jeudi 20 octobre 2016

Ethique, sagesse et courage

Sur le plan social, nous avons besoin de règles et de lois. 

Nous avons surtout besoin d'éthique.

Le Bouddha dit de l'éthique qu'elle constitue la qualité fondamentale et il la compare au sol, à la terre, à partir de laquelle les autres qualités peuvent naître. Inversement, en l'absence d'éthique, ce qui va pousser, ce ne seront pas des qualités...

L'éthique, qu'est-ce que c'est ?
Ce n'est pas un carcan de règles arbitraires et contraignantes, mais une prise en compte de la situation pour y répondre en évitant de nuire.

L'éthique, pour être valable, a donc besoin de la sagesse. La sagesse au sens de discernement.

La sagesse permet en outre de faire preuve d'esprit critique, de bon sens et de privilégier le long terme par rapport au court et au moyen terme.
L'esprit critique est nécessaire pour ne pas se laisser influencer par de beaux parleurs.

Quant au bon sens, c'est une qualité hautement prônée par les philosophes bouddhistes prasangika qui estimaient que, devant la preuve de l'évidence, il est oiseux de couper les cheveux en quatre.

Par ex, quand on ajoute des antibiotiques dans les aliments pour animaux, ou quand on arrose les champs de pesticides, ces substances se retrouvent forcément dans la viande et dans les laitages
L'agriculture intensive ne peut qu'épuiser les sols, et que la pêche à l'explosif et la pêche en eaux profondes (chalutage) détruire les fonds marins ?
Pas difficile à comprendre, mais implique de regarder en face les réalités autres que comptables. 
 Avec courage et générosité.

8 commentaires:

  1. Ce sont là des conseils pleins de sagesse et à méditer.

    Je pense qu’il faut tout de même se méfier un peu des choses évidentes.
    Par exemple, pour qui regarde le ciel, il est évident que le soleil tourne autour de la terre.
    Nos perceptions directes ne nous permettent pas de découvrir que c’est l’inverse.

    Pour établir que c’est la terre qui tourne autour du soleil, il a fallu que Copernic compile des siècles d’observations puis établisse des modèles mathématiques. C’est ce qu’on pourrait appeler des « perceptions scientifiques ».

    Mais peut-être donnez-vous un autre sens à « preuves de l’évidence » ?

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  2. Sous-entendu : preuve de l'évidence constatée et attestée par une perception avérée, ou encore valide (pramana). :-)

    Le fait que les perceptions directes ne sont pas toutes des perceptions valides est bien connu, et reconnu.
    Les manuels de logique élémentaire citent entre autres l'exemple du "cercle de feu" qu'on "voit" quand on fait tourner rapidement un bâtonnet d'encens allumé. Bien sûr l'exemple du mirage.
    Plus simple encore : les arbres (ou autres) qui "défilent" quand on est dans le train.

    Je n'ai pas approfondi la question , mais je suppose que "les perceptions scientifiques" sont également à répartir entre perceptions avérées et perceptions non avérées : au fur et à mesure des découvertes, il arrive que des "vérités scientifiques" soient remises en question, il me semble ?


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    1. La difficulté est alors de savoir si une perception est valide ou avérée.
      Comme ce n’est pas à ma portée, j’ai tendance à me méfier des évidences.

      Les « perceptions scientifiques » résultent de la mise en commun de toutes les observations et théories scientifiques, depuis un passé ancestral jusqu’au temps présent. Elle nous permettent de « percevoir » des choses inaccessibles à nos seuls sens individuels nus. Par exemple le télescope spatial Hubble nous permet de percevoir les galaxies de l’espace lointain, et c’est assez extraordinaire de constater la somme de connaissances qu’il a fallu réunir pour fabriquer et lancer cet engin.

      Quant à savoir si les perceptions scientifiques sont avérées ou non, c’est très difficile, là également. Les scientifiques sont devenus prudents. Au 19e siècle ils étaient gonflés de certitudes, mais les évolutions du 20e siècle telles que la théorie de la relativité ou la mécanique quantique ont balayé leur belle confiance.

      Il me semble que le point de vue général est maintenant : « nous expliquons les choses du mieux possible, ça fonctionne assez bien, ça nous permet de fabriquer des ordinateurs, mais ça va sûrement changer. » La science avoue d’ailleurs son impuissance, en déclarant que 96% de l’univers est composé d’une matière noire et d’énergie noire inconnues dont on ne sait rien.

      Il faut ajouter à cela un nombre croissant de scientifiques qui truquent leur résultats, afin d’accéder à une renommée éphémère, ce qui contribue à brouiller nos perceptions.

      Donc la science elle aussi a bien besoin de mettre en place son éthique.

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    2. Quelles perceptions sont valides/avérées (pramana) ? Lesquelles ne le sont pas ?
      Quelles perceptions sont "exactes" (à propos de l'objet apparaissant) ? Lesquelles ne le sont pas ?

      Les systèmes philosophiques bouddhistes ont des analyses pour le moins diverses sur ces points difficiles, mais essentiels, qui donnent lieu à une étude approfondie et à des débats animés dans les monastères philosophiques.

      A la complexité des sujets s'ajoute la difficulté de l'emploi des mots.
      Par exemple,"la preuve de l'évidence" ne se contente pas de n'importe quelle "évidence".
      Bon nombre d'"évidences" étant fausses, il est sans conteste plus sage de s'en méfier, comme l'illustrent les illusions d'optique.

      Ainsi, à toutes les perceptions des êtres non arya, les objets apparaissent comme "réels", cad établis en soi.
      D'où une grande diversité d'analyses d'une école à une autre. Cela va de ceux qui estiment que tous les existants sont réellement établis à ceux qui affirment que rien n'a d'existence réelle (autogène), en passant par ceux qui disent que ça dépend des catégories d'existants.

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  3. Notre esprit ne contient que des reflets incomplets d'une réalité qui nous dépasse. Dès lors il semble difficile de parler de perceptions exactes. Peut-être pas trop erronées, mais certainement pas complètes.

    Par exemple je peux être relativement certain de voir une table en bois. Mais de quel arbre vient-elle? Quel est son poids? Quelle est sa température? Je ne sais pas. Qui plus est si j'étais une bactérie vivant sur la surface de la table, je verrais des chaînes de montagnes plus escarpées que les Pyrénées. Mes perceptions n'ont donc de sens que pour ma condition actuelle d'être humain.

    Ce qui nous semble évident n'est donc pas si évident que cela. Ayant compris cela, nous pouvons alors transformer notre faiblesse en force en remettant en cause nos évidences.

    Par exemple le questionnement de l'évidence du soi ne mène-t-il pas à la prise de conscience du non soi?

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  4. D'un côté, je ne peux qu'être d'accord avec tout ce que vous dites.

    De l'autre, pour pouvoir espérer communiquer un peu, mieux vaut s'entendre sur le sens accordé aux mots utilisés.

    Ainsi, dans le cadre bouddhiste, les perceptions sont ou non exactes à propos de l'objet apparaissant. Si on va au-delà, dans le cas des êtres ordinaires, les perceptions sont manifestement toutes inexactes.

    Lors des débats de dialectique, dans les monastères, l'usage est de spécifier sur quel système philosophique on se fonde, et le cas échéant, d'énoncer les définitions.

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    1. J’ai effectivement répondu sans me référer à un système philosophique particulier, et je serais bien en peine d’en indiquer un.

      Dans ma jeunesse j’essayais d’expliquer à mes copains que les murs plats ça n’existe pas, mais je ne me rappelle pas la source de cette idée. Je n’ai jamais pu convaincre personne, mais personnellement cela me dérangeait de constater que nous vivons mentalement dans une espèce de dessin animé qui s’efforce de représenter le réel, mais avec tellement de simplifications que c’en est une caricature.

      J’ai ensuite pu approfondir ce point de vue avec la sémantique générale de Korzybski, qui étudie en détail les relations entre l’esprit et le réel. Il a notamment résumé son point de vue par cette formule : « La carte n’est pas le territoire ». Selon lui notre santé mentale dépend de notre aptitude à faire la différence entre les cartes mentales du réel hébergées par notre esprit, et le « monde réel ».

      Plus récemment j’ai découvert dans le bouddhisme des préoccupations similaires, mais je ne connais pas encore assez bien les différentes écoles pour en débattre.

      Je constate une différence entre mes réflexions habituelles et ce qu’on appelle réflexion dans le bouddhisme : lorsque j’essaye de comprendre quelque chose, je fais feu de tout bois et je prends tous les angles d’approche possibles. Alors que la réflexion bouddhiste reste centrée sur l’enseignement des maîtres.

      Une autre conclusion ressort de notre discussion : l’étude des perceptions menée sur le cursus concerne les êtres humains ordinaires, cela ne s’applique pas aux aryas et bouddhas. Ni même sans doute à des extra-terrestres qui pourraient être dotés de sens différents :-)

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  5. La réflexion bouddhiste n'exige pas de rester exclusivement centré sur l'enseignement des maîtres, mais a coutume - c'est vrai - de se fonder essentiellement sur lui.

    Pourquoi ?
    Parce que le pratiquant bouddhiste considère que, contrairement à lui, ses maîtres, auxquels il a accordé sa confiance (cad pas n'importe quel maître), ont a priori déjà parcouru la voie, ou en tout cas ont plus étudié et réfléchi que lui à ce jour.

    Par conséquent, même s'il a du mal à admettre ce qu'ils énoncent, il se dit qu'ils ont sûrement des raisons pour tenir des propos surprenants, voire choquants, et il essaie de comprendre pourquoi et comment ils en arrivent à les énoncer.

    Cela ne l'oblige pas à les suivre aveuglément en tous points.
    Parmi les philosophes bouddhistes, il n'est pas rare qu'un disciple adhère à un autre système philosophique que celui de son maître, lequel est en principe capable d'enseigner non seulement son propre système, mais aussi les divers systèmes correspondant aux capacités de ses différents disciples.

    Pour en arriver là, la tradition recommande de commencer par l'étude, et de faire d'abord l'effort d'essayer d'observer le système de l'intérieur, car tout système a une cohérence interne et apporte des éléments intéressants. La réfutation se fait dans un second temps.

    Concernant les perceptions, ce qu'on étudie s'applique au moins en partie aux Bouddhas et Aryas, qui d'ailleurs peuvent prendre des naissances humaines.

    A priori, les Bouddhas n'ont plus désormais que des perceptions avérées directes - même si c'est au delà de qu'un humain ordinaire expérimente.

    Les Arya qui ne sont pas encore bouddhas ont certes obtenu la compréhension directe de la vacuité, mais selon les madhymika prasangika, ils ont encore des perceptions inexactes car hors méditation sur la vacuité (perception avérée directe), les objets continuent à leur apparaître comme dotés d'une substance propre. La différence est que, comme ils savent que c'est faux (perception avérée soit discursive soit directe selon le niveau), cela ne suscite plus en eux de klesha. Mais il leur reste encore bien des voiles à rejeter de la 1ère à la 10e terre incluse.

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