques la lignée tibétaine du bouddhisme ne me permettrait pas d'obtenir l'ordination supérieure de bhikshunî (dge slong ma). Je l'ai d'autant moins ressenti comme une injustice que la féministe que je suis apprécie énormément l'extraordinaire ouverture de l'Enseignement du Buddha à l'égard de la gent féminine. Ensuite, ce que les hommes en ont fait ici et là au fil de 26 siècles, cela ne vient que d'eux (et de leur culture), et non du Buddha – à mon humble avis. De toute façon, les innombrables laïcs qui ont atteint les plus hautes réalisations ont magnifiquement démontré que si le support de l'ordination monastique supérieure est excellent, il n'est en rien indispensable ni pour pratiquer ni pour enseigner. Pour ne citer que quelques exemples du Pays des Neiges, pensons au Traducteur Marpa, à son disciple Jetsun Milarepa, à Dromtonpa ou encore à trois des cinq grands Patriarches sakyapa , qui tous ont arboré un statut laïc, même s'ils étaient des bhikshu de sens ultime (don gyi dge slong). De nos jours, la tradition se perpétue avec d'éminents personnages tels que Dujom Rinpoche, Sogyal Rinpoche, Sakya Trichen ou encore Chogyam Trungpa.


Bien que je craigne de vous lasser, permettez-moi de vous livrer quelques remarques et suggestions, qui n'engagent que moi mais que j'éprouve le besoin de vous soumettre, libre à vous de n'en tenir aucun compte du fait de leur ineptie.

1. Introduction de l'ordination de bhikshunî dans la lignée tibétaine du bouddhisme :

a) L'identité tibétaine.

A la lecture du programme du Congrès ainsi que de textes ou articles rédigés par les conférenciers et conférencières annoncés (dont aucune nonne d'origine tibétaine, si j'ai bien regardé), j'ai l'impression que la demande d'instauration (et non de "réintroduction" car la tentative de Pan chen gSer mdog can pa au XVème s. n'avait guère été concluante) de l'ordination majeure en société tibétaine émane principalement sinon exclusivement d'Occidentales. Mais il est probable que je trompe : sans que j'en entende parler, il se peut que les nonnes tibétaines (et mongoles) aient été consultées - dans leur langue -, et qu'elles aient donné mandat pour faire une telle démarche auprès des autorités compétentes : ni les politiques ni les universitaires mais la communauté des bhikshu d'au moins dix ans d'ancienneté. En ce cas, tout est pour le mieux.

En revanche, si les nonnes tibétaines n'ont pas donné mandat, est-il vraiment opportun de prendre des initiatives qui risquent de perturber encore un peu plus la population tibétaine déjà si éprouvée du fait des évènements que nous connaissons tous ?

Nous sommes de plus en plus nombreux en Occident à être infiniment redevables aux Maîtres tibétains qui ont accepté de nous transmettre leurs Enseignements. Est-ce vraiment une façon de les remercier que d'ajouter encore aux difficultés de leur peuple, alors que nous, dans des pays en paix, nous jouissons de toutes les libertés individuelles ainsi que d'un confortable niveau de vie ?

Certes, Sa Sainteté n'a pas hésité à apporter son soutien. Mais il a aussi précisé que la décision ne lui appartenait pas, et surtout il est l'émanation même du Buddha de la compassion. Sa Sainteté est incomparable. Il est au-delà des normes et des conventions ordinaires. Ce n'est pas forcément le cas de tous ses compatriotes, dont certains risquent de se montrer réticents à l'annonce d'une telle réforme, d'une telle révolution même. Et on peut les comprendre : eux qui sont pris dans la tourmente depuis 1959, ou plutôt 1951, tiennent d'autant plus aux lambeaux de traditions qui subsistent encore. C'est leur identité culturelle, pas la nôtre.

En ce qui me concerne, lorsque j'ai pris refuge auprès de mon Maître tibétain, j'ai eu le sentiment de devenir bouddhiste, et certainement pas de devenir tibétaine (pro-tibétaine, oui, je le confesse). Lors de conférences, Sa Sainteté le Dalaï Lama insiste souvent sur l'importance de ne pas confondre la religion (ici, le bouddhisme) et la culture.

b) Les nonnes tibétaines de souche.

Concernant les nonnes tibétaines, j'imagine qu'actuellement elles ont des soucis plus criants que l'accès à l'ordination majeure. Au Tibet, c'est souvent leur vie même qui est menacée. En exil, elles ont pour la plupart d'entre elles de graves difficultés matérielles à résoudre.

Quand on se reporte à l'histoire du Tibet, il ne semble pas que ce soit l'absence de l'ordination majeure qui ait freiné les femmes tibétaines dans leur cheminement spirituel. Oui, elles ont rencontré beaucoup de difficultés, mais pas principalement à cause de cela. Quelques-unes ont quand même réussi à imprimer leur marque, comme bDag med ma (l'épouse de Mar pa méditée en tant que yidam), ou Ma cig Lab sgron (1103-1201) fondatrice de la branche Zhi byed qui perdure aujourd'hui au sein des quatre écoles.

c) Un faux problème ?

Je me trompe sans doute, mais je ne vois pas en quoi nous, les nonnes occidentales, nous serions bloquées dans "nos plans de carrière" éventuels.

Vous connaissez le bouddhisme mieux que moi. Pour résumer, la vie des moines et moniales bouddhistes est réglementée par le code monastique, appelé le vinaya. Si à l'époque du Bouddha il n'avait qu'une Règle, par la suite cela s'est diversifié et on mentionne jusqu'à 18 vinaya. De nos jours, il n'en subsiste que trois, implantés dans différents pays : Theravada en Thaïlande, Sri Lanka, etc.; Mûlasarvâstivâda dans la zone d'influence tibétaine; Dharmaguptaka dans la zone d'influence chinoise (N.B. d'où l'importance aux yeux de certains Tibétains de ne pas tout mélanger : c'est l'une des preuves les plus marquantes de la singularité tibétaine).

C'est suite à un décret royal du VIIIème siècle (cf Khri srong lde btsan; Sad na legs; Ral pa can) que les Tibétains s'en sont tenus au système Mûlasarvâstivâda, très strict. Ainsi, au XIème siècle, Dromtonpa s'est-il interposé quand Atisha a envisagé d'implanter sa propre école, Mahâsamghika (qui a aujourd'hui totalement disparu).

Comme je le disais plus haut, dans la mesure où nous ne sommes pas des Tibétaines, personne (et certainement pas nos Maîtres tibétains) ne nous empêche de demander à être ordonnées par des religieux Dharmaguptaka puis à étudier ce vinaya. Du reste, beaucoup de nonnes occidentales ont déjà franchi le pas. Elles sauront, j'en suis persuadée, forcer le respect des sociétés dans lesquelles elles vivent, ce qui leur permettra d'implanter une communauté bouddhiste féminine irréprochable de haut niveau.

Pourquoi compliquer ce qui pourrait être très simple ?

d) Ayons des égards pour nos aînés, les bouddhistes asiatiques.

A franchement parler, notre démarche actuelle fait que je me sens un peu gênée vis-à-vis des bouddhistes de tradition Dharmaguptaka. N'est-ce pas d'une certaine manière désobligeant à leur égard : nous avons besoin d'eux, mais nous ne concevons pas d'adopter leur système, pourtant éminemment respectable et complet, et qui leur convient à merveille depuis une bonne vingtaine de siècles ?… Ne sommes-nous pas trop exigeantes, à vouloir tout, en faisant des mélanges à notre guise ?

J'ai lu dans plusieurs de vos articles que le statut de bhikshu ou bhishunî était "nécessaire pour pleinement entrer dans la pratique du bouddhisme et pour pouvoir enseigner le Dharma".
Essayons de mesurer l'impact de telles déclarations sur nos frères et sœurs japonais - plusieurs millions de personnes, si je ne m'abuse. Cela revient à leur dire qu'ils ou elles sont irrémédiablement condamnés à rester au bas de l'échelle. De fait, depuis la rupture du shinbutsu bunri et les décrets de l'ère Meiji, dans les années 1872, les "moines" et "nonnes" du Japon ne peuvent plus suivre les règles du vinaya. Pour survivre, ils ont substitué à l'ordination monastique au sens classique du terme une ordination de prise du vœu de bodhisattva. Depuis 130 ans, il n'y a plus ni bhikshu ni bhikshunî dans la lignée japonaise ! Pourtant, il s'y trouve toujours des pratiquants et des enseignants non seulement sincères mais aussi qualifiés.

Autre exemple, celui de la Birmanie, pays très dynamique sur le plan du bouddhisme. Traditionnellement, les femmes ne peuvent y prendre que les préceptes fondamentaux, mais beaucoup de centres de retraites très fréquentés sont dirigées par des "Maîtresses" réputées pour leur enseignement de la méditation, ai-je entendu dire.


2. La notion de "pays central"

Au sens du Dharma, un "pays central" est un pays où se trouvent les quatre groupes de pratiquants : bhikshu et bhikshunî ; upâsaka et upâsikâ.
J'ai cru comprendre que cela fait référence au pays même où on vit (par ex, le Tibet; les U.S.A.), et non à la lignée à laquelle on est affiliée ("bouddhisme tibétain").
S'il s'agit bien du pays, je crois que, sur ce plan, dans l'immédiat nous ne pouvons pas faire grand chose pour le Tibet. En revanche, plusieurs pays occidentaux sont d'ores et déjà des "pays centraux" du fait de la constitution des quatre groupes sur leur sol : U.S.A., Canada, Allemagne, France , etc. Nous pouvons nous en réjouir. A nous de pérenniser la situation par des mesures appropriées.

3. Passeport pour le titre de "geshe" (kalyânamitra; dge bshes) ?

Voici à nouveau un domaine où je me sens très gênée…

a) Quand on garde au mot "geshe" son sens premier - "ami spirituel", ou plus littéralement "ami ès vertus" -, il "suffit" de développer les qualités correspondantes et, homme ou femme, on est devenu "geshe", ce même si on est laïc (cf plusieurs geshe kadampa, entre autres).


b) Si on entend par là "docteur en philosophie", cela mérite de réfléchir un peu plus avant.

- Il me semble que la pratique du bouddhisme n'implique pas d'étudier la philosophie, et encore moins selon la méthode dge lugs pa "des trois piliers", c'est-à-dire de Sera, Drepung ou Ganden. Car seuls les moines de ces trois monastères, et encore pas tous (environ la moitié des effectifs) briguent les titres de geshe (je mets le pluriel car, pour simplifier, disons qu'il y a quatre niveaux). Notons que le système que nous connaissons est somme toute très récent : il date du Treizième Dalaï-Lama. Dans les autres collèges philosophiques dge lugs pa, les moines lettrés deviennent bka' chen (bKra shis lhun po), rdo rams pa (bLa brang bKra shis khyil), rab 'byams pa (Dvags po grva tshang), etc.

Autrefois, les moines sa skya pa ou dge lugs pa devenaient bka' bzhi pa quand ils avaient soutenu des débats portant sur quatre sujets, bka' bcu pa (dix sujets), etc.
N.B. C'est peut-être là une idée à reprendre pour les nonnes qui auraient étudié 4 sujets mais pas le vinaya : elles pourraient briguer le titre de bka' bzhi pa ?

Toujours est-il que, même si les rnying ma pa, sa skya pa et bka' rgyud pa sont particulièrement larges d'esprit, il vaudrait peut-être mieux que nous évitions de clamer haut et fort que "hors du titre de geshe, il n'est pas d'enseignant du Dharma". De toute façon, ce n'est pas exact.

4. Vocabulaire de traduction

Je vous en supplie, faisons un effort pour éviter les "faux-amis" linguistiques et les faux-sens ou contre-sens !
En tant qu'interprète, je sais ô combien il est difficile de trouver des termes adéquats dans nos langues occidentales pour rendre certaines notions bouddhistes. C'est parfois après plusieurs années d'usage qu'on s'aperçoit d'un énorme malentendu. Or, plus on puise dans le vocabulaire des autres religions, plus les risques de confusion sont grands.

Comme je vous l'ai indiqué, je ne connais pas bien l'anglais. Mais mon dictionnaire de français m'a confirmé que, dans cette langue, "novice" donne l'idée de probation et de vœux temporaires, alors que sept types de vœux de pratimoksha sur huit selon le Mulâsarvâstivâda-vinaya sont des vœux DEFINITIFS, pris pour la vie entière. Seuls les vœux d'upavasatha (interdits par ailleurs aux pratiquants du mahâyâna, qui disposent d'un équivalent) sont temporaires : ils sont pris pour 24 heures, renouvelables.

Mettons-nous maintenant à la place de la majorité des bouddhistes d'origine occidentale, qui ne connaissent pas de langue asiatique : l'utilisation continuelle du mot "novice" les induit immanquablement en erreur. Pas étonnant qu'ils ou elles n'acceptent pas de s'en tenir à un noviciat à vie.

De même, il me semble que le terme de "postulant" ne traduit pas correctement "pravajita (rab byung), qui signifie "quitter la maison", et donc "entrer en religion" en assumant déjà un certain nombre de préceptes acceptés pour la vie.

A l'extrême rigueur, "prêtre" pourrait être gardé pour rendre "bhikshu", avec quand même de grands risques de confusion"; mais "prêtresse" pour "bhikshuni" est totalement inadapté (cf. culture grecque).

Quant à parler d'"âme" et de "péché", c'est selon moi totalement déplacé, voire … sacrilège.

5. Suggestions

Plutôt que de nous focaliser sur l'accès à des rangs ou des titres, il reste beaucoup à faire dans des domaines où vous œuvrez déjà avec énergie, ce dont je vous suis extrêmement reconnaissante :
- amélioration des conditions de vie des nonnes asiatiques et en particulier tibétaines ;
- amélioration des conditions de vie des nonnes occidentales (elles aussi rencontrent souvent de grandes difficultés matérielles) ;
- établissement de monastères destinés aux nonnes en Asie mais aussi en Occident (problèmes de visa, entre autres) ;
- formations sérieuses et complètes mais aussi diversifiées, en langue locale et en s'adaptant aux besoins et aux capacités des personnes concernées (tout le monde n'a pas envie, ou pas les moyens, d'étudier la dialectique ; ne soyons pas élitistes).

Pour conclure, je vous prie à nouveau de ne pas me tenir rigueur d'avoir pris la liberté de vous exposer ces quelques idées miennes, mais je suis sûre de pouvoir compter sur votre largeur d'esprit et votre sagesse empreinte de compassion.

Je vous prie de recevoir, Vénérables et Très Chères Sœurs dans le Dharma, mes salutations déférentes et chaleureuses,

Getsulma Losang Dolma (Dr. Marie-Stella Boussemart)
Fait à Bois le Roi, le 7/7/07

vendredi 23 novembre 2007

Le 11ème Abbé de Gyudmed Datsang

Né à E dans le Dagpo inférieur, Chöje Dagpo Namkha Dag devient moine très jeune et étudie à Dagpo Datshang auprès de Dagnyag Lodrö Legphel et de Rigpai Raldi Logrö Phelwa. Celui-ci avait composé un ouvrage sur les pāramitā, "Phar-phyin spyi-don", que son élève aurait mémorisé en vingt jours seulement !

Il poursuit sa formation classique à Sera Je. Il y vit dans un grand dénuement mais la faim ne fait que renforcer son ardeur à l'étude, à la réflexion et et à la méditation. Bientôt, il reçoit une aide précieuse de Jetsun Chökyi Gyältshän, qui a remarqué ce jeune moine prometteur.

A Gyudmed Datshang, il approfondit sa connaissance des tantra , surtout du Kālacakra, auprès de Gyältshän Zangpo et reçoit aussi à Ganden, de Chökyong Gyatsho, l'initiation de Vajrabhaïrava et la transmission du cycle de Guhyasamāja, instructions comprises.

Il demeure longtemps abbé du collège tantrique de Gyudmed. On dit qu'il aurait souhaité dispenser un enseignement très détaillé à propos du Kālacakra mais que les circonstances ne s'y sont pas prêtées.

Il compose également des textes, dont ceux traitant des stades de production et d'achèvement de Guhyasamāja sont encore utilisés de nos jours. Le Stade de production composé par Namkha Dag - et qui représente une soixantaine de pages - est toujours récité deux fois l'an par l'abbé du collège.

A la fin de sa vie, Namkha Dag se retire dans un ermitage, comme nombre de grands maîtres bouddhistes.

jeudi 22 novembre 2007

Un abbé courageux

Amdo Zhathra Gedün Phüntsogs (1648-1724)


Cet abbé actif et "engagé" vit une période extrêmement troublée du Tibet.

Disciple du 5ème Dalaï-Lama, il va à la rencontre du 7ème à Nagchu lorsque celui-ci peut enfin gagner le Centre. Il a donc connu le 6ème Dalaï-Lama, le légitime, mais aussi l'"intérimaire", des régents au sort tragique et bien des luttes intestines. Il est appelé l'Anachorète" (bya-bral) Gedün Phüntsog mais les affaires du monde le rattrapent inexorablement - il leur fait face et les surmonte.

Il naît le 8ème jour du 1er ou du 11ème mois dans l'Amdo, à Ngakhül. Ordonné moine encore enfant, en 1662, il gagne le Centre en compagnie d'un jeune oncle paternel et se met à étudier à Gomang (pāramitā) et à Ratö (vinaya et pramāna). Il se soumet aux examens traditionnels à Sangphu.

Ses maîtres sont prestigieux : le 5ème Dalaï-Lama, Brugla Ngagwang Lodrö, Tsangpa Ngagwang Jinpa, Thrichen Lodrö Gyatsho, ou encore Kangyurwa Jinpa Gyatsho, mais entre tous il vénère Jamyang Zhepai Dorje. Alors que lui-même est désormais membre de la communauté de Gyudmed, il reçoit de ce maître l'initiation du Vajramālā, en 1667, à Riwo Gephel. Et ce même été, juste après avoir été intronisé vice-abbé (bla-ma dbu-mdzad), il reçoit encore de lui les initiations de Guyasamāja, Saṃvara et Vajrabhaïrava, ainsi qu'un enseignement du lamrim.

Lorsqu'en 1706 Gedün Phüntsog devient abbé de Gyudmed, Jamyangs Zhepai Dorje* achève de lui transmettre le 'Grel-pa bzhi sbrags (ils s'étaient précédemment arrêtés au quatorzième chapitre), et lui donne un enseignement très détaillé sur les deux stades de Guhyasamāja (gSang-'dus rim-gnyis-kyi dmar-khrid).

Maître et disciple seront ensemble lorsque, sur ordre du gouvernement, durant le cinquième mois de 1709, Jamyangs Zhepa devra se rendre au Po-ta-la pour conférer à Yeshes Gyatso - le nouveau "sixième Dalaï-Lama" -, plusieurs initiations : Samvara à cinq déités selon la tradition de Ghandapādā (bDe-mchog dril-bu lha lnga), Vajrabhaïrava à cinq déités et bKa'-gdams thig-le bcu-drug, et ce en présence du Régent Lhazang.

Dans un tout autre domaine, Gedün Phüntsog fait restaurer les "maisons des tantra " (rgyud-khang) de Gyudmed àLhasa, et de Sang-ngag Khar.

Désireux d'instituer une session annuelle de Samvara, il offre au sixième Dalaï-Lama, Tsang-yang Gyatso*, 3.500 srang d'argent et entreprend des démarches auprès de Lhazang et des Dzoungar. Il obtient à Dechen des terres (glang-ra'i gzhis-ka) dont les bénéfices seront alloués au financement de cette session. Mais Gedün Phüntsog n'aura pas la satisfaction de voir la concrétisation de ce projet, qui ne se fera que sous le 33ème abbé, Ngawang Chogden - son principal disciple.

Il commande une nouvelle impression du 'Grel-pa bzhi sbrags dans l'Édition du Centre, qui est achevée en 1715.

Gedün Phüntsog est intronisé Ganden Tripa en automne 1712 et décide de faire dorer le stūpa funéraire d'argent de Je Tsongkhapa*. Il obtient pour cela le mécénat du roi de Tshongön, Losang Tenzin qui change en or tous les impôts de l'année.
Par ailleurs, il offre au collège Gomang deux dhvaja (rgyal-mtshan) en cuivre jaune, ainsi qu'une statue de Je Tsongkhapa en argent. Il fait construire trois nouveaux bâtiments communs (spyi-khang) pour son unité régionale, Jadräl Khangtshän. En 1722, il entreprend la réfection d'un ancien grand monastère kadampa déserté, Tshäl Gungthang. Il y érige un magnifique stūpa de style byang-chub incrusté de pierres précieuses, y installe statues et collections de livres, et y édicte un règlement modèle. Il offre en outre au Jo-khang deux grandes statues (thog-gnyis lhag tsam) d'Amitāyus et d'Akshobhya.

Nul doute qu'il ne ressente le besoin de contrebalancer les ondes négatives de l'époque : en 1707, sitôt devenu régent, Lhazang lui propose la charge d'abbé de Gomang Datsang que Gedün Phüntsog refuse aussitôt. Il vient de connaître des évènements dramatiques. Non seulement Lhazang a fait arrêter le sixième Dalaï-Lama et l'a contraint à un exil funeste, mais, au lieu de présenter un front commun, les dirigeants de Gomang et de Drepung étaient en complet désaccord sur la question d'emmener ou non Tsang-yangs Gyatsho en Chine.

Gedün Phüntsog ne fuit cependant pas les responsabilités, et en 1720, après avoir fait le nécessaire pour dissiper les obstacles, il se porte à la rencontre du 7ème Dalaï-Lama. A la tête des abbés de monastères et autres dignitaires, il va l'accueillir à Nagchu.

Après avoir eu cette occasion de se réjouir, il décède en 1724. Son disciple principal Ngagwang Chogden*, l'intendant (phyag-mdzod) Ngagwang Phüntsog et son propre frère cadet Tshojed Ngagwang Dargye lui érigent un mausolée à Gungthang.

Son lignage, antérieur comme ultérieur, est des plus impressionnants : Telopa, Nāropa, Bälpo Phamthingpa, Je Sherab Senge, Nyän Lo Darma Drag ou Rongpö Chöpa Rinpoche pour le passé, et, dans l'avenir, Gungthang Tänpai Drönme*, illustre maître gelugpa qui aura une activité exégétique remarquable.

Les nonnes d'Edo 2

2) Formes de la vie monastique

a) Le prix de la solitude

Quoi qu'on en pense généralement, il y eut malgré tout des religieuses vertueuses et dignes de louanges pendant cette période au fond assez mal connue en ce qui concerne les nonnes.

Zuitô-ni (1644-1730) était la fille de Takatsukasa Nobusakô et appartenait à une famille très influente.
Dès sa plus tendre enfance, elle montra un grand respect pour les trois joyaux (Bouddha, Dharma, Sangha). Elle ressentait profondément l'impermanence du monde et ne prenait pas plaisir au luxe qui l'entourait. En grandissant, elle fut demandée en mariage par un prince mais elle refusa cette alliance honorifique.

Agée de treize ans, elle entendit un jour son père expliquer un passage du Genji Monogatari et comprit soudain quelle était la vraie nature des êtres humains. Son père, émerveillé par la profondeur de ses raisonnements, déclara que sa fille lui était de loin supérieure et demanda aux deux moines les plus érudits des Monts Hiei et Kôya de lui enseigner la doctrine. Zuitô les surprit également par la subtilité de ses questions. En 1672, elle avait alors 29 ans, elle rêva qu'un envoyé du dieu Shirahige Myôjin (ou Sarudahiko no Kami) lui ordonnait de se consacrer à l'étude avec zèle.

Après la mort de Nobusakô, elle entra dans un monastère, à l'âge de 32 ans) et prit le nom de Shûzan Zuitô; elle s'installa d'abord au Tsûgen-ji, puis résida sept ans au Jiju-ji. Elle y eut pour disciple la fille de l'empereur retiré Gosai, à qui elle confia sa succession quand elle se retira dans un ermitage.

Sa réputation était parvenue jusqu'à l'empereur retiré Gomizuno.o qui l'invita à venir lui rendre visite dans son palais et voulait lui offrir l'habit violet. Elle déclina ces honneurs, prétextant qu'elle était indigne d'une telle faveur et que, de plus, étant vieille et malade, son état ne lui permettait pas d'entreprendre des voyages. Gomizuno.o approuva son attitude et lui adressa une calligraphie peinte de sa main, Zuitô refusa ce nouveau présent, estimant que ces choses futiles n'étaient bonnes qu'à éblouir et à aveugler les gens, prisonniers de leurs illusions.

Ainsi méprisait-elle tous les titres de gloire pour lesquels ses contemporains n'auraient reculé devant aucune bassesse. Elle excellait en littérature japonaise et écrivit des études (sous forme de questions-réponses) sur, par exemple, la véritable signification du Nenbutsu.

En 1707, elle rendit visite au Maître Manzan Dôhaku (16361715). Elle déclara par la suite qu'elle n'avait vécu tant d'années que dans l'attente de ce jour. Il y avait entre eux un lien très fort et leur relation devint vite celle de maître à disciple. Manzan Dôhaku possédait des reliques du maître Taiso Daishi, qu'il garda précieusement toute sa vie, mais qu'à sa mort il confia à Zuitô-ni.

On peut citer encore Jikô-ni, disciple de Zuitô-ni, qui reçut la transmission du maître Taikyû Genmitsu (1663-1720) ou Shungoku-ni qui présenta en 1721 le maître Tenkei Denson (1648-1735) à Shimomura Gensen.ishi. Ce dernier apprécia la valeur du moine et construisit un temple pour lui. Dairyô-ni restaura l'ermitage de Bashô, le Genjû-an, vers 1770 et Mankô-ni fit imprimer l'oeuvre de Dôgen, le Shôbôgenzô.

Sosen-ni (1730-1811) témoigna très jeune d'une profonde foi en le Bouddhisme. Comme elle voulait entrer en religion mais se heurtait au refus de ses parents, à neuf ans, elle se rendit auprès d'un maître, Hôjô Muso, et lui demanda de la recevoir comme religieuse. Emu, Hôjô Muso accepta d'intercéder pour elle et réussit à obtenir l'autorisation parentale indispensable. Elle pratiqua avec ardeur et se consacra surtout à la méditation; elle était remarquable aussi pour la profondeur de sa compréhension des points les plus délicats.

b) Le service des autres

Senrin-ni (1810-1869) voua sa vie aux oeuvres sociales. On rapporte de nombreuses anecdotes à son sujet. Ainsi relate-t-on comment elle procura un abri à des malheureux rencontrés en chemin ou comment, par une froide nuit d'hiver, elle donna son propre vêtement à un misérable, mue par la compassion. En 1868, elle participa à la construction de routes/dans la préfecture de Wakayama (col d'Ôsaka), ainsi que de ponts.

Ghikei Taitei, morte en 1909 à l'âge de 77 ans, a ouvert des écoles dans les monastères pour instruire les enfants de la campagne. C'était le premier essai d'éducation du peuple.

Les nonnes d'Edo 1

L'EPOQUE D'EDO (1603-1867)

1) Une organisation très hiérarchisée et les signes de décadence

Avec l'instauration du Bakufu d'Edo commencent deux siècles et demi de paix relative et de stagnation sociale. Le nouveau régime se caractérise par une réglementation extrêmement stricte de tous les domaines de la société; même l'habillement est fixé par le gouvernement. Les droits fondamentaux ne sont pas reconnus et la liberté de choisir librement son métier ou sa religion est un rêve interdit.

C'est la période de l'histoire du Japon la plus noire pour les femmes : la suprématie de l'homme est indiscutable. Sous l'influence du confucianisme, les idées de "loyauté envers le maître" et de "piété filiale" sont devenues l'idéal des Japonais (tendance soigneusement entretenue par les Tokugawa qui n'auraient pu trouver philosophie plus conforme à leur politique).
Ces concepts confucéens s'infiltrent vite jusque dans l'intimité du couple et on exige de l'épouse une obéissance inconditionnelle et un esprit de sacrifice absolu vis-à-vis de son mari et maître.

Il est bien évident que dans un tel climat social les femmes n'ont pas le droit de quitter de leur plein gré la geôle conjugale.
Pour échapper à leur triste sort, certaines essaient de s'enfuir; si elles ont de la chance et réussissent à gagner le Tôkei-ji sans être rattrapées par leur conjoint, elles se réfugient dans ce havre interdit aux hommes.
Selon la loi, si une femme demeure trois ans au Tôkei-ji, au terme de cette période, le divorce est considéré comme effectif. Le Tôkei-ji, "Temple-refuge", jouit depuis sa fondation, par approbation impériale, de privilèges spéciaux. Tokugawa Ieyasu les a renforcés et garantis; il assure sa protection à ce monastère.

Sur le modèle du Tôkei-ji, Jônen-ni et Jô.on--ni, qui appartiennent à la famille des Tokugawa, fondent le Mantoku-ji, dans le département de Gunma. Le Mantoku-ji est moins connu. A cause de sa situation géographique défavorable, il est plus difficile à atteindre, si bien que ses effectifs seront toujours réduits : quatre moniales y résidaient en 1809, sept en 1861 et cinq en 1870. Le Mantoku-ji a été presque entièrement détruit en 1872 lors des mouvements anti-bouddhistes ; il n'en reste aujourd'hui que des ruines.

En dehors de ces deux monastères qui bénéficiaient d'une autonomie rare à cette époque et d'un statut spécial, sous la haute protection des Tokugawa, les autres étaient soumis à un contrôle strict. Le Bakufu écarta du pouvoir réel la Cour, les nobles et les religieux, incompétents en matière de production et de guerre (les nouvelles valeurs), bien qu'il leur laissât, en principe, la préséance. Mais comme le gouvernement désirait se servir de la religion à des fins politiques, il la protégea, d'où un renouveau du Bouddhisme.

Toutefois, des édits furent promulgués afin d'empêcher des religieux mécontents de troubler la paix du pays (par exemple, l'édit en 7 articles du Mont Hiei, en 1608).
En 1635, des bugyô (gouverneurs) sont nommés dans les temples pour surveiller les moines et les moniales.
En 1638 est institué le système du Dankaseido : toutes les familles japonaises doivent s'inscrire sur les registres du temple dont elles dépendront désormais et auquel elles verseront des redevances (source financière précieuse pour les religieux). Le Dankaseido est un excellent moyen de contrôle de la population ; il est étendu en 1662 par l'obligation annuelle de fournir aux autorités un certificat délivré par le temple dont on relève (Tera.ukeseido).

L'organisation des monastères en "maisons-mères" et "maisons secondaires", qui existait depuis la fin de l'époque de Kamakura, est développée (Hon-ji et Matsu-ji). Le schéma s'est ensuite compliqué avec des filiales de filiales, mais le principe est resté le même. En cas de conflit entre deux temples, le Bakufu intervenait et tranchait, avec sévérité.
A côté des Honji et des Matsuji, il y avait quand même quelques monastères indépendants, surveillés moins étroitement.

Les moniales n'avaient pas été oubliées et leur vie également était fixée par les arrêtés du gouvernement shogunal. Les monastères de nonnes dépendaient d'un monastère masculin et s'appelaient Matsuan ou Kôan. Certains, qui ne relevaient d'aucune école, avaient pu préserver une autonomie relative (Shian). Par la suite, quelques Matsuan eurent des filiales à leur tour, comme le Chû.on-ji.

Sous le nom de Bikunigosho, les temples où entraient des membres de la famille impériale ou de la noblesse se virent conférer un statut particulier; on distingua même ceux particulièrement réservés aux princesses impériales (Kyûmonzeki ou Gokyûshitsu) de ceux affectés aux nobles Gunmonzeki; Gozenshitsu). C'était la première fois au Japon qu'on séparait strictement les moniales d'un rang élevé de leurs soeurs issues du peuple. Il n'existait plus de possibilité d'échapper à son origine sociale et de trouver l'égalité au moins dans la religion.

Les Bikunigosho existeront jusqu'en 1885. Certains sont connus :

Gokyûshitsu :

- le Takenogosho, fondé par la soeur de Mugoku Shigen, Chisen-ni, qui descendait de l'empereur Juntoku. Chisen-ni fut la première supérieure du Tsûgen-ji et, dans sa vieillesse, se retira dans un ermitage situé dans l'enceinte-même du temple, le Takenogosho. Le Takenogosho devint plus tard le Donge-in. Depuis 1951, la supérieure y a ouvert une garderie fréquentée par plus de soixante enfants.

- le Kôshô-in ou Tokiwagosho, dû à la fille de l'empereur Gofushimi, Hongaku-ni.

- le Reikan-ji ou Tanigosho ou Shishigadanigosho fut construit sur l'ordre de l'empereur Gomizunoo (1596-1680). Il est réputa pour sa magnifique collection de poupées (plus de deux cents) apportées par les princesses qui entraient en religion.

- le Rinkyû-ji ou Otowagosho, fondé par la fille de Gomizunoo après la mort de son père, en 1680. - le Chûgû-ji ou Ikarugagosho situé à l'est du Hôryû-ji. Fondé en 607 par Shôtoku Taishi pour sa mère, il fut restauré par Shinnyo-ni, à l'ère Bun.ei (1264-1274).

Gozenshitsu :

- le Sanjichion-ji ou Iriegosho remonte à la princesse Kenshi (fille de l'empereur Gokôgon, 1338-1374) qui le fit construire pour y placer une statue de Zend (moine chinois du 7ème siècle qui enseignait la doctrine de la Terre Pure) qu'avait ramenée Junjô (1166-1227; moine japonais qui étudia en Chine de 1199 à 1211).

- le Hokke-ji (Himurugosho) était autrefois le palais de Fujiwara no Fuhito. Sous l'empereur Shômu, l'impératrice Kômyô le transforma en temple provincial, le principal pour les moniales, qui faisait pendant au Tôdai-ji. L'actuelle desservante, Koga Kôshô, se livre à de nombreuses oeuvres sociales. Elle a donné son soutien à un mouvement en faveur des léproseries du monde entier et a appris le braille pour communiquer avec les aveugles.

- le Zuiryû-ji (Murakumogosho) a été fondé en 1596 par la mère de Toyotomi Hidetsugu.

On ne peut évoquer l'histoire des moniales japonaises à l'époque d'Edo sans penser immédiatement aux "Etokibikuni" de triste réputation. C'étaient à l'origine des nonnes qui parcouraient le pays et rassemblaient des dons. Aux carrefours, elles déployaient des rouleaux où étaient représentés les paradis, ou les enfers, bouddhiques et elles expliquaient la doctrine aux badauds. Ensuite, elles faisaient la quête et poursuivaient leur chemin. Jusque-là, rien de blâmable. Au contraire, elles avaient renoué avec la tradition de l'Inde ancienne et étaient remontées à la source primitive. Mais bientôt, beaucoup d'entre elles profitèrent de la liberté d'une vie errante pour se livrer à des activités moins pieuses, peu aptes à édifier les masses. Tant et si bien que l'appelation "Etokibikuni" devint synonyme de "prostituée". L'apparition des Etokibikuni est une grande tache dans l'histoire des religieuses bouddhistes japonaises. Elles ont jeté le discrédit sur toutes les nonnes, alors qu'elles n'en représentaient qu'une infime minorité, la plupart se consacrant avec zèle à une pratique pure. C'est d'autant plus injuste que les Etokibikuni n'avaient en général pas le droit de se dire religieuses; elles n'avaient fait qu'emprunter l'habit sacré et s'étaient parfois rasé les cheveux pour parfaire l'illusion.

A la fin de la période d'Edo, la corruption des "religieux" devint de plus en plus apparente. Les règles n'existaient plus, semblait-il, que pour être transgressées. Les Japonais en arrivèrent à mépriser les moines et les moniales dans leur ensemble. Ils les considéraient, sans opérer de distinction, comme des créatures indignes et nuisibles. En butte aux sarcasmes et aux critiques de tous, les religieux étaient particulièrement pris à partie par les écrivains populaires, les prêtres shintoïstes et les savants nationalistes. Des temples furent détruits, des moines et nonnes ramenés à l'état laïc, et des statues refondues pour servir à la construction de ... canons ! C'étaient les prémices du mouvement anti-bouddhiste qui sévit dans les premières années de Meiji.

mercredi 21 novembre 2007

Sa Sainteté et son successeur

20 novembre 2007

TOKYO (AP) [1] - Le Dalai Lama pourrait désigner un successeur ou bien s’en remettre à une élection avant sa mort, rompant ainsi avec la tradition, a rapporté mardi un quotidien japonais. Cette décision répondrait aux ordres récents émanant de Chine, selon lesquels elle doit au préalable approuver le leader spirituel du Tibet.

Conformément à des siècles de tradition du Bouddhisme tibétain, la recherche de la réincarnation des lamas, y compris celle du chef spirituel le Dalai Lama, a toujours été menée par des moines tibétains, immédiatement après la mort des leaders.

"Le peuple tibétain ne supporterait pas un successeur choisi par la Chine après ma mort", a indiqué le Dalai Lama au quotidien national Sankei Shimbun, lors d’un voyage au Japon.

"Si le peuple tibétain veut maintenir le système du Dalai Lama, une des possibilités serait de désigner le prochain Dalai Lama de mon vivant", a t-il annoncé durant un entretien.

"Parmi les options en considération, une désignation démocratique par les hauts moines du Bouddhisme tibétain, ou bien la désignation d’un successeur par moi-même", précise t-il.

Le nouvel ordre, imposé en septembre, indique que toutes les futures incarnations des Bouddhas vivants liées au Bouddhisme tibétain "doivent obtenir l’approbation du gouvernement", rapporte Xinhua, l’agence de presse chinoise officielle.

Il prévient aussi les sources extérieures de ne pas "influer" dans le processus de sélection, ajoute l’agence.

Le gouvernement tibétain en exil à Dharamsala, en Inde, considère la requête chinoise comme une tentative d’intensification de la répression et d’affaiblissement de la culture religieuse dans la région himalayenne.

En 1995, le Dalai Lama désigne Gendun Choekyi Nyima alors âgé de 6 ans, comme étant le 11ème Panchen Lama, la figure la plus élevée du Bouddhisme tibétain après le Dalai Lama. Le garçon et sa famille disparurent peu après, et on n’entendit plus parler d’eux.

Le gouvernement communiste chinois nomma plus tard Gyaltsen Norbu comme 11ème Panchen Lama et déclara que Nyima et sa famille étaient maintenus dans un endroit secret pour leur propre protection.

Sources : AP / Buddhachannel (Hélène, mercredi 21 novembre 2007)

On n'arrête pas le progrès...

Voici un sujet de réflexion qui n'est pas près de se tarir. Et vous, qu'en pensez-vous ?

UN MORATOIRE CONTRE LA FABRIQUE DES BEBES TELEPHAGES
(Cf. http://squiggle.be/appel/?petition=2 )


 Le lancement d’une nouvelle chaîne de télévision destinée aux enfants de 6 mois à 3 ans pose quatre problèmes graves.

1. Tout d’abord, nous savons aujourd’hui que le développement d’un jeune enfant passe par la motricité et la capacité d’interagir avec les différents objets qu’il rencontre. Alors que l’interactivité est intrapsychique chez l’adulte et l’enfant grand, elle a encore besoin de s’appuyer sur le corps et la sensori-motricité chez l’enfant jeune. L’intelligence, à cet âge, est en effet plus corporelle (sensori - motrice) que imagée ou conceptuelle. Il est à craindre que le temps passé par l’enfant devant les émissions d’une chaîne de télévision - qui rassurera les parents parce qu’elle est présentée comme fabriquée pour les tout-petits – ne l’éloigne des activités motrices, exploratoires et interhumaines, fondamentales pour son développement à cet âge.

2. Nous savons aussi que l’enfant ne se développe, et n’établit une relation satisfaisante au monde qui l’entoure, que s’il peut se percevoir comme un agent de transformation de celui-ci. C’est ce qu’il fait quand il manipule de petits objets autour de lui. Il est à craindre que l’installation d’un tout-petit devant un écran ne réduise son sentiment de pouvoir agir sur le monde et ne l’enkyste dans un statut de spectateur du monde.

3. Alors que les programmes proposés par cette chaîne existent déjà sous la forme de DVD, qui ont l’avantage de proposer une durée limitée, il est à craindre que la création d’une chaîne émettant en continu 24 heures sur 24 n’incite les parents à l’utiliser comme un moyen facile d’endormir leur enfant. Tous les parents savent comme le coucher d’un tout-petit est difficile : il rappelle, les parents y retournent, puis quittent sa chambre… pour revenir un peu plus tard, attirés par de nouveaux cris. Beaucoup de parents risquent d’être tentés par l’installation de la télévision dans la chambre de leur tout-petit comme un moyen de faciliter l’endormissement de celui-ci.

4. De nombreux travaux d’éthologie, y compris appliqués à la relation mère enfant, ont montré combien l’être humain est capable de s’accrocher aux éléments les plus présents de son environnement, dès les débuts de la vie, et notamment à ceux dont il a l’impression qu’ils le regardent. Il est à craindre que de jeunes enfants confrontés sans cesse aux écrans ne développent une relation d’attachement à eux qui les « scotchent » indépendamment de tout contenu. Ces enfants ne pourraient se sentir « bien au monde » - autrement dit sécurisés - que si l’un de ces fameux écrans est allumé près d’eux. L’argument qui consiste à dire que cette chaîne ne contient pas de publicité est particulièrement fallacieux de ce point de vue : les publicistes se rattraperont après, quand l’enfant plus grand ne pourra plus se passer d’une présence permanente d’un écran allumé à côté de lui.

En conclusion : cette chaîne, évidemment lancée pour les actionnaires, risque de séduire certains parents. Mais ce n’est certainement pas pour le bénéfice des enfants qui seront installés devant elle. A une époque où on parle beaucoup d’écologie, prenons conscience que protéger nos enfants du risque de développer une forme d’attachement à un écran lumineux est une forme d’écologie de l’esprit.
C’est pourquoi il est urgent de se mobiliser pour la création d’un moratoire qui interdise à de telles chaînes de diffuser des programmes pour tout petits en continu, 24H sur 24, avant que nous en sachions un peu plus sur les relations du jeune enfant et des écrans.

Cet appel est lancé à l'initiative de

Serge Tisseron (Psychiatre, psychanalyste et Directeur de recherches à l'Université Paris X) avec Pr Pierre Delion (Chef de service de pédopsychiatrie au CHU de Lille), Philippe Duval (Psychologue Clinicien, Directeur de Publication du Jounal des Professionnels de l'Enfance), Sylviane Giampino (Psychanalyste, psychologue petite enfance, fondatrice d’A.NA.PSY.p.e.), Pr Bernard Golse (Chef de service de pédopsychiatrie CHU Necker-enfants malades, professeur Université Paris V), Vincent Magos (Psychanalyste, responsable de la Coordination de l'aide aux victimes de maltraitances - Belgique) et Pr Marie-Rose Moro (Chef de service au Centre Hospitalier Universitaire Avicenne).

Cet appel est également soutenu par les organismes suivants: Association des psychologues freudiens - Collectif Interassociatif Enfance et Média (CIEM) - Bien-traitance, formation et recherche - Fédération Nationale des Educateurs de Jeunes Enfants - Syndicat National des Médecins de Protection Maternelle et Infantile (SNMPMI).

mardi 20 novembre 2007

Bangladesh !...

A l'intention de Son Excellence Monsieur l'Ambassadeur du Bangladesh

Excellence,

C'est avec une grande émotion que l'Union Bouddhiste de France a pris connaissance de la catastrophe qui a frappé le Bangladesh.

Au nom de la communauté bouddhiste de France, nous voulons, en ces moments difficiles, témoigner de notre profonde compassion et de notre sympathie envers votre peuple et tout particulièrement envers les victimes et leur famille.

L'Union Bouddhiste de France appelle tous ses membres à se rassembler dans la prière et à dédier leurs cérémonies à l'apaisement de toutes ces souffrances.
Nous prions également pour que la communauté internationale se mobilise et puisse apporter rapidement un réconfort aux blessés et aux sans abris.

Nous vous remercions de nous faire connaître les organismes auxquels nos membres pourront faire parvenir leurs dons et marques de solidarité matérielles.

Dans cette épreuve que traverse à nouveau votre pays et votre peuple, nous vous renouvelons, Votre Excellence Monsieur l'Ambassadeur, l'assurance de notre compassion et nos vœux de courage.

Olivier Wang-Genh
président de l'Union Bouddhiste de France

UNION BOUDDHISTE DE FRANCE
Fédération Nationale des Associations Bouddhistes de France
Grande Pagode
Route de la Ceinture du Lac Daumesnil
75012 PARIS
tel / fax / répondeur : 01 42 77 86 17
www.bouddhisme-france.org - e-mail : info@bouddhisme-france.org

mercredi 14 novembre 2007

Les chefs de l'école gelugpa

En 1409, Je Rinpoche (c'est-à-dire Je Tsongkhapa, mais dans la tradition tibétaine, il est plus respectueux d'user d'un titre que du nom, d'où acte), Je Rinpoche donc établit le monastère de Ganden, non loin de Lhasa, conformément à une prédiction énoncée par le Bouddha Shakyamouni lorsqu'il reçut un rosaire de cristal des mains d'un jeune garçon - le futur fondateur de l'ordre gelugpa.

Depuis, c'est le "Détenteur du Trône" de Ganden, ou si vous préférez son Abbé, qui est à la tête de l'école. Au Tibet, jusqu'en 1959, le Ganden Tripa était extrêmement respecté, de tous les Tibétains et pas seulement des gelugpa, car il était de notoriété publique que seul un personnage d'un très haut niveau spirituel pouvait impunément accéder à cette charge. Toutes écoles confondues, on n'hésitait pas à traverser le haut plateau pour recevoir de lui l'ordination monastique.
De nos jours qu'en est-il ? L'histoire le dira. Mais nous sommes - hélas - en une période de dégénérescence accélérée, et les grands Maîtres ne font guère recette.

Les tout premiers successeur de Je Rinpoche furent ses disciples principaux, puis de grands Maîtres issus de divers monastères, qui jouissaient d'une telle réputation qu'ils faisaient l'unanimité. Le Ganden Tripa était (et d'ailleurs est toujours) assisté par ses deux prochains successeurs : le Jangste Chöje et le Shartse Chöje qui sont dans l'attente les supérieurs des deux collèges de Ganden et acccèdent en alternance au Trône de Ganden. Le système fonctionna sans heurt jusqu'au début du XVIIème siècle, plus exactement jusqu'au 36ème Ganden Tripa.

Né dans le Kongpo oriental, Tenzin Legshe avait successivement étudié à Dagpo Datsang, Sera Med et Gyudmed Datsang. Après avoir été abbé du collège tantrique, il fut intronisé Jangtsé Chöje puis Ganden Tripa en 1638. Il assumait cette fonction depuis sept ans lorsqu'il provoqua involontairement des troubles tels qu'il dut s'enfuir dans le Khams, à Chödong Pälbargön puis à Dru dans le Kongpo, où il décèda.

L'origine du problème ? C'est que Tenzin Legshe était Kongpowa. Or, les personnes de cette région qui entrent à Ganden ont le choix entre les deux collèges. Aucune règle ne leur impose d'entrer dans l'un ou l'autre. Par conséquent, certains en vinrent à dire que, comme Tenzin Legshe était d'une certaine manière affilié également à Shartse Datsang et qu'il représentait autant ce collège que l'autre (Jangtse), il n'était pas obligatoire que lui succédât le Sharpa Chöje. La situation s'envenima au point que les moines de Shartse prirent les armes pour s'emparer du Trône et y installer leur candidat ! Effectivement, Gedun Rinchen (alias Gedun Gyältsen) fut intronisé en 1644.

Pour éviter que de tels désordres ne se renouvellent, le dirigeant de l'époque, Depa Tsangpa édicta alors un certain nombre de mesures, qui restent appliquée de nos jours par les Tibétains en exil :

- alternance systématique entre Jangtse et Shartse ;
; - durée maximale de la fonction fixée à sept ans ;
- Ganden tripa issus exclusivement des deux collèges tantriques;
- nomination promulguée par le gouvernement tibétain ;
- première phase de l'intronisation obligatoirement au Palais du Dalaï-Lama; deuxième phase à Ganden.

Au Tibet, entre les deux cérémonies d'intronisation, le Ganden Tripa devait faire une halte en chemin chez une famille dénommée Tsangthog : autrefois, Je Rinpoche y avait moulu de l'orge, et son successeur devait faire de même avec du grain fourni par le gouvernement. La quantité obtenue était soigneusement examinée car elle indiquait un bon ou moins bon présage. Il faut dire que la meule à utiliser est en pierre, extrêmement lourde, et donc peu maniable, surtout pour une personne qui est par définition déjà âgée et souvent peu coutumière des tâches manuelles : le simple fait de réussir à manipuler un tel objet démontrait déjà des qualités hors du commun...

dimanche 11 novembre 2007

Les nonnes de Muromachi

NONNES JAPONAISES à l'époque de MUROMACHI (1334-1602) : "Les communautés monastiques et le pouvoir"

Les nouvelles écoles religieuses fondées à l'époque de Kamakura se propagent peu à peu. L'idée que cette période est celle de la dégénérescence s'accentue et entraîne la prospérité du Bouddhisme populaire où l'on prône une foi aveugle et où les pratiques sont d'une extrême simplicité.
Pourtant, l'école qui connaît le plus grand succès est bien le Zen (moins accessible) grâce à la conversion du Shôgun Ashikaga imité par les guerriers des provinces. La rigueur et l'esprit d'ascèse exaltés par le Zen convenaient parfaitement à ces hommes rudes et renforça leurs tendances à la maîtrise de soi et au sacrifice. Protégé par les Ashikaga, le Zen occupa rapidement une position comparable à celles du Tendai et du Shingon à l'époque de Heian. Le système des temples principaux fut établi à Kyôto et à Kamakura.

Parallèlement à ceux des moines, on choisit cinq Amaderagozan (communautés de moniales), dans la branche Rinzai.

A Kyôto :
- le Keiai-ji fondé par Nyodai-ni;
- le Tsûgen-ji construit par Chisen-ni soeur de Mukyoku Shigen (deuxième supérieur du Tenryû-ji);
- le Danrin-ji fondé par Gikû à la demande de l'impératrice Danrin (Tachibana no Kachiko). Le Danrin-ji fut plus tard détruit et, sur ses ruines, Ashikaga Taka.uji (1305-1358) fit édifier le Tenryû-ji.
- le Gônen-ji (fondateur inconnu);
- le Erin-ji fondé en 1330 par un inconnu. Il fut brûlé en 1582 par Oda Nobunaga. On y trouve la tombe de Takeda Shigen (1521-1573) .

A Kamakura :
- le Taihei-ji, restauré par Seikei-ni (descendante de Ashikaka Moto.uji); il fut plus tard réuni au Tôkei-ji.
- le Tôkei-ji fondé par Gakuzan en 1286;
- le Kokuon-ji;
- le Gohô-ji;
- le Zenmyô-ji.
De ces trois derniers, il ne reste que des ruines.

Ces temples se développèrent et de nombreuses moniales s'y retirèrent pour y vivre dans toute la rigueur propre au Zen. Imitant les impératrices, les femmes du clan Ashikaga entrèrent en religion : Yôdô-ni, fille de l'empereur Godaigo, devint la cinquième supérieure du Tôkei-ji. Lui succédèrent à un certain intervalle : Kyokuzan-ni, fille de Ashikaga Yoshiaki (17ème supérieure du Tôkei-ji), puis Shôtai-ni (fille de Mochiuji), Shôzen-ni (fille de Shigeuji), Seigaku-ni (fille de Yoshiaki).

Le Tôkei-ji était un temple indépendant qui jouissait de privilèges spéciaux par décret impérial. A cette époque où les femmes étaient méprisées, rabaissées, n'avaient que le droit d'obéir et de servir leur époux, le Tôkei-ji était l'unique asile où pouvaient se réfugier les malheureuses incapables de supporter plus longtemps la brutalité ou la débauche de leur mari.

L'enceinte du Tôkei-ji était interdite aux hommes; c'était une sorte d'organisme pour la "protection de la femme". C'est ainsi que commença au Japon la tradition d'entrer en religion pour les femmes qui désiraient se séparer de leur époux; c'était la seule procédure de divorce qui leur sera permise pendant longtemps.

Trois religieuses se sont illustrées à cette époque : Shuetsu-ni, Seijun-ni, Shûyô-ni.

Shuetsu-ni, déplorant l'état de délabrement dans lequel se trouvait le pont sacré d'Ise, quêta des fonds à travers le pays entier pour le faire restaurer. Elle fut la première supérieure du Keikô (temple autonome de l'école Rinzai, construit à la fin de l'époque de Muromachi à Ise).
Seijun-ni effectua les travaux de réfection du grand sanctuaire d'Ise, ce qui n'avait pas été entrepris depuis cent trente ans, et fut la troisième supérieure du Keikô-in.
Shûyô-ni, qui lui succéda, recueillit des dons pour achever la construction des deux sanctuaires et accomplit des travaux de rénovation. Le pont qui enjambe la rivière Uji avait été détruit par un incendie; elle veilla à son remplacement et, quand il fut achevé, célébra sa consécration.

Toutes trois ont accompli de grandes tâches nationales, plus que bien des hommes. En récompense, les supérieures du Keikô-in ont reçu le titre de "Shônin" (Saint) et l'autorisation de porter l'habit violet (réservé aux dignitaires).

A la fin de la période de Muromachi, des changements s'annoncent. Le pouvoir des Ashikaga est tombé dans la décadence et les rênes du pays vont bient8t passer dans d'autres mains. L'époque Momoyama (1568-1603) voit l'émergence d'hommes. forts qui vont essayer d'unifier le Japon sous leur férule. Oda Nobunaga (1534-1582) et Toyotomi Hideyoshi (1536-1598) veulent créer un état centralisa- et stable; il est hors de question pour eux de laisser libre cours à la contestation car ils tiennent avant tout à l'Ordre (mot-clé sous le Bakufu d'Edo). Le plus simple étant d'empêcher de nuire ceux qui auraient la possibilité de créer des troubles, les privilèges des communautés religieuses (trop puissantes et, donc, trop dangereuses) sont supprimés. Ceux qui tentent de résister s'en repentent vite : de sanglantes répressions sont menées contre le Mont Hiei (en 1571, Nobunaga fait raser le Enryaku-ji), le Mont Kôya (en 1581) et le Kôfuku-ji (en 1580). Oda Nobunaga et Toyotomi Hideyoshi montraient la voie à leurs successeurs qui adoptèrent la même politique.

Marche silencieuse pour la Birmanie

COMMUNIQUE DE PRESSE

 
Près de vingt ans se sont écoulés depuis la dernière oppression violente visible en Birmanie. Vingt années durant lesquelles le pays a plongé dans une pauvreté et une misère toujours plus oppressantes.

 En septembre 2007, la communauté monastique bouddhiste a décidé de faire porter la voix de son peuple à genou. En silence et en prière, ils et elles ont marché à travers tout le pays afin de témoigner de leur solidarité, mais surtout pour en appeler à témoin le monde, et ainsi obtenir l'engagement de la junte à dialoguer loyalement avec le peuple.

 Les images ont parlé d'elles-mêmes : des milliers d'arrestations, de tortures et un nombre indéfini de morts.

Tandis qu'un calme effrayant est revenu sur le pays, il est plus que jamais nécessaire de continuer la marche initiée par ces moines et nonnes non violents, afin que leur action ne tombe pas dans l'oubli et le silence médiatique.

 Un comité de soutien international et interreligieux aux opprimés birmans, constitué autour de Buddhachannel appelle :

COMMUNAUTES RELIGIEUSES ET LAIQUES

ASSOCIATIONS

CITOYENS

à se joindre pour un grand rassemblement sous le signe de la solidarité , la compassion et la fraternité.

GRANDE MARCHE SILENCIEUSE

Samedi 17 novembre – 18H

Au Trocadéro, à Paris


APPORTEZ VOTRE SOURCE DE LUMIERE EN HOMMAGE AUX OPPRIMES DE BIRMANIE

Avec chacun une bougie à la main, ravivons la flamme de l'espoir.


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