lundi 27 juillet 2009

Dérisoire - suite

Dans la série "Faisons tout pour nous gâcher la vie", vient en bonne place notre attachement ô combien naturel (hélas) à nos idées et convictions.
De là découlent les conflits de tous ordres, dont les guerres de religion.

Nous avons beau étudier à l'école l'Histoire, c'est-à-dire la litanie des horreurs provoquées par l'attachement susmentionné, ce n'est pas ça qui nous amène à la raison.

Il y a quelques jours, pour me distraire (ça m'apprendra), j'ai pris un peu au hasard un bouquin sur les étagères à la maison.
Comme, entre autres ambitions de jeunesse, j'ai été un temps très attirée par l'archéologie et autre ethnologie (en fait, ma première vocation, c'était de devenir ... missionnaire), ça s'est avéré être un ouvrage plutôt bien documenté à propos de la fin de la civilisation aztèque.

Je ne vais pas revenir sur les méthodes en usage à la grande époque de l'Inquisition.
Non, le plus triste, c'est qu'on continue, sous des formes diverses.

Dérisoire

Cet après-midi, installée "au soleil" (enfin, là où il aurait dû y en avoir si les nuages avaient condescendu à s'écarter), et contrainte à l'immobilité par les ronflements paisibles de ma chatte blottie au chaud sur mes genoux, je me suis prise à avoir des idées presque aussi noires que son pelage soyeux :
Pour être honnête, me disais-je, il faut bien avouer qu'on se croit le centre du monde.
Ignorance et autochérissement cumulés font qu'on se croit important ; sans parler de l'intime conviction qu'on détient la vérité.

Et pourtant ! Comme me le répétait ma chère et regrettée amie Yolande quelques heures avant de mourir, les cimetières sont pleins de gens indispensables...
Combien de temps un cher disparu reste-t-il dans les mémoires de ses proches soit-disant inconsolables ?

C'est très variable, bien sûr.
Une mère qui a perdu son enfant demeure effectivement inconsolable. De nos jours, à son légitime chagrin, vient s'ajouter la désapprobation sociale, qui exige qu'on "tourne - et rapidement, SVP - la page".
(Un sentencieux "C'est la vie", énoncé pour occulter la souffrance suscitée par la mort d'un ête aimé, est l'une des expressions qui m'indisposent le plus, aux côtés de "C'est son karma".)

Sinon, "la nature faisant bien les choses", l'oubli vient assez vite. Effroyablement vite, si on le rapporte à soi !
Car même dans le meilleur des cas (famille unie, cercle d'amis fidèles), qui va se souvenir de nous après notre départ ? Quelques-uns de nos contemporains. Eventuellement quelques personnes de la génération d'après ; exceptionnellement de la suivante. Après, c'est terminé à coup sûr.
Sauf, bien sûr, si pour une quelconque raison, "nous sommes passés à la postérité". Mais qu'un nom apparaisse dans les manuels d'histoire n'implique pas qu'on pense vraiement à la personne qui portait ce nom.

Bref, mes calculs ne me donnent pas très longtemps à survivre dans des mémoires (pas bien nombreuses) après ma mort.
Et même avant si je vis longtemps - songeons à toutes les personnes âgées, désormais encombrantes et délaissées de tous. Or, ça n'arrive pas qu'aux autres...

C'est cette prise de conscience qui m'a fait songer, l'espace d'un instant, que mes prétentions à être "importante" étaient vaines, et dérisoires.
Oh ! Juste le temps d'une pensée, car les illusions reprennent vite le dessus.

samedi 25 juillet 2009

Bon jour

Scoop : nous sommes aujourd'hui non seulement le 25 juillet mais aussi, selon le calendrier "tibétain" (en réalité , et plus précisément des Khan mongols), le 4ème jour du 6ème mois lunaire.

Ce n'est rien moins que la commémoration du Premier Enseignement du Bouddha Shakyamouni -
Chos 'khor dus chen - qui énonça alors le Sutra des quatre nobles vérités*, à l'attention de nombreux disciples, dont principalement ses cinq anciens compagnons d'ascèses - snga sde bzang po.

* Pas de malentendu, SVP.
Ce ne sont pas les vérités mises en évidence - la nature de souffrance du mode d'existence conditionné par les klesha et les karma ; l'origine de la souffrance ; la cessation; le chemin - qui seraient "nobles" !
Non, le qualificatif utilisé en français rend en fait une expression en fonction déterminée, qu'pn pourrait traduire par : "d'Arya".
Autrement dit, les "vérités" en question sont surtout des "réalités" telles que perçues par les Arya (personnages ayant obtenu la compréhension directe du non-soi), et seulement par les Arya. Les êtres "ordinaires", encore dépourvus de la sagesse (c'est-à-dire du discernement) susmentionnée ne peuvent que se forger graduellement et au prixde grands efforts une "idée" des ces réalités. Par définition, ils n'en ont pas la vision immédiate.

mardi 21 juillet 2009

Tous les chemins mènent à Rome

En début de cette chaude après-midi, j'étais sur une aire de pique-nique nichée dans la forêt de Fontainebleau et le moins qu'on puisse dire, est qu'il y avait du monde.
Je continuais pourtant à espérer un moment de calme au grand air quand à ma grande horreur se sont installés à quelques mètres de nous quelques jeunes gens armés de tambours et autres instruments à percussion.

Le premier instant de désespoir passé, et après m'être dit que rien ne survient par hasard et que je n'avais qu'à m'en prendre à moi-même et à mes mauvais karma, je me suis rendue compte qu'il s'agissait en fait d'un cours d'initiation délivré par un jeune musicien à six ados en vacances.

Ce n'est pas bien d'écouter aux portes, mais à moins de faire plus de bruit qu'eux, ils s'étaient mis si près qu'il était impossible de ne pas entendre les instructions. Qui ont eu à mes oreilles un écho de "déjà entendu ailleurs".

C'est qu'il n'était pas mal du tout, le jeune prof !
Il a d'abord fait remarquer à ses ouailles qu'ils devaient se tenir bien droit, car en restant avachis sur leur chaise comme ils étaient, ils ne pourraient pas sortir de beaux sons.
Puis il leur a expliqué qu'on ne peut pas faire correctement deux choses à la fois et que pour réussir un travail, on doit demeurer concentré sur ce qu'on fait.
Il leur a ensuite fait remarquer que, quand on fait quelque chose à plusieurs, il faut être à l'écoute des autres, et s'interdire de faire cavalier seul. Etc.

Moi qui pensais paresser tranquillement au bord de l'eau, je me suis presque retrouvée à écouter un Enseignement...

dimanche 19 juillet 2009

Avis aux voyageurs

A l'attention de ceux qui vont partir en Inde* dans les jours qui viennent, pour aller à Kullu ou ailleurs :

1) En raison de l'épidémie de grippe porcine, les autorités indiennes ont mis en place un contrôle sanitaire à l'entrée du pays - avant de passer la douane, prenez soin de remplir le formulaire vert à ce sujet, sachant qu'arrivant de France, vous arrivez d'une zone touchée par l'épidémie.

Mais pas de panique : si vous êtes en bonne santé (pas de fièvre etc.), on vous laissera passer.

2) Si vous prenez un avion intérieur dans la foulée, allez directement à l'aéroport intérieur : les travaux en cours l'été dernier sont achevés. Vous pourrez enregistrer dès 1 heure du matin, et après dormir paisiblement sur des sièges nettement plus confortables que de l'autre côté.

* Renseignements envoyés par mail par S.G. qui a devancé le groupe. Merci à elle. C'est une pratique du don ... du Dharma (fournir à autrui des indications pouvant lui être utiles).

Programme Kullu 2OO9

Quelques nouvelles de Rinpoche que j'ai eu le plaisir et l'honneur de pouvoir saluer hier après-midi à l'Institut à Veneux :
il va bien et s'envole pour l'Inde demain matin. Retour prévu : début septembre.

Le programme d'Enseignements est chargé. Les sujets déjà connus sont les suivants (mais la liste ne prétend pas être exhaustive) :
"La Lettre à un ami" de Nagarjuna dans un site magnifique à 3OOO mètres (je ne suis pas sûre de l'orthographe ; aussi m'abstiendrai-je) ;
"La Voie aisée" du 2ème Panchen Lama (lamrim à la fois concis et très clair) ;
Une grande initiation d'Avalokiteshavara à mille bras (tantra de l'action).

Tous mes voeux à ceux qui auront la chance d'être au bon endroit, au bon moment, avec la bonne motivation et la bonne écoute.

mardi 14 juillet 2009

Avec ardeur

Bon, faudrait donc faire preuve d'enthousiasme (brtson 'drus).

Ouf ! Le Bouddha explique aussi comment y parvenir. Marche par marche.

En un : générer la foi (dad pa) - en particulier sous la forme de la conviction (yid ches kyi dad pa) que l'activité vertueuse envisagée sera source de tels et tels effets positifs.

En deux : générer l'aspiration ('dun pa), c'est à dire le désir de bénéficier desdits effets positifs, ce qui va susciter l'envie d'y mettre avec ardeur.

En trois : sur de telles bases, l'enthousiasme fleurit naturellement.

En traduction libre :
Avant de lancer une entreprise pour le moins ambitieuse, vérifions son degré de faisabilité et tâchons d'évaluer les gains que nous devrions pouvoir en tirer.

Quand nous aurons acquis la certitude que menée à bien, elle va nous faire gagner le gros lot, plus rien ne nous arrêtera.

Esprit d'Eveil

Qui dit esprit d'Eveil (bodhicitta, byang chub gi sems) dit aspiration à accomplir le bien de tous les êtres. Quels qu'ils soient...

OK, ce n'est pas un scoop.

Alors, chiche ?
Et on commence par ... les proches ?

Et avec le sourire, SVP

La cerise sur le gâteau :

l'un des signes d'une désormais bonne pratique est que l'on s'y adonne avec joie.

Tant qu'on rechigne et qu'on a encore tendance à assimiler les activités vertueuses, sinon à des corvées, disons à des obligations astreignante, cela trahit que l'on n'est pas tout à fait au point...

Cf. la définition de l'enthousiasme (brtson 'grus) : "prendre plaisir à ce qui est vertueux" (dge ba la spro ba).

lundi 13 juillet 2009

Les joies de la vue juste

Qui a dit que le bouddhisme est la voie de la facilité ?

Parce que, franchement, quand on creuse un peu ce qui est exposé dans les traités, on en perd des illusions. Sur soi.
Et c'est parfois (souvent, en fait, de plus en plus souvent) douloureux.

"L'ignorance est souffrance", disait à juste titre ce vieux moine, au sens - bien sûr - de : "l'ignorance constitue la source première de la souffrance sous toutes ses formes."

Certes, et il faut donc tout faire pour l'écarter, pour la dissiper, pour l'éradiquer.

Seulement voilà, sur le moment, une" salutaire prise de conscience" octroie à peu près autant d'agrément que quand on doit arracher des bouts de sparadraps bien adhésifs.

Fête nationale

En cette soirée pluvieuse, peu propice aux bals et feux d'artifice, il me revient en mémoire qu'au sein des multiples objets susceptibles d'attiser l'attachement, en bonne place après soi-même et les proches, figure le pays - la patrie.

Consolons-nous : il n'y a pas que ça.
La gloire, la richesse, le pouvoir sont bien classés également.
Ainsi que la "beauté", assortie de l'attirail idoine : vêtements, bijoux et autres fanfreluches.

dimanche 12 juillet 2009

Méditez que

Le bon sens est une qualité précieuse, et les "paysans" sont réputés avoir les pieds sur terre.
Au Tibet comme chez nous...

Ce jour, parmi les pieux villageois qui se pressaient pour recevoir une initi
ation de la part d'un lama de passage dans la région, il y avait un nomade à qui "on ne la faisait", comme diraient certains.

Au fur et à mesure de la cérémonie, le Maître donne explications et instructions :
"Méditez (mos par mdzod) que le Bouddha est devant vous. Méditez que tout se fond en la vacuité. Méditez que de la vacuité, réapparaît...", etc., etc.
La litanie des "mos par mdzod" (méditez, ou encore visualisez, ou encore imaginez) se poursuit ainsi jusqu'à la fin du rituel ; le lama montre avec un large geste circulaire les diadèmes et autres attributs qu'il "remet" aux participants en leur enjoignant de "méditer qu'il le leur a donné".

Quand ensuite, selon la tradition, les fidèles défilent devant le trône pour saluer le Maître, recevoir sa bénédiction et en général lui donner une offrande, le nomade - qui a eu le sentiment d'être floué - se présente avec une belle motte de beurre qu'il avait amenée.
Mais au lieu de la déposer là, il fait un grand geste circulaire en disant : "Méditez que je vous ai offert cette motte de beurre !", puis il repart avec.

vendredi 10 juillet 2009

Séparation

Entre autres classification de la souffrance, le lamrim souligne les affres de la séparation.

La séparation peut être provoquée par bien des conditions : la mort, bien sûr, mais aussi, moins tragiquement (à voir) : la mésentente, l'infidélité, ou tout bêtement un éloignement dans l'espace.
Mais qui peut être lourd de conséquences.

Qui n'a pas versé de larmes en voyant un être cher s'éloigner, pour quelques jours, parfois pour toujours ?
Vous n'avez jamais eu l'impression - très physique (et très douloureuse) - d'avoir le coeur brisé ?
Moi, si.

Du coup, quand un proche m'agace, j'essaie de me représenter ce que je ressentirais si j'apprenais soudainement sa disparition.
Assez curieusement, ça relativise pas mal mes griefs du moment...

Je ne sais pas si ce truc simpliste relève peu ou prou d'une réflexion académique sur l'impermanence. N'empêche que ça marche (quand je pense à le faire).

Tout ça pour

Tout ça pour ... mourir, sans rien pouvoir emporter.

Ah si, pardon. On ne part pas les mains vides : les karma que nous avons accumulés nous suivent comme notre ombre.
Les bons et les mauvais.

jeudi 9 juillet 2009

Que suis-je ?

Eh non, c e n'est pas une faute de frappe, même pas une faute d'étourderie.
Ma question du moment est bien : "Que suis-je", et non "Qui suis-je", qui ne peut venir que dans un second temps. Je crois du moins.

Selon les philosophes madhyamika prasangika, l'individu n'est qu'une simple imputation* nominale, ou si vous préférez (gang zag ming gis btags pas tsam yin), une simple imputation conceptuelle (rtog pas btags tsam yin), en relation avec les cinq, ou quatre, agrégats qui constituent sa base d'imputation.

En moins hermétique, ce laisse à entendre que nous ne sommes pas celui que nous croyons : une entité absolue, ne dépendant de rien sinon d'elle-même, et s'imposant en tant que telle.
Las ! En fait, nous ne sommes que le produit transitoire d'un faisceau de causes et conditions. Et notre "identité" tient au nom qui nous est décerné, ou encore à l'idée qu le sujet percevant se fait de nous, et non à ce que nous serions de façon inhérente.

Vous admettrez que les apparences comptent pour beaucoup dans l'opinion qu'autrui se fait de nous. Il ne faudrait pas non plus sous-estimer l'impact des titres et autres appellations.

Vous avez sans doute lu comme moi le roman intitulé Le Prince et le pauvre, rédigé par Mark Twain ? Avec le recul, il me semble constituer une bonne base de réflexion pour commencer à entrevoir l'aspect très relatif de "moi".

Les souvenirs de lecture remontent. Tenez, prenez l'ouvrage Dans la peau d'un noir, de J. H. Griffin ! Il permet d'un peu mieux comprendre les vains efforts de l'infortuné Michaël Jackson pour se blanchir à grands frais, mais aussi pas mal d'autres choses sur l'aspect quelque peu conventionnel des relations humaines...

Avec tout ça, la notion "je" / moi" se retrouve chahutée. Mise à mal ? Pas encore. Elle est bien trop coriace.

* Toutes mes plus plates excuses pour cette énorme faute de français, mais je n'ai pas trouvé mieux à ce jour pour rendre l'expression tibétaine correspondante.

De la démocratie

Je suis Française, et je me sens viscéralement républicaine, attachée que je suis à la démocratie.

Oui mais, ...
Depuis que je m'intéresse de plus près au bouddhisme (c'est-à-dire depuis 1972, 73), je ne cesse d'entendre parler du samsara et de sa racine première : l'ignorance, en tant que saisie du soi (perception fausse que l'individu que nous sommes est autonome et même autogène).

L'ignorance a maintes facettes, qui vont de la simple non connaissance à la conviction aussi ferme que fausse.
C'est pour cela que ma foi (si on peut dire) en le système démocratique vacille désormais : laisser le pouvoir de décision à la majorité revient souvent à faire la part belle à ceux qui sont majoritaires dans le samsara - et je ne suis plus sûre que ce soit toujours les plus sages.

En revanche, ma foi en Atisha ne cesse de croître, lui qui exhortait à ne pas se faire d'illusions : tant qu'on n'a pas au moins la clairvoyance (effet dérivé autant que naturel de la concentration portée a nivea de shamatha), on a beau avoir envie de bien faire, on "se plante" la plupart du temps.

A quoi bon !

A quoi bon nous agiter continuellement ?

Les Maîtres le disent bien :
"Abondance d'activités ? Abondance d'ennuis !" (traduction libre)

Ce que Pierre construit aujourd'hui, Paul le démolit demain, persuadé d'apporter un progrès nécessaire.

Encore, quand il s'agit d'une activité professionnelle, elle se justifie par son côté alimentaire.
Pour le reste , ...

vendredi 3 juillet 2009

Les huit principes mondains (suite)

Ivan demande quand les huit principes mondains sont dépassés ?
J'en sais rien, moi ! J'suis en plein dedans.

Alors, merci, Ivan, de me tendre la perche. Tâchons de réfléchir de concert.

1) Ca dépend de quoi on parle exactement.
S'il s'agit d'avoir définitivement rejeté tout ça, je suppose que ça requiert d'être arhat, c'est à dire d'avoir éliminé le voile des facteurs perturbateurs.

2) En deçà, il me semble avoir entendu dire et répété que, tant qu'on n'aurait pas surmonté les huit principes mondains grossiers, on ne pourrait pas se targuer d'être un vrai pratiquant bouddhiste (chos pa).
Or, il est également précisé que tant qu'on n'a pas tourné le dos à l'attachement pour cette vie , on n'est pas encore un pratiquant :
tshe 'di la zhen na chos pa min.
Conclusion : tout pratiquant bouddhiste digne de ce nom est censé avoir "dépassé, c'est à dire passablement atténué, les huit principes mondains, tout au moins sous leur forme la plus virulente.

3) Oui, mais il ne faudrait pas oublier que ces fichus principes mondains revêtent plusieurs formes, ou si vous préférez, sévissent à plusieurs niveaux - au moins trois : les noirs (les plus grossiers), les "bigarrés" (ou bicolores), les blancs (fort subtils).
Dans le Lamrim de la lignée du Sud, il y a quelques indications à leur sujet.
Ca pourrait être une bonne lecture pour l'été, non ?


"Autochérissement"

Pour tenter de proposer à Ivan un début de réponse, d'après mes vagues souvenirs, contrairement à l'attachement qui est un facteur mental de type perturbateur (c'est un euphémisme), "l'autochérissement" (rang gces 'dzin) ne figure pas parmi les facteurs mentaux.

Il est donc un mental principal. Ceci entraîne qu'il est a priori de nature neutre, mais qu'il est susceptible de devenir non vertueux ou vertueux en fonction des facteurs mentaux l'accompagnant.
Ainsi, chez le pratiquant qui, par exemple, s'adonne avec foi en le Bouddha à la méditation ou à tout autre exercice pieux, ce par intérêt personnel (pour obtenir une bonne renaissance, pour atteindre la libération, etc.), il y a autochérissement, et il est vertueux.
Ceci dit, il y a là matière à débat : "L'autochérissement peut-il vraiment cohabiter avec des facteurs vertueux tels que la foi ?".

Quand on dit que l'autochérissement naît de l'attachement, il me semble que c'est quand on analyse le processus qui nous maintient dans le samsara : 1. ignorance sous forme de saise du soi, d'où 2. attachement à soi et au sien, d'où 3. autochérissement, etc.

Par ailleurs, il est avancé que l'autochérisement relève du voile à la connaisance (shes sgrib).
A partir de quand ce voile est-il éliminé ?
Les réponses varient selon les systèmes philosophiques : en parallèle avec le voile des klesha (nyon sgrib) selon les uns, après le rejet dudit voile des klesha selon les autres (madhyamika prasangika).

MAIS il est établi que, par définition, tout bodhisattva a neutralisé l'autochérissement !
En début de carrière, il n'en a pas rejeté les empreintes (qui a coup sûr font partie du voile à la connaissance). N'empêche qu'il a troqué l'egocentrisme (l'autochérissement) contre l'altruisme (gzhan gces 'dzin).
C'est cela même qui fait sa spécificité.

jeudi 2 juillet 2009

Au choix

"Mieux vaut être l'objet des critiques de la part de quelqu'un qui sait critiquer que d'être l'objet des louanges de quelqu'un qui ne sait pas louer.", énonça un grand sage tibétain, Sakya Pandita.

A bien y réfléchir, ne nous est-il pas à tous arrivé d'être mortifiés de "compliments" déplacés, sinon diffamants, bien souvent quelque peu méprisants (Cf. Mesdames, pas mal de remarques se voulant gentilles mais foncièrement machistes - ceci n'étant qu'un exemple) ?

Inversement, les "critiques" et autres remontrances de nos Maîtres sont au fond autant de signes des plus encourageants (dans un second temps, et si on réussit à décoder...), car s'ils nous estimaient incapables de faire mieux, ils se contenteraient de nous dorloter.


Chercheurs d'or

En plein XIème siècle, Atisha mettait en garde des disciples tibétaines :
"N'allez pas écouter des Enseignements du Dharma auprès de personnages venus au Tibet juste pour chercher de l'or."

Pour les Indiens de l'époque, le Tibet était en effet l'Eldorado local, avec ses précieuses mines d'or, argent et autres gemmes. S'il y eut pas mal de pandits authentiques pour venir au Pays des neiges afin d'accomplir le bien des descendants d'Avalokiteshvara et de la démone des rochers*, bon nombre de personnages moins recommandables jouèrent les pseudo-maîtres pour se remplir les poches aux frais de disciples trop crédules.

Aujourd'hui, le Dharma est arrivé chez nous, à l'Ouest. Et inévitablement des "chercheurs d'or" aussi. Bon, d'accord, il faudrait plutôt parler d'euros ou de dollars, mais la morale de l'histoire demeure pareille, et le conseil d'Atisha n'a rien de suranné.

* Selon la cosmogonie indigène, les Tibétains seraient issus de ces deux personnages.
Ils tiendraient donc leurs qualités de leur père (bien sûr) et leurs défauts de leur mère (ben voyons).