samedi 28 juillet 2007

Prendre refuge

Qu'est-ce qu'un bouddhiste ? Par définition, c'est une personne qui, accordant toute sa confiance aux Trois Joyaux – Bouddha, Dharma et Sangha – "prend refuge" en eux.

Vous avez sans doute remarqué que le paragraphe précédent (comme d'ailleurs celui-ci, et les suivants) est en français. Normal, vu le lieu et les personnes impliquées dans l'affaire. Or, cela dissimule une véritable difficulté. Le challenge, je dirais plutôt la gageure, consiste à tenter de rendre en la belle langue de Montaigne (légèrement modernisée) des notions venues d'Orient, peu familières dans nos campagnes.

La phrase est courte et, en principe, précise. Las ! A part le terme "personne", chaque mot pose problème au moment de le transposer. "Traduire, c'est trahir.", n'est-ce pas ?

Pourquoi s'affoler ? Il suffit, me direz-vous, de prendre les uns après les autres les mots utilisés dans la définition en tibétain par exemple (ce pourrait être en sankrit, pali, chinois, japonais, etc.) et de les expliquer. Comme cela, nous serons sûrs de nous comprendre sans plus de risque de malentendu.

Facile à dire, mais impossible à faire ! Cela supposerait d'exposer TOUT l'Enseignement du Bouddha, ni plus ni moins…

Pour cette fois, soyons raisonnables et tenons-nous en à l'expression "skyabs su mchi'o" rendue par "prendre refuge". Vous serez surpris d'apprendre que cette formulation ne me sied guère. Objectivement, qu'évoque-t-elle à un non-initié ? Pas grand chose, je le crains. Peut-on du reste "prendre" refuge ? Chercher refuge, trouver refuge, oui. Mais "prendre" ? Je n'ai malheureusement pas mieux à proposer pour le moment.

"Skyabs" donne effectivement l'idée de refuge ; cela peut signifier protection comme protecteur, en fonction du contexte. "Su" est une désinence qui indique entre autres la destination et la localisation. "Mchi" veut dire aller. "'O" est une particule finale et sert en quelque sorte de point.

Maintenant que vous avez tous les éléments, sachant que les objets pris en référence sont les Trois Joyaux et que la démarche est basée 1. sur de la crainte envers les souffrances et 2. sur la foi envers les Trois Joyaux, comment allez-vous vous exprimer en français ?
"Je vais en refuge (en les Trois Joyaux)" ? Cet énoncé aurait le mérite d'être plus proche de la lettre et de rendre l'idée de mouvement vers…, mais avouons que cela sonne étrangement à nos oreilles. Si on dit : "Je vais chercher refuge", ou "je vais demander refuge", "aller" perd son sens premier et suggère un futur proche plutôt qu'un déplacement.

Voici donc le rébus que je vous propose pour occuper vos longues soirées oisives cet été. Il serait pourtant capital de trouver une formulation un peu plus satisfaisante : "Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement" !...

2 commentaires:

  1. Merci tout plein, Marie Stella, de venir ainsi près de nous par ces "anecdoctes" qui ressemblent à des enseignements variés,dans une proximité qui en fait le charme, mais aussi incite à beaucoup de réflexion et personnellemet me fait découvrir des aspects de la voie, de la langue, de l'histoire tibétaine que je ne soupçonnais pas, faute de l'avoir apprise...

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  2. Merci, Marie-Stella.
    Une autre expression un peu étonnante a priori : "Rencontrer le Dharma"...

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