mercredi 23 novembre 2016

La communauté bouddhiste féminine


Il vient de m'être soumise une question assez fréquente, que je m'étais d'ailleurs aussi posée  naguère.

Voici en résumé la question
"J'ai pu lire que le Bouddha était plutôt réticent à intégrer les femmes dans la sangha. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi il refusait de les intégrer ?"

Je ne suis pas qualifiée pour expliquer la pensée du Bouddha, mais je peux partager le fruit de mes réflexions sur le sujet.
Je souligne que ces cogitations sont le fait d'une personne (moi) qui est bouddhiste par choix, et non pas de naissance.
Cela veut dire qu'il ne s'agit pas d'une affiliation culturelle (et bien sûr cultuelle), mais d'une adhésion réfléchie, notamment sur le plan intellectuel (dans la mesure de mes faibles capacités).
D'un autre côté, il est évident qu'une personne non bouddhiste pourrait avoir une tout autre vision. Nous avons la chance de vivre dans un pays qui nous assure de nombreuses libertés, dont les libertés de pensée et d'opinion. Profitons-en !

Voici en bref  comment la situation m'apparaît.

Pour rappel
1) La communauté monastique féminine bouddhiste s'est constituée trois ans après la communauté masculine. 
- Trois ans me semble un délai relativement court et honorable à l'aune des "progrès" de la condition de la femme dans ce monde jusqu'à nos jours...
2) Le Bouddha a eu de nombreuses disciples femmes, religieuses ou laïques, et bon nombre d'entre elles ont atteint les plus hautes réalisations.

Pour en venir à la question, le Bouddha étant omniscient, je ne vois pas comment il pourrait "éprouver une hésitation". C'est antinomique.
Le Bouddha ne peut pas non plus être influençable !
Il n'a pas non plus à prendre le temps de la réflexion : à tout instant, il sait tout des trois temps.

Le Bouddha ne peut donc pas "se sentir réticent". 
Mais il peut faire montre de réticence, pour des motifs pédagogiques.

Les sources concordent sur le point que le Bouddha n'a accepté la requête de sa tante et de ses suivantes qu'après plusieurs requêtes.
On peut sans doute admettre que ce point est vrai.
D'autant que ce n'est pas le seul cas où le disciple doit montrer sa détermination par des requêtes répétées. C'est même la tradition.

D'après ce qui est relaté dans les textes, le Bouddha part de la constatation que les femmes rencontrent plus d'obstacles dans la société humaine de ce bas monde.
Notons que le phénomène n'est pas "moderne" ; il est juste (malheureusement) persistant.
Sans parler des excisions, lapidations, bûchers et autres sévices millénaires, pas plus tard que le 8 novembre dernier, Madame Laurence Rossignol a été huée (par ces messieurs) à l'Assemblée nationale quand elle a osé dénoncer les inégalités salariales entre hommes et femmes, sujet pourtant légitime dans la bouche d'une Ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes.

Le Bouddha fait donc remarquer aux postulantes les difficultés auxquelles elles vont être confrontée, du fait par exemple de leur moins grande force physique ou du danger accru d'agression dans les endroits isolés. L'histoire mentionne effectivement des cas de viols perpétrés sur des nonnes.

Parcourir la voie leur est indéniablement possible, mais elles peuvent s'attendre à rencontrer plus d'obstacles, de divers ordres, que leurs confrères.

A mon sens, dans sa grande sagesse et sa grande compassion, si le Bouddha nous semble mettre la barre un peu plus haut pour les femmes à certains points de vue, ce n'est certainement pas pour leur mettre des bâtons supplémentaires dans les roues, mais au contraire pour les aider à surmonter les embûches qui parsèment leur chemin. 
Il s'avère qu'hier comme aujourd'hui encore, dans tous les domaines, pour réussir, les femmes doivent faire preuve d'une forte détermination. 
Ne vaut-il pas mieux qu'elles en soient conscientes ?
Femme avertie en vaut deux ! :-)

Enfin, la voie bouddhiste est un ascenseur spirituel qui vise l'Eveil. 
La carrière monastique n'a pas vocation à jouer le rôle d'ascenseur social, elle qui se fonde sur le renoncement au samsara et à ses puérils hochets.

1 commentaire:

  1. Ah...merci infiniment! Vos propos m'éclairent grandement à ce sujet. Comme je le soupçonnait les raisons sont plus profondes et plus compatissantes à l'égard de la femme que ce que nous pourrions croire en lisant l'article de wikipédia.
    Toutefois, la question me trottait depuis un long moment, avant même d'avoir lu cet article et j'avais pas d'éclaircissement à ce sujet.
    Merci.

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