En philosophie bouddhique,
il est communément admis que tous les phénomènes composés, ou encore
impermanents, sont interdépendants, et le système madhyamika prasangika, professé par de grands maîtres tels que les
Indiens Candrakirti et Atisha ou le Tibétain Jé Tsongkhapa, va jusqu’à poser
que tous les connaissables, incomposés comme composés, sont interdépendants.
Oui, mais quel sens accorder au terme
« interdépendance » ? C’est un sujet passionnant, et qui peut
permettre d’approcher les notions centrales de « non soi » et de
« vacuité », c'est-à-dire d'absence d'existence inhérente, mais c’est
aussi un sujet vaste et complexe qu’il serait impossible d’approfondir en quelques
lignes.
En très résumé, les
phénomènes composés sont interdépendants en ce sens qu’ils sont à la fois des résultats
qui procèdent de leurs causes, et des causes générant des résultats. Par
exemple, une pousse naît d'une graine fournie par une plante similaire
antérieure et elle produit à son tour des graines, des fleurs, des fruits, etc.
De manière plus générale,
tous les connaissables sont interdépendants, car ils dépendent au minimum du
sujet qui les perçoit et de la dénomination qui les désigne. Pour exister en
tant que table, le phénomène concerné dépend de ses matériaux et de ses
fabricants, mais aussi du nom qui lui est attribué ainsi que du fait d'être
perçu en tant que table : ce qui pour un être humain est une table en bois, est
plutôt perçu comme de la nourriture par un ver à bois..
Quid des
connaissables incomposés, c'est-à-dire non issus de causes et de conditions.
Prenons l'exemple du
"non-soi" (anatman en
sanskrit ; anatta en pali).
Le non-soi est un concept philosophique.
Il n'est pas une entité indépendante car il dépend de son nom et de l'esprit
qui le conçoit. En outre, il est par définition relatif à un objet référent,
qui peut être n'importe quel connaissable envisagé sous l'angle qu'il est dénué
de nature propre. Enfin, qui dit connaissable, dit perception, sachant que
toute perception comporte une interaction entre le sujet percevant (l'esprit et
la personne) et l'objet perçu. Donc, le non-soi est interdépendant. CQFD
Attention ! Si les
connaissables sont ainsi interdépendants, néanmoins tout ne dépend pas de
tout et de n’importe quoi ! Tout phénomène apparaît des causes et
conditions qui lui sont relatives, et en aucun cas de TOUTES les causes et
conditions. Comme le dit le bon sens populaire, les chats ne font pas des
chiens. Les pommiers donnent des pommes, et non des oranges. Les karmas
positifs donnent de bons résultats bénéfiques, et les karmas négatifs de
mauvais résultats, et jamais l'inverse.
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