jeudi 31 juillet 2008

Le renoncement suite

Vos réponses (dont je vous remercie infiment) à ma petite devinette de l'autre jour semblent confirmer que le terme de "renoncement" n'est vraiment pas des plus limpides.
Alors qu'on l'utilise si souvent dans les Enseignements. Alors surtout que la pratique du Dharma requiert comme base le renoncement aux attraits de cette vie !

Rassurons-nous : ce n'est parce que nous cultiverions le non attachement envers tous les êtres, ou plus simplement envers Pierre ou Paul, que pour autant nous ne pourrions pas avoir d'amour pour les uns et les autre. Au contraire !

Il est en effet impossible que deux facteurs divergents se manifestent simultanément en nous, ce qui signifie que lorsque nous éprouvons de l'attachement (facteur perturbateur non vertueux) pour quelqu'un, nous ne pouvons pas en même temps avoir pour lui de l'amour (facteur vertueux, affilié auquel des 11, au fait ?). Sachant que tout état d'esprit vertueux suppose la présence des 3 racines vertueuses, dont ... le non attachement/renoncement.

Ne nous laissons pas abuser par ce mot : le renoncement porte sur l'attachement à l'objet, et non sur l'objet lui-même. Cultiver le non-attachement envers les biens de ce monde n'entraîne pas de tous les balancer par la fenêtres, ou d'enflammer en public un billet de 500FF. Il exige "simplement" de ne pas avoir d'attachement à leur égard.
Le fait d'être aisé, voire riche, n'est en rien condamnable : c'est le fruit d'un exercice antérieur de la générosité. C'est un bon fruit, néanmoins quelque peu dangereux, comme tout ce qui relève du samsara. A nous d'être vigilants (plus facile à dire qu'à faire, on est d'accord) et de ne pas céder à la tentation de l'avarice et autres tendances néfastes.

Vous souvenez-vous des deux qualités nécessaires pour entrer sur la voie des shravaka, qui mène à la libération ?
Je ne vais pas vous faire languir : ce sont 1. le renoncement au samsara ; 2. l'aspiration à l'Eveil du petit véhicule.
Ce sont des qualités distinctes, dont la première joue le rôle de cause (complétive) pour la seconde. Le renoncement est de fait un facteur mental vertueux, pas l'aspiration, qui est l'un des cinq facteurs déterminants, ou disons plus littéralement "à objets déterminés".

A propos, tous vos exemples de non-attachements qui ne seraient pourtant pas des renoncements m'ont parus tout à fait pertinents (à condition qu'il s'agisse vraiment de non-attachements, et non pas d'aversion, d'irritation ou autres).

Selon moi, un non-attachement qui participe (par définition) à une pensée vertueuse en l'esprit d'un être n'ayant encore réalisé aucun type de renoncement rentre, ou disons peut rentrer, dans le cadre indiqué.
Ainsi, pour quelqu'un comme moi, qui est loin d'avoir développé la moindre forme de renoncement, même vis-à-vis des plaisirs de cette vie (ah ! les glaces au café !), à chaque tentative de ma part d'observer un tant soit peu l'éthique, de faire preuve de générosité, ou de patience, etc., de tels états d'esprit comportent obligatoirement du non-attachement. Celui-ci peut-il ou non déjà prendre un aspect de renoncement ? Ceci est la question du jour (si j'ose dire à cette heure...).

mardi 15 juillet 2008

Le renoncement

Renoncement à cette vie (c'est à dire dégoût des plaisirs fallacieux de cette vie) ou renoncement au samsara (c'est à dire écoeurement à l'égard des vains bonheurs et privilèges de l'existence conditionnée par les facteurs perturbateurs et les karma) :
le terme n'est vraiment pas clair en français. Il est même source de confusion plus que regrettable.

Mais au fait de quel facteur mental le « renoncement » relève-t-il ?
Du non-attachement - l'un des onze facteurs "vertueux" de l'esprit et l'une des trois racines vertueuses.

NB Si le renoncement est toujours non-attachement, l'inverse n'est pas vrai.
Citez un cas où il y a non-attachement, mais pas renoncement.
A vous de jouer.

La rancune

L'aviez-vous remarqué ?

La rancune suit la colère et fonde l'impatience.
En tout cas, c'est ce qu'affirme Asanga.

Les 3 "racines vertueuses"

A la base de toute pensée bonne de notre part, résident forcément trois facteurs mentaux éminemment positifs : les 3 "racines vertueuses" que sont l'absence d'ignorance, l'absence d'attachement, l'absence d'irritation.

Vous avez remarqué ? Ce sont les facteurs opposés aux trois "poisons de l'esprit", qui méritent bien leur nom.

La sensation

Ah ! le vocabulaire.
Au risque de vous lasser, je répète que je le trouve souvent ambigu voire trompeur.
Je précise que ce n'est pas une critique, juste une constatation - une fois qu'on en a pris acte, on peut en jouer.

Pour en venir au vif du sujet, le bouddhisme observe que la sensation (tshor ba) figure en bonne place parmi les cinq facteurs mentaux dits "omniprésents", au sens qu'ils contribuent nécessairement à toute perception.
Ce qui revient à dire qu'il n'est pas un seul instant où nous n'ayons pas de sensations, lesquelles sont agréables, déagréables ou neutres. Point final. Il n'est pas d'autre type* de sensation.

Le problème pour nous, Français, est que notre langue nous amène à parler d'"une sensation" de chaud, ou de froid, etc. Transposé en vocabulaire bouddhique, on dirait plutôt "perception d'un toucher (ou contact) chaud ou froid".

Toujours est-il qu'Asanga définit la sensation comme expérimentation. De quoi ?
Des résultats à pleine maturité respectifs des karma vertueux, non vertueux et neutres.

Autrement dit, l'aspect agréable, ou désagréable, ou neutre, de telle ou telle de nos expériences ne doit rien aux objets qui, croyons-nous d'ordinaire, les suscitent.
Non, il procède de karma que nous avons nous-mêmes accomplis en des temps antérieurs et qui donnent des fruits maintenant sous la forme de nos sensations, que nous dénommons bonheurs et souffrances quand elles sont clairement connotées.

Quelqu'un nous lance un coup de pied dans les tibias et nous avons mal - sensation pénible ?
Prenons-nous-en à nous-mêmes !
Si en nous aucun mauvais karma n'était plus à l'oeuvre, nous n'aurions pas éprouvé la moindre douleur.

* Il est exact qu'on peut aussi diviser les sansations en physiques et mentales, mais les unes comme les autres ne peuvent qu'être des trois sortes indiquées.

lundi 14 juillet 2008

Le Shingon

Je ne suis guère patiente ! Ma Maman me l'a souvent dit, et même si aujourd'hui je l'admets et fais quelques tentatives pour y remédier, c'est loin d'être dans la poche.

Tenez, à chaque fois que quelqu'un fait devant moi l'amalgame Vajrayana = bouddhisme du Tibet (je me refuse à parler de "bouddhisme tibétain"), je ne puis me retenir de faire une allusion perfide au Shingon. Je pourrais aussi évoquer le Tendai, mais cette branche est encore moins connue, et reconnue, ici.

Car le vajrayana n'est ni une invention ni un monopole tibétains.
1. Enseignement du Bouddha (d'accord, sous la forme de Vajradhara. Et alors ?), il naquit donc en Inde. Ou disons plutôt, il fut révélé d'abord au pays des Arya (= Inde, je précise).
2. Il s'est diffusé en Chine très tôt, et de là s'est transplanté en Corée, au Japon, etc.
3. A partir des VIIème, VIIIème siècles, d'Inde, il s'est peu à peu introduit au Tibet, via le Népal.
4. Du Tibet, il est aussi passé en Mongolie. Et depuis certains fâcheux évènements (1959), il s'est disséminé un peu partout dans le monde dans le balluchon des réfugiés.

Ainsi, le SHINGON, "boudddhisme ésotérique japonais", relève bel est bien du vajrayana.
Son fondateur est le grand Kûkai, connu à titre posthume sous le nom de Kôbô Daishi.
Contemporain de Padmasambhava, il serait né à la fin du VIIIème siècle et mort vers le milieu du IXème siècle.

Fondateur du monastère Kôyasan, Kûkai était non seulement un fin érudit et un grand maître, mais aussi un humaniste généreux et actif. Il parcourait les campagnes, créant ici une école, là un dispensaire, et construisait un peu partout des ponts.

Meiji et les femmes

Non, non, je ne vais pas évoquer les relations de l'Empereur Meiji avec la gente féminine.

Me plaçant résolument sur le plan historique, avec zeste d'arrière-plan culturel, je veux seulement citer le décret ,° 98, promulgué le 27ème jour du 3ème mois de la 5ème année de Meiji (oui, encore 1872), un décret tout bonnement sacrilège !

"Nous venons de mettre un terme à l'exclusion des femmes des enceintes mêmes des sanctuaires et des temples. En conséquence, elles sont désormais autorisées à entreprendre l'ascension des montagnes, afin d'y rendre hommage et autres."

Sources : Mes vagues souvenirs des Langues' O et surtout le remarquable mémoire de DEA d'Antony Boussemart : Rupture ou continuité ? Le Kôyasan confronté aux mesures religieuses du gouvernement de Meuji entre 1868-1875 : une relecture de la politique de séparation du bouddhisme et du shintô.

La Restauration de Meiji 2

Merci, Monsieur Vié, vous qui, aux Langues' O, nous enseignâtes avec passion l'histoire et la petite histoire du Yamato, plus tard renommé Nihon, ou Nippon.

C'est vous qui m'avez apporté la clef de l'énigme - "moine ou pas moine" ? -, en nous racontant par le menu les tribulations de l'ère Meiji, qui s'étendit de 1868 à 1912.
Epoque cruciale, de transition entre le Japon féodal et le Japon moderne, hypermoderne,
quarante ans suffirent aux habitants de l'archipel pour rattraper leur "retard" sur l'Europe industrialisée.

Côté boudhisme, ça n'a pas été une période agréable, car persécution il y eut, il faut bien l'admettre.
Que voulez-vous ? Pour restaurer le régime impérial, validé par la religion indigène - le Shinto -, il était nécessaire, sinon d'éradiquer, au moins d'affaiblir les apports estrangers, dont le bouddhisme.

Plusieurs années durant, les interdictions succédèrent aux décrets et aux confiscations en tous genres.
Ainsi, le 25ème jour du 4ème mois de la (ème année de l'ère Meiji (vous aurez immédiatement compris que c'était en 1872), "autorisation" (obligation ?) fut donnée aux moines
- de manger de la viande ;
- de se marier,
- de conserver leur cheveux.

En termes moins nuancés, les moines durent revenir à l'état laïque.

Quand la situation s'apaisa et que la liberté de religion fut rendue, il n'était plus possible de revenir en arrière dans bien des domaines. Les lignées de transmission de voeux monastiques ayant été brisées, elles ne pouvaient être ressuscitées.
Entre temps, pour survivre, les bouddhistes japonais, ingénieux, avaient mis au point de nouveaux schémas, qui perdurent aujourd'hui.
Par exemple, en lieu et place de l'ordination monastique, ils célèbrent une cérémonie de production de l'esprit d'Eveil (sous forme d'aspiration, pas d'engagement), avec prise de préceptes.

Mais des moines et nonnes, au sens académique du terme et se conformant au Vinaya, non, il n'y en a plus dans les écoles japonaises depuis plus d'un siècle.

Sources : Mes vagues souvenirs des Langues' O et surtout le remarquable mémoire de DEA d'Antony Boussemart : Rupture ou continuité ? Le Kôyasan confronté aux mesures religieuses du gouvernement de Meuji entre 1868-1875 : une relecture de la politique de séparation du bouddhisme et du shintô.

La Restauration de Meiji 1

L'histoire du Japon est, je crois, peu connue de par chez nous, hormis les spécialistes et les amoureux du Pays du Soleil Levant.

Pour qui s'intéresse au bouddhisme et à sa diffusion en Asie, et maintenant dans le monde, elle éclaire cependant certains faits qui peuvent nous sembler de prime abord surprenant, voire choquant.
Lorsqu'à 20 ans, j'ai visité pour "mon" premier temple Zen à Kyoto, j'ai été chaleusement accueillie par son desservant - un "moine" d'un certain âge, très distingué, qui a célébré à ma seule intention une cérémonie du thé (je n'ai réalisé que des années plus tard la chance que j'avais eue).
Toujours est-il qu'à l'issue du rituel ancestral, une dame non moins chic et tout de kimono vêtue, s'est glissée (c'est vraiment le terme) discrètement dans la salle, et m'a été présentée par mon hôte comme étant son épouse.

Je n'y comprenais plus rien.

L'amour maternel

Un peu de culture tibétaine, pour (ne pas trop) changer.

Jadis (avant 1959), même au Pays des neiges, la vie des autochtones était régie par une législation. Comme chez nous, au fond.
Et toujours comme chez nous, il arrivait que des personnes soient "invitées" (sommées, en clair) à prêter serment (pas sur la Bible, évidemment, ni "sur la tête"), avant de témoigner ou en d'autres circonstances.

MAIS à l'époque, le bon sens ne perdait pas si facilement ses droits chez nos amis du Toit du monde.

Dungkar Rinpoche, lama originaire du Kongpo (incidemment apparenté à Rinpoche) et qui est l'un des plus grands lettrés tibétains de notre époque, a rédigé sur 20 ans une grosse encyclopédie - un bijou ethnographique.

Entre autres informations qu'il sauve ainsi d'un oubli imminent, à propos de la prestation de serment, il rapporte que la loi tibétaine d'antan excluait plusieurs catégories de "clients", pour des raisons très diverses.
Pour prendre quelques exemples, outre les lama et grands maîtres, seraient inaptes aux serments :
- les mamans, car l'amour maternel rend capable de tout, et donc de n'importe quoi, pour l'enfant - y compris les parjures. Quoi de plus naturel ? Il vaut mieux en prendre acte. tout simplement.
- les malfaiteurs et escrocs de haut vol - dénués de tout sens moral ;
- les enfants (les mineurs), pas encore en âge d'engager leur responsabilité ;
- les tantristes - auxquels la maîtrise des mantra permettrait de neutraliser les effets nocifs d'un parjure !



Oui, mais...

Les Enseignements boudhistes sont beaux (en toute objectivité).
Sont-ils faciles ?
Non, je ne dirais pas ça. Ni à comprendre, encore moins à appliquer.

A titre d'exemple, regardons ce court extrait d'un Enseignement de Rinpoche :

"Dans la vie courante, à chaque fois que nous rencontrons un ennui, il serait bien de l'habitude de soigneusement analyser la situation pour déterminer le genre de problème dont il s’agit, en nous rappelant que ce ne sont jamais là que des résultats de mauvais karma accomplis par nous-mêmes. Apprenons à assumons donc nos responsabilités, au lieu de continuer à rejeter la faute sur autrui.
Réfléchissons aussi au fait que, dans le monde, il y a a tant d’autres êtres qui souffrent dans des circonstances comparables ou, souvent, infiniment pires. Conscients que nos propres épreuves procèdent de notre auto-chérissement, il serait avisé d'effectuer à leur intention la pratique de « prendre (sur nous la souffrance d'autrui) et donner (à autrui nos mérites et bonheurs».
Il va sans dire que cela suppose de méditer compassion et amour envers tous les êtres encore exposés à la souffrance."

Mais, ajoute à chaque fois Rinpoche, il s'avère qu'il est impossible de venir efficacement en aide à des tiers tant que l'on ne s'est pas suffisamment renforcé.
Il est impossible de prendre la mesure de la souffrance d'autrui tant que l'on n'a pas réalisé la sienne.
Comme le soulignaient les geshe Kadampa, il importe de regarder loin devant soin avec le coeur vaillant. En d'autres termes, s'il convient de se fixer comme objectif suprême l'accomplissement du bien d'autrui, il ne faut pas perdre de vue les réalités premières.
Pour que les souhaits - magnifiques, certes - ne demeurent pas des voeux pieux, il faut se donner les moyens de ses ambitions.
Ce qui requiert patience, persévérance, méthode, discernement, et bien d'autres qualités encore.

Vous trouvez ça facile, vous ?

Si seulement...

En ce 14 juillet exceptionnellement ensoleillé, et dans un esprit de rassemblement (pour la paix, bien sûr), je vais me contenter de citer un extrait de l'Hymne à la joie dans sa version Hymne Européen, en formulant le voeu ardent d'une prompte mise en application :

Tous les hommes de la terre
Veulent se donner la main
Vivre et s'entraider en frères
Pour un plus beau lendemain,
Plus de haine, plus de frontière,
Plus de charniers sur nos chemins
Nous voulons d'une âme fière
Nous forger un grand destin

Que les peuples se rassemblent
Dans une éternelle foi
Que les hommes se rassemblent
Dans l'égalité des droits.
Nous pourrons tous vivre ensemble
La charité nous unira
Que pas un de nous ne tremble
La fraternité viendra.

vendredi 11 juillet 2008

Cent fois sur le métier...

"Ce sujet, je le connais déjà." "J'ai déjà entendu des Enseignements là-dessus." Etc., etc., avec la même conclusion : "Pas la peine que j'aille à tel ou tel Enseignement."

Eh bien, dans la biographie d'un grand maître* gelugpa disciple du grand Yongdzin Yeshe Gyältsän, il est noté, incidemment, que l'intéressé a reçu l'Enseignement de la Voie Aisée (Bde lam) de la part de son Maître, oh, rien que 50 fois environ !

* Geshe Losang Wangyäl

mercredi 9 juillet 2008

Quel Maître suivre ?

Dans le boudhisme, la relation de Maître à disciple est fondamentale.
Ce qui n'est pas toujours bien compris des Occidentaux, c'est qu'elle est établie par l'élève lui-même, qui a tout intérêt de prendre un maximum de précautions.

C'est pour cela qu'autrefois en Inde, la coutume était d’attendre douze ans avant d’établir une telle relation.

Vous avez forcément entendu parler de Gengis Khan. L'un de ses descendants, Koubilaï Khan, songea un jour que lui-même était le plus puissant du point de vue mondain, mais qu’il avait besoin d’un maître sur le plan spirituel. Où trouver un maître à son niveau ? Peut-être au Tibet, se dit-il.
Koubilaï envoya donc un émissaire au Tibet pour faire une enquête. Aux termes du rapport qui lui fut présenté, à cette époque-là, "les Kadampa détenaient le plus grand nombre de monastères, les Kagyupas étaient les plus fins politique et les Sakyapa les plus érudits dans le Dharma - l'ordre des Gelugpa n'existait point encore, mais ce qui est curieux, c’est qu'il ne fut pas fait mention des Nyingmapa.
Koubilaï réfléchit : « Les Kadampa ont beaucoup de monastères, mais moi aussi je possède beaucoup de bâtiments. Par conséquent, je n’ai nul besoin d'eux. Pour ce qui est de la politique, les Kagyupa ne sont certainement pas plus forts que moi... C’est donc des Sakyapa que j’ai besoin ». C'est ainsi qu'une invitation fut lancée au grand Maître Sakya Pandita, qui l'accepta.

dimanche 6 juillet 2008

En général...

Spyir - "en général" (c.a.d. envisagé sur le plan général) - est un petit mot qui revient à longueur de traités philosophiques bouddhistes. Un mot court, mais lourd de sens.

Si vous me lisez, c'est que vous êtes francophone. Vous avez donc forcément étudié les règles de grammaire de la langue de Molière (pas que de lui, d'ailleurs), dont cette règle qui est aujourd'hui véhémentement contestée par mes soeurs féministes : "Le masculin l'emporte sur le féminin."

Pas de problème de ce genre en tibétain ou en japonais, langues où le genre est rarement marqué.
Si j'ai évoqué cette règle bien connue de par chez nous, c'est pour vous permettre de goûter plus facilement les règles de philosophie du genre : "Les connaissables, pris en général, sont phénomènes permanents ; mais les connaissables ne sont pas tous des phénomènes permanents. Exemple : une personne."
Autrement dit, "le permanent l'emporte sur l'impermanent, même si les éléments englobés ne sont pas tous permanents".

C'est pour le même genre de raison qu'il faut classer, en général, l'agrégat des formation parmi les phénomènes composés qui ne sont ni exclusivement forme ni exclusivement esprit (ldan min 'du byed / 4 syllabes en tibétain contre une interminable locution - de plus à peu près incompréhensible - en français. Et après on s'étonne que la traduction en cette langue dure plus longtemps que la version originale !).

En réalité, ledit agrégat des formation inclut deux types de phénomènes, les uns de nature mentale (les facteurs mentaux hormis la sensation et l'identification érigés chacun en agrégat distinct), les autres non (l'individu lui-même, son impermanence, sa durée de vie, etc.). Eh bien sur le plan général, c'est la catégorie "ni forme ni esprit" qui l'emporte sur les catégories respectivement "forme" ou "esprit". C'est comme ça.



Philosophie et pédagogie bouddhistes

La philosophie bouddhiste présente parfois les choses d'une manière un peu surprenante pour nous Occidentaux.

Il a fallu que je commence à étudier bsdus grva (logique élémentaire) auprès de Geshe Rabten, alors abbé du monastère tibétain de Rikon (Suisse) et par ailleurs mthan zhabs (assistant en philosophie) de Sa Sainteté, pour apprendre que "phénomène impermanent, phénomène composé, phénomène produit, cause, résultat, phénomène à caractéristiques propres" sont, sinon des synonymes, en tout cas des termes équivalents ! Après, il reste à préciser dans quel cadre.

Geshe Rabten était un Maître exceptionnel, alliant toutes les qualités de coeur et d'esprit - comme on dirait chez nous -,
et il avait le sens de l'humour. Ses Enseignements étaient d'une clarté et d'une profondeur remarquables. Lui qui avait enduré maintes ascèses pour mener ses études à bien, il n'était que bonté, douceur et indulgence pour ses élèves.

Avant d'être nommé à Rikon par le gouvernement en exil, bien qu'il vécût dans un ermitage non loin de Dharamsala,
Geshe Rabten avait déjà quelques disciples occidentaux (Américains, Anglais et même Français). Plusieurs, devenus moines, le rejoignirent en terre helvétique et il leur enseigna entre autres l'art des débats.
Conscient qu'il était de la difficulté pour ces
anciens routards de se plier à une discipline stricte, pour leur ménager des moments de détente en été, Khen Rinpoche les emmenenait régulièrement à la piscine du village. Une piscine découverte entourée de pelouses accueillantes. Tout le monde y faisait trempette avec les gamins du coin, l'Abbé y compris.

Je crois bien que cela fait partie des "quatre moyens de réunion des disciples", qui relèvent de l'éthique de bodhisattva et ont pour finalité d'aider autrui à progresser.

Bon Anniversaire


En ce dimanche 6 juillet 2008, qu'il me soit permis de souhaiter un bon anniversaire à tous les natifs du jour. Dont, officiellement, Sa Sainteté le XIVème Dalaï Lama Tenzin Gyatso, né d'après sa première autobiographie (Ngos nyi yul dang ngos kyi mi mang) le 5ème jour du 5ème mois de l'année du cochon de bois (1935). Je vous laisse le soin de vérifier la correspondance entre les deux calendriers.

En fait, au Tibet, il n'était guère coutume de souhaiter les anniversaires, à part éventuellement celui de très hauts dignitaires. Dans le cas du Dalaï Lama. - chef temporel du pays -, le gouvernement central organisait une cérémonie mais sans célébration publique. Si la population de Lhasa était (peut-être) au courant, dans les régions personne n'en savait rien, les voeux de bonheur, santé, etc., s'échangeant pour tous le Jour de l'An.
C'est depuis l'exil en 1959 que "l'anniversaire de Sa Sainteté" s'est transformé en "Fête Nationale", comblant un manque par rapport aux us et coutumes des pays d'accueil de la diaspora tibétaine. Les premières fois que j'y ai assisté, en compagnie de Rinpoche et Geshelags, c'était à Rikon, en Suisse allemanique, où toute une communauté tibétaine vit autour du monastère et de la fabrique Kuhn.

(Cf. Site Kuhn : En 1964 lorsque la Croix Rouge suisse et d’autres organisations d’aide humanitaire ont recueilli en Suisse des familles tibétaines durement touchées, Henri et Jacques Kuhn n’ont pas hésité longtemps. Spontanément ils ont mis des emplois et des logements d’entreprise à leur disposition.
Avec une amicale, ils ont fondé l’Institut Rikon du Tibet. Pour répondre au vœu de ces gens si durement éprouvés, un centre culturel fut créé, qui devint rapidement un pôle religieux important pour les Tibétains de toute la Suisse et des pays voisins. Ce centre scientifique permet aussi aux occidentaux interessés d’avoir un aperçu exceptionnel de la riche culture tibétaine.
Aujourd’hui beaucoup Tibétains travaillent encore chez KUHN RIKON. La deuxième génération a déjà acquis en grande majorité la citoyenneté suisse et Rikon est devenu leur nouvelle patrie définitive.)

jeudi 3 juillet 2008

Sans plus d'attachement

Extrait du Sutra de la maîtrise du serpent

"Bhikkhus, je vous ai répété maintes fois l'exemple du radeau et j’ai bien insisté sur le moment à connaître où il faut abandonner le radeau et de ne plus s’y accrocher. Imaginez qu'un jour, une source se déverse de la montagne, forme un torrent en crue et emporte sur son passage tous les biens. Un homme veut le traverser mais il n'y trouve ni pont ni barque. "Il me faut pourtant aller à l'autre rive, réfléchit-il, mais quel est le moyen le plus sûr d'y parvenir ?" Après avoir examiné la situation, il ramasse des branches afin de les assembler en un radeau pour gagner l'autre rive en toute sécurité. Mais une fois arrivé de l'autre côté, le voilà qui pense : "J'ai consacré tant de temps et d'énergie pour confectionner ce radeau qui m'a emmené jusqu'ici. Je ne devrais pas le jeter. Je vais continuer mon chemin en l'emportant sur mes épaules ou sur ma tête." Et ainsi, il reprend sa route. Bhikkhus, pensez-vous qu'il est utile d'agir ainsi ?"
"Certes non, Honoré par le Monde, répondirent les bhikkhus."
"Que devrait-il faire cet homme, interrogea le Bouddha, pour rendre le radeau plus utile ? Il devrait penser comme ceci : "Ce radeau m'a aidé à franchir le torrent en sécurité. A présent, il vaut mieux le laisser sur la berge afin qu'une autre personne puisse s'en servir." Bhikkhus, serait-il plus bénéfique à l'homme de penser et d'agir ainsi ?"
"Sans nul doute, Honoré par le Monde," acquiescèrent les moines.
"Maintes fois, je vous ai répété l'exemple du radeau, enseigna le Bouddha. Il faut abandonner même le vrai Dharma, sans parler du non-Dharma."

Effets de la foi ?

Incroyable mais vrai ! Ingrid Bétancourt ainsi que quatorze autres otages ont recouvré la liberté. Sans effusion de sang - pour le moment.

L'un des "secrets" de son étonnante résistance ? La FOI, dit-elle elle-même, relayée par les psy invités sur les plateaux.
La foi qui lui permet de faire état de la cruauté des geôliers en toute objectivité, sans témoigner de haine ni de rancoeur à leur égard !

L'héroïne du jour fait remonter en moi le souvenir d'une autre prisonnière qui en son temps avait également suscité une chaîne de solidarité, moindre certes : Ngawang Sangdröl, "la prisonnière de Lhasa".

J'ai eu la chance de la rencontrer quand elle fut reçue par Monsieur le Président de la République Française - Monsieur Chirac à l'époque. Ce matin-là, je servis d'interprète à cette jeune fille indomptable dont les qualités m'impressionnèrent au plus haut point : les tortures subies n'avaient pu altérer son intelligence ni son sens de la répartie et de ... l'humour.

L'entendre décrire d'une voix douce et posée les sévices subis si longtemps fut une leçon inoubliable.
Etre ferme sans colère ! A défaut d'y arriver moi-même pour le moment, du moins ai-je eu la preuve que certains pratiquants y parviennent.

Le même exemple me fut montré par plusieurs autres Tibétains, tels le Docteur Tenzin Chödrak ou encore Lochen Rinpoche, lama de Dagpo Datsang.

Aujourd'hui, c'est Ingrid Bétancourt qui incarne ce message de paix et d'espoir.
Merci à elle. Merci à eux tous.

Puissent tous les êtres parvenir à la maîtrise de leur esprit !

Saisie d'éternalisme

Intellectuellement, nous savons que nous aurons à mourir un jour, mais cette réalité s'avère difficile à accepter et tous les moyens semblent bons pour jouer les prolongations d'une manière ou d'une autre.

Quant à l'attachement que nous avons pour notre corps, pourtant si fragile, il nous pousse parfois à une créativité étonnante, comme en témoigne cet extrait d'une dépêche de l'AFP.
La technique au service de notre "saisie d'éternalisme" (rtag 'dzin) !

Des morts qui brillent de tous leurs feux
AFP
Par Patrick BAERT AFP - Mardi 1 juillet, 15h31

X (Suisse) - La plupart des gens finissent à six pieds sous terre ou partent en fumée, quelques-uns se font congeler ou momifier. Mais de plus en plus de mortels passent leur éternité sous la forme d'un diamant, moyennant finances et une délicate transformation chimique pratiquée notamment en Suisse.

Dans la petite ville de X, la société Y reçoit chaque mois du monde entier entre 40 et 50 urnes funéraires dont le contenu est patiemment transformé en pierre précieuse.

"Cinq cents grammes de cendres suffisent pour faire un diamant, alors qu'un corps humain laisse en moyenne entre 2,5 et 3 kilos de cendres", explique le jeune R. W.

Les cendres sont d'abord métamorphosées en carbone puis en graphite. Soumises à de très hautes pressions et à des températures de 1.700 degrés, elles deviennent des diamants artificiels en l'espace de quatre à six semaines. Dans la nature, le même processus prend des millénaires.

"Chaque diamant est unique: la couleur varie du bleu foncé au presque blanc", assure M. Willy. "C'est un reflet de la personnalité".

Une fois obtenu, le diamant brut doit encore être poli et taillé suivant la forme désirée par les proches du défunt, souvent celle d'un coeur que l'on pourra porter en pendentif ou bien monter sur une alliance.

Le prix de cette âme translucide varie entre 4.500 et 17.000 francs suisses (2.800 à 10.600 euros) suivant le poids de la pierre (de 0,25 à un carat). Un montant qui n'inclut pas la monte, ...

L'industrie du "diamant humain" est en plein essor, avec des concurrents installés en Espagne, en Russie, en Ukraine et aux Etats-Unis.
Fondée en 2004, la société suisse a ouvert des bureaux dans une vingtaine de pays, dont six en dehors d'Europe, et emploie au total une centaine de personnes de par le monde. Elle marche très fort au Japon, qui lui envoie chaque jour entre deux et quatre urnes, et vise désormais l'Inde et la Chine.

La plupart des urnes proviennent de familles qui veulent garder le souvenir d'un proche. Mais certaines personnes choisissent de leur vivant d'être incinérées puis diamantisées, un service qui est même offert désormais par des compagnies d'assurance vie..."