Quand je songe à la vie des grands fondateurs
de religion, j'ai l'impression qu'ils ont pour dénominateur commun d'être des
sages non conformistes. Parce qu'ils délivrent un message par définition
inédit, ils sont souvent qualifiés de "révolutionnaires". N'osent-ils
pas remettre en question les dogmes et l'ordre établi ? Ainsi, le Bouddha,
lui-même issu de la caste des guerriers, ignore superbement le système des
castes et l’origine sociale de ses fidèles. En conséquence, il organise la
communauté monastique de manière surprenante, pour ne pas dire scandaleuse aux
yeux de ses contemporains. Par exemple, il applique le critère d'ancienneté, pas par âge civil
mais par date d'ordination. Les
décisions sont prises de préférence à l’unanimité, sinon à la majorité. Et,
à peine six ans après la fondation de la communauté, et à peu près en même temps
que le jaïnisme, le Bouddha ouvre les portes aux moniales. Ce qui est une
grande première mondiale, toutes religions confondues ! Le Bouddha a également
de nombreux disciples laïques, dont des rois et des ministres auxquels il
adresse tout naturellement des conseils adaptés à leurs fonctions. Il enseigne notamment que la pensée prévaut
sur l’acte, qui est a priori neutre, et que c’est elle qui lui donne une connotation bonne
ou mauvaise. Ce qui signifie qu’une même activité, y compris politique, peut
être positive, négative ou neutre, en fonction de la motivation qui la
sous-tend.
C’est ainsi que le Dasa-raja-dhamma,
l’un des textes majeurs des Jataka[1], énonce les dix devoirs d’un roi - mais
je suppose que cela pourrait concerner tout aussi bien un président :
1. La générosité, qui suppose d’utiliser les
biens et richesses au profit de la population, et non pour lui-même
2. Une éthique élevée
3. L’abnégation, qui consiste à accorder la
priorité à l’intérêt de la population
4. L'honnêteté et l'intégrité
5. L’amabilité et la douceur
6. Un train de vie simple, sans luxe ni
ostentation
7. L'absence de haine et de rancune
8. La non-violence
9. La patience, dont la capacité à supporter
les critiques et insultes
10. Le souci de l’harmonie, en respectant la
volonté populaire.
Un autre point important souligné par le
Bouddha est la stabilité économique. Pour l’atteindre, le Bouddha estime que la politique d'un état
doit concourir à quatre objectifs :
1. La sécurité économique
2. La prospérité économique
3. L’absence de dettes
2. La prospérité économique
3. L’absence de dettes
4. La moralité des mœurs et coutumes
Par ailleurs, le Bouddha lie la criminalité à
la pauvreté, et conseille d’améliorer le sort de la population plutôt que de la
réprimer. Dans un soutra intitulé Digha-Nikaya,
il explique : … Du fait de l'absence de
fourniture de biens pour les défavorisés, la pauvreté s'accroît ;
l'accroissement de la pauvreté entraîne vol, violence, meurtre, mensonge,
mauvaise conduite sexuelle, fausse opinion sur la vie, manque de respect à
l'égard des autorités.
Dans Le Soutra
de l’empereur universel, il décrit en détail comment le comportement
inadéquat d'un roi conduit à une désintégration progressive de la société. Inlassablement,
il préconise la voie du milieu, évitant les extrêmes de laxisme et de rigorisme.
Bien que remontant à plus de 2500 ans, les
recommandations du Bouddha restent toujours d'actualité. Dans le même esprit
mais au IIème siècle, dans un texte intitulé la Guirlande des avis au roi, le
pandit Nagarjouna propose également
toute une série de conseils basés sur le bon sens et bien sûr la compassion. Miser
sur l’instruction, en valorisant les enseignants et en leur fournissant les
moyens matériels nécessaires. Mettre en place une justice qui vise à protéger
la société, avec un système de peines modérées[2], excluant la peine de mort, la torture et la
prison à perpétuité, car acculer quelqu’un au désespoir le rend potentiellement
dangereux. Fournir aux prisonniers des conditions de vie décente, avec une
nourriture correcte et l’accès aux soins. Prendre soin des voyageurs en aménageant
de grands carrefours, des aires de repos où ils trouveraient à manger et à
boire, et pourraient se faire masser. Réduire (Par ailleurs) les taxes au
minimum.
Eh oui ! En ce début du XXIème siècle, que ce soit
sur les plans philosophique, politique, économique ou social, les Enseignements
du Bouddha ou de Nagarjouna conservent toute leur force et leur dimension
avant-gardiste.
Puissent-ils un jour prochain se réaliser
concrètement !
Bonjour, on saisit vraiment à la lecture de votre article la pertinence des Enseignements et Conseils du Bouddha et l'immense fossé qu'il y a d'une part avec nos dirigeants actuels et d'autre part avec les faiseurs d'opinion, merci pour cet éclairage.
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