vendredi 14 février 2020

Saint-Valentin : célébration de l'amour ou de l'attachement ?

14 février, jour faste pour les fleuristes. Je m'en réjouis pour eux, en tout cas pour les victimes collatérales des grèves en danger de dépôt de bilan.

Eh oui, le moindre acte de l'un peut avoir des effets sur la vie de l'autre.
Cf. le battement d'aile du papillon.
Cf. Atisha soulignant que, pour pouvoir vraiment aider autrui, il faut au moins réaliser la clairvoyance, dans l'attente de l'omniscience.

Fi des digressions. Venons-en au plat du jour, l'attachement et l'amour.
Je ne reviendrai pas sur les origines de la tradition de la Saint-Valentin. Trop compliqué, et pas le sujet, qui est une petite méditation analytique à propos des deux phénomènes conventionnels, ou encore nominaux, que sont l'attachement et l'amour.

Pour rappel, si on en croit les philosophes madhyamika prasangika, rien de ce qui existe n'existe en soi. Tout existant présente deux niveaux, ou encore deux modes, d'existence :
un niveau ultime : le fait d'être vide de réalité autosuffisante,
un niveau conventionnel : le fait d'être une convention, établie en dépendance de son mode d'être ultime ainsi que de divers existants (pas n'importe lesquels néanmoins) tout autant conventionnels.

Comment comprendre que l'attachement et l'amour sont de simples phénomènes nominaux ?

1) Un premier point à noter est le fait qu'il s'avère indispensable de tout d'abord s'entendre sur des définitions. Sinon, on va discuter des heures durant sur la base de malentendus. D'où des dialogues de sourds, comme on dit, si fréquent en ce bas monde.
Rappelons donc que, dans le cadre du bouddhisme, par convention,

     * on appelle amour l'attitude mentale consistant à souhaiter le bien et le bonheur de l'objet concerné (toujours des êtres animés), de manière désintéressée, sans rien attendre en retour.
Exemples : l'amour maternel, l'amour du Bouddha ou de Jésus envers les êtres, etc.
Effets entraînés : bonheur et sérénité

     * on appelle attachement l'attitude mentale consistant à convoiter l'objet concerné (êtres animés ou objets inanimés) et à le vouloir pour soi, pour son propre plaisir.
Exemples : attachement pour un partenaire ; pour un rang ou un poste ; pour une voiture, une coiffure, etc. ; pour sa réputation et son image.
Effets entraînés :
                    - dans l'immédiat : apparent plaisir mais dénué de calme, plutôt associé à de l'inquiétude (+ jalousie, avarice, orgueil, etc.) ;
                     - à court et long termes : souffrances

2) Un autre indice que l'attachement et l'amour sont de simples phénomènes nominaux : ils sont variables, et ils dépendent de toutes sortes de facteurs, dont les objets pris en compte ou encore la manière d'envisager ces objets.

* Les faits divers démontrent que l'amour maternel n'est pas une réalité absolue.
Si l'amour maternel était autosubstantiel, toute mère l'éprouverait de manière inhérente, et sans exception. Les trop nombreux infanticides nous prouvent que ce n'est pas le cas !

* De même, l'attachement, s'il était autosubstantiel, dans la mesure où il existe en notre esprit, nous devrions l'éprouver dès la conception jusqu'à la mort, sans un instant de répit. Il devrait d'ailleurs se manifester continuellement, quels que soient les objets entrant dans notre champ de perception.
Or, ce n'est pas non plus le cas. Heureusement pour nous. Nous pouvons en remercier notre mode d'être ultime.

Plus prosaïquement, il est flagrant que la manifestation de l'attachement en notre esprit est tributaire de nombreux éléments. Comme vous connaissez sans doute les conditions énumérées par Vasubandhu et Asanga, je ne vais pas les répéter ici.
Au quotidien, nous avons tous pu faire l'expérience qu'un mets qui nous semble appétissant quand nous sommes en pleine forme, peut nous donner la nausée quand nous sommes malades. Nos goûts, c'est-à-dire nos attachements, alimentaires varient sensiblement au fil des années. Bébés, nous trépignons d'impatience à la vue du biberon ou de la bouillie, et quelques mois ou années plus tard, nous refusons  catégoriquement d'avaler ça. Enfants, nous recrachons les épinards ou les lentilles, dont nous raffolons (peut-être) à l'âge dit adulte, etc., etc.

Un autre exemple, qu'il serait inexcusable de ne pas citer aujourd'hui : vis-à-vis d'une seule et même personne, ne nous arrive-t-il pas de passer de "l'amour fou", c'est-à-dire de l'attachement exacerbé, à l'indifférence, et parfois à l'aversion ?

Il peut aussi nous arriver de glisser de l'amour authentique, par exemple l'amour maternel, à l'attachement : volonté (qui peut être inconsciente)  de garder son enfant pour soi, de se réaliser au travers de lui, etc.
L'inverse est heureusement vrai : nous pourrions passer de l'attachement à l'amour.

Attention ! Il ne s'agit pas de transmuer l'attachement en amour, mais de remplacer l'attachement par l'amour.
Autrement dit, il faut éliminer l'un pour laisser la place à l'autre.

Pour ce faire, des méthodes existent.
Il faut et il suffit d'étudier les Enseignements du Bouddha et de les appliquer. Il faut faire les deux. Comme dans l'exemple de l'oiseau qui a besoin de ses deux ailes pour voler.
La seule connaissance intellectuelle, pour importante qu'elle soit, ne suffit pas.





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire