vendredi 27 mars 2020

Vacuité et interdépendance (selon prasangika)

Un commentaire du Ratnavali de Nagarjuna souligne l'importance de parvenir à comprendre dans le cadre des bases  la complémentarité de la vacuité et de l'interdépendance, qui ne sont pas opposées comme peuvent l'être les touchers respectivement chaud et froid, mais sont associées en ce sens que l'une entraîne l'autre et réciproquement.
Pourquoi ? 
Parce que faute de comprendre leur complémentarité, il est impossible de bien comprendre dans le cadre des voies les deux accumulations, et dans le cadre des résultats les deux Corps.

Pour rappel (ou pour information), les différents systèmes philosophiques du bouddhisme sont présentés au travers d'un même plan ternaire :
1) Les bases : définitions des notions générales et des classifications telles qu'admises, par exemple les deux vérités, les 5 agrégats, l'esprit et les perceptions, l'individu, le temps (présent, passé, futur), etc., etc.
2) Les voies : description et définitions des étapes de la voie, notamment les 5 chemins et leurs subdivisions, éventuellement les 10 terres, etc.
3) Les résultats : libération, nirvana, éveil, etc. 

Selon le système prasangika, le vide de nature en soi (vérité ultime) et le fait d'être imputé en dépendance d'un support (vérité conventionnelle) sont donc des propriétés non pas opposés mais complémentaires de tout existant.

Comprendre le plan conventionnel revient à comprendre l'interdépendance et entraîne l'observance de l'éthique (au sens large), et donc l'accumulation de mérites
Comprendre le plan ultime revient à comprendre le non-soi et permet l'accumulation de sagesse.

L'union et le parachèvement des deux accumulations (mérites et sagesse) génère l'état de Bouddha, qui peut se décrire (entre autres) comme la réalisation des deux Corps (aspects, facettes)  : 
- "Corps de la loi" / Dharmakaya, qui procède de l'accumulation de sagesse,
- "Corps de la forme" / Rupakaya, qui procède de l'accumulation de mérites.




 

mardi 24 mars 2020

Lama khyén

Un petit enfant qui trébuche crie "Maman !"
 Plus grand,  on appelle "Au secours", "A l'aide".

Les Tibétains quant à eux s'exclamaient naguère "Lama khyén" བླ་མ་མཁྱེན་ou "Sangyè khyén" སངས་རྒྱས་མཁྱེན་.

Ces deux énoncés, formules abrégées et quintessence de la prise de refuge, sont équivalents - l'un invoquant le(s) Maître(s), l'autre le(s) Bouddha(s).
Quant à les transposer en français, ...
Ils incluent sans doute notre "au secours", mais vont bien plus loin.

Dire ou penser sincèrement "Lama/Sangyè khyén" revient à s'en remettre totalement à eux, sûrs qu'ils savent tout - ne sont-ils pas omniscients ? - de ce qui nous arrive, et qu'ils savent également tout de ce qui serait le mieux pour nous - que ce soit agréable ou désagréable sur le moment.

Lama khyén, Lama khyén, Lama khyén.

L'exemple d'Atisha

Les biographies d'Atisha rapporte qu'âgé à peine de 18 mois, celui qui est passé dans l'histoire sous le nom de Atisha Dipamkara Shrijnana (982-1054)naurait spontanément énoncé des souhaits tels que ceux-ci


J’ai obtenu un corps de prince doté des libertés et des attributs,
Et grâce à des facultés sans défaut, je vois les Trois Joyaux ;
A jamais, je les place respectueusement au-dessus de ma tête.
Qu’ils soient de ce jour mes objets de refuge, je leur en fait la   requête !

Sans jamais être entravé par les affaires (dharmas) laïques,
Au sein de la communauté religieuse, puissé-je obtenir les richesses du Dharma !
Libre de tout orgueil, puissé-je honorer les Trois Joyaux
Et regarder tous les êtres avec compassion

lundi 23 mars 2020

Des perceptions




Eh oui, la perception dépend plus du sujet percevant que de l'objet perçu (le ressenti, cad la sensation, dépendant des karmas venant alors à maturité).

Quant aux perceptions machinales, elles n'entraînent pas de certitude quant à leur objet. Le terme tibétain est d'ailleurs explicite : སྣང་ལ་མ་ངེས་པའི་བློ་   littéralement "perception dénuée de certitude quant à l'objet qui lui apparaît", mais traduire comme cela en français, à chaque fois, ... pas pratique.

Être spirituel même si on n'est pas religieux



Grand est mon respect pour le Pape François

Petit ≠ insignifiant

Un proverbe chinois énonce, paraît-il :

Il ne faut pas sous-estimer les petites choses :
un trou suffit à faire couler un navire,
une étincelle suffit pour embraser la plaine,
un microbe à tuer un homme. 


En tout cas, à coup sûr, un karma apparemment minime peut susciter des résultats immenses.
De même qu'un pépin de pomme qui engendre un pommier, des karmas vertueux, apparemment minimes au point de départ, peuvent susciter : 

* une ou plusieurs bonnes renaissances
* la libération du samsara
* l'Eveil de Bouddha 

Bien sûr, pour cela, il faut une bonne terre, un apport d'humidité et un degré de chaleur adéquat.


samedi 21 mars 2020

Pensée positive en temps de confinement

Histoire de rompre la monotonie, et si nous essayions d'avoir un état d'esprit positif, en appréciant le verre à moitié plein, plutôt que de ressasser qu'il est à moitié vide ?

Il faut et il suffit de songer à la précieuse existence humaine disponible et qualifiée, en trois points :
* établir en quoi elle consiste (8 libertés et 10 attributs)
* réfléchir au sens qu'elle peut revêtir 1. momentanément, 2. ultimement, 3. à chaque instant
* réfléchir à sa difficulté d'obtention 1. du fait des causes à établir (et à maintenir) ; 2. au travers d'exemples qui illustrent le sujet (la tortue aveugle qui émerge une fois par siècle, la probabilité pour que des petits pois lancés contre une paroi en verre y adhèrent, etc.) ; du point de vue arithmétique, en comparant les chiffres des populations respectives des six sphères du samsara, ou plus simplement des humains et des animaux.

Or, en ce moment, nous sommes des êtres humains !
Profitons-en. 
Savourons chaque instant et essayons d'en tirer parti. 
Même si nous avons envie/besoin de nous reposer, nous pouvons en même temps cultiver compassion et amour envers les êtres du samsara.

Au minimum, par solidarité, restons sagement chez nous le plus possible !


vendredi 20 mars 2020

Message du Vén Dagpo Rinpoche

Pourquoi le confinement ?

La Légende de Sissa pourrait nous aider à nous en faire une idée.

La légende de l'échiquier de Sissa ou le problème des grains de riz sur un échiquier

La légende se situe environ 3 000 ans av. J.C.
Le roi Belkib (Indes) promit une récompense fabuleuse à qui lui proposerait une distraction qui le satisferait.
Lorsque le sage Sissa, fils du Brahmine Dahir, lui présenta le jeu d'échecs, le souverain demanda à Sissa ce que celui-ci souhaitait en échange de ce cadeau extraordinaire.

Sissa demanda au prince de déposer un grain de riz sur la première case, deux sur la deuxième, quatre sur la troisième, et ainsi de suite pour remplir l'échiquier en doublant la quantité de grains à chaque case.
Le prince accorda immédiatement cette récompense, dit à Sissa que sa demande était bien trop modeste, sans se douter de ce qui allait suivre.

Son conseiller lui expliqua qu'il venait de précipiter le royaume dans la ruine car les récoltes de l'année ne suffiraient pas à payer Sissa.

En effet :
1ère case : 1 grain.
2ème case : 2 grains.
3ème case : 2² grains
...
64ème case = 64° nombre de Mersenne.


Car c'est là que la force exponentielle des puissances mathématiques se révèle.
9 223 372 036 854 775 808 grains, soit environ 9,22×1018.
Plus de 9 milliards de milliards de grains !


Le total des grains sur l'échiquier est donc 264-1 =18 446 744 073 709 551 615 grains soit, environ, 18,45×1018.
Plus de 18 milliards de milliards de grains de riz !
Est-ce si faramineux ?


La production mondiale de riz était estimée par la FAO à 699 millions de tonnes en 2010.
Le poids moyen d'un grain de riz est difficile à estimer mais il tournerait autour de 0,04 g.
18 milliards de milliards de grains de riz ont une masse de :
18 ×1018 × 0,04 g = 7,2 × 1017 g = 7,2 × 1011 tonnes = 7,2 × 105 millions de tonnes

720 000 millions de tonnes !
Il faudrait donc plus de 1 000 ans de production mondiale de riz pour atteindre cette quantité.

Maintenant, remplaçons un grain de riz par un Covid-19...

jeudi 19 mars 2020

La vie, précieuse et brève

Le corps humain est précieux, ne le gaspillez pas. La mort étant inévitable, on risque de n'avoir pas le temps [d'en tirer parti]. 

Extrait de Brève Instruction sur les conduites de bodhisattva d'Atisha



Les conseils du cœur d'Atisha

Puisqu'il est impossible de dompter l'esprit d'autrui avant d'avoir dompté le sien, commencez par dompter votre esprit.

Extrait des Conseils du cœur d'Atisha

mardi 17 mars 2020

Attestation de déplacement à télécharger

Attestation à télécharger sur le site du ministère de l’Intérieur
il n’y a que 5 cases à cocher, 
qui résument globalement les situations où les déplacements sont autorisés. 

Comme j'ai eu du mal à trouver où télécharger l'attestation de déplacement, 
obligatoire pour aller faire des courses, etc., pendant la période de confinement, 


Variante 1 : attestation sur l'honneur sur papier libre.


De la subjectivité des perceptions

Sujets de réflexion : 

* La subjectivité de nos perceptions

* Les liens entre nos sensations et nos karmas

 







lundi 16 mars 2020

Exhortation à la pratique, de Dromtönpa

Extrait de l'Exhortation à moi-même, composée par Dromtönpa

"Ohé, fils de l’excellent et glorieux Dipamkara (Atisha) ! Ce support de vie humaine dotée des atouts et des libertés est extrêmement difficile à obtenir. Quant à rencontrer l’Enseignement du Bouddha, c’est encore plus rare.
Ne gaspille pas inconsidérément les atouts et libertés qu’il est si difficile de conquérir. Pourquoi ? L’abîme des existences infortunées est insondable, et sans avoir la base que constitue l’éthique, tu voudrais hisser au sommet les remèdes en boule compacte ?
Sans doute es-tu un héros puisque tu n’es pas naguère tombé dans le précipice effrayant ( des renaissances infortunées) , mais de même qu’on prépare en un mois les réserves d’une année, au moment où tu pourrais te mettre en sécurité pour toutes tes vies à venir, ne reste pas à traînasser ; exploite à fond les remèdes.
La vie n’est pas éternelle ; elle est telle l’éclair dans le firmament : par nature, à peine apparu, il s’efface. Il en va de même pour ma vie, ai-je vu. Ne flâne pas ; tire la quintessence de ce corps. La vie n’est pas éternelle ; elle est telle le rocher qui dévale à flanc de montagne : il descend à vive allure, nul ne pourrait l’attraper. Il en va de même pour ma vie, ai-je vu. Ne reste pas à paresser ; pratique l’excellent Dharma sublime."

dimanche 15 mars 2020

Vue d'éternalisme

"Beaucoup cependant espéraient que l'épidémie allait s'arrêter et qu'ils seraient épargnés avec leur famille. En conséquence, ils ne se sentaient encore obligés à rien." 
(Albert Camus, La Peste)

Et le César du meilleur film de science-fiction, en 4DX s'il vous plaît, est décerné à En l'an 2020.

Oh ! Pardon. Ce n'est pas un film. C'est l'actualité. Internationale. 
Actualité qui met à mal bien des clichés, avec des Italiens bien plus disciplinés que certains de leurs proches voisins, des Italiens qui affrontent l'adversité virale et le confinement en chantant sur leurs balcons.

Alors nous autres, irréductibles Gaulois, que faire entre deux (?) tours de scrutin ? 

Aller au cinéma, au théâtre ou tout simplement au bureau ? Que nenni.
Et si nous en profitions pour tourner notre regard vers nos spectacles intérieurs ? 

Nous avons l'embarras du choix entre les scenarii - bon, d'accord, scénarios, en bon français moderne. 

Un exemple au hasard. Parmi les klesha de base, figurent en bonne place les vues erronées, non vertueuses. Une des cinq, fort active, est dénommée "vue d'éternalisme" 
 ལོག་ལྟ

 Puisque la période est plutôt propice pour la traque aux virus et la recherche de vaccins, nous pourrions essayer de trouver les réponses à quelques questions du genre : 
* Quelle(s) différence(s) entre "vue d'éternalisme" et "saisie d'éternalisme" རྟག་འཛིན་ ?
* Les personnes vulnérables ? Les symptômes - au début, au milieu, à la fin ? Les effets secondaires ? Les remèdes ?






Les deux vérités Emission Sagesses Bouddhistes

Réalisation : Claude Darmon 
Présentation : Sandrine Colombo

Emission du 8 mars 2020


Emission du 15 mars 2020


dimanche 8 mars 2020

"Grande fête des miracles" ཆོ་འཕྲུལ་དུས་ཆེན 9 mars

Pour rappel, entre le 3ème et le 15ème jours du 1er mois lunaire, 
les bouddhistes tibétains et apparentés célèbrent 
le Mönlam སྨོན་ལམ་ཆེན་མོ་, "la Grande Prière", 
qui culmine le 15ème jour avec 
la "grande fête des miracles" ཆོ་འཕྲུལ་དུས་ཆེན.

Cette année, cela coïncide avec le 9 mars.  

Cette période, dont notamment le 15ème et dernier jour, est considérée comme tout particulièrement propice car la puissance des vertus serait, dit-on, démultipliée.

On ne risque pas grand chose à essayer...

vendredi 6 mars 2020

La transmission Interview du Vén Dagpo Rinpoche

Interview sur le thème de la transmission
2013


La méditation, exposée par le Vén Dagpo Rinpoche

Conférence donnée le 5 mai 2012 à l'occasion de la Fête du Bouddhisme et du Vesak organisés par l'Union Bouddhiste de France à la Grande Pagode du bois de Vincennes. 

dimanche 1 mars 2020

Les guéshé lharampa

            « Lharampa » est la contraction de « Lhadèn raptchampa », « docteur de Lhasa ». La tradition remonte au 1er Panchen lama, Losang Tcheukyi Gyèltsèn (1570-1662), réincarnation du fameux Énsapa Losang Döndroup et tuteur du 5ème Dalaï-lama qu’il reconnut en 1622. Lors d’une période de conflit entre le Tsang et le Tibet central, de 1613 à 1618, il remplaça le Ganden Thripa et dirigea donc la Grande Prière. A cette occasion, en vue d’inciter à l’étude des cinq domaines, il fit soutenir des débats par les candidats les plus brillants des grands monastères.


Jusqu’en 1959, pour présenter les ultimes examens au Jokhang au milieu des milliers et milliers de moines rassemblés, seize candidats étaient chaque année sélectionnés par les abbés des sept collèges philosophiques : les deux de Ganden, les deux de Séra, les trois de Drépoung ainsi que Ratö, à raison d’un candidat pour Ratö, deux pour chacun des autres, le dernier par l’un des six collèges des trois piliers, à tout de rôle. Prévenus au moins un an à l’avance, ils étaient astreints à une préparation intense avec obligation de présence et de participation active à tous les débats internes et externes douze mois durant. L’enjeu n’était plus le titre de guéshé lharampa, d’ores et déjà acquis, mais le rang décerné, de premier à septième, qui n’était pas un classement des candidats de l’année entre eux, mais avait une portée plus générale, tant et si bien qu’il pouvait y avoir plusieurs ex æquo ou au contraire des rangs non pourvus : aucune premier mais trois deuxième, ou le contraire, etc.
          En exil, les traditions sont maintenues tant bien que mal, avec des adaptations rendues nécessaires par les événements. Par exemple, l’un des trois collèges philosophiques de Drépoung, Déyang, n’a pas été reconstitué en Inde. Actuellement, il semble que, sur les sept rangs, seulement les trois premiers sont encore décernés et si chaque collège présente, en principe, deux candidats (actuellement, beaucoup plus), un seulement – désigné d’avance par l’abbé – concourt pour un rang : même si le comparse réussit remarquablement ses débats, il sera simple guéshé lharampa, sans rang honorifique. Par ailleurs, alors qu’au Tibet, tous les examens étaient oraux, en Inde certaines épreuves sont écrites.