A
l'époque du Bouddha, un couple désespérait de mettre au monde un enfant viable
après plusieurs deuils éprouvants. Lors d'une nouvelle grossesse, une vieille
femme conseilla de confier le nouveau-né à une personne chargée de se tenir
avec lui toute la journée à un carrefour en demandant pour lui bénédictions et
prières à tous les religieux de passage ; si le bébé était encore vivant le
soir, elle le ramènerait à ses parents. La personne missionnée cette fois-là
marcha jusqu'au plus grand carrefour alentours, très fréquenté, et elle s'en
revint avec l'enfant bien vivant et dument béni. Dénommé Grand Chemin, ses hautes qualités lui
permirent de promptement atteindre l'état d'arhat. Nouvelle grossesse, nouvelle
exposition, mais las ! Cette fois, la commissionnaire s'arrêta par paresse au
premier petit croisement. Les heures s'écoulaient et aucun religieux ne passait
sur la route déserte. La nuit approchant, le Bouddha, omniscient, s'en vint
pour bénir le bébé et lui éviter la mort. Petit Chemin survécut mais il avait
l'esprit obscurci par les voiles de l'ignorance et ne retenait rien de ce que
ses professeurs lui enseignaient. Même son frère aîné et maître prit le parti
de le chasser, voyant dans sa clairvoyance que pour l'aider, il devait user de
sévérité à l'égard du cancre. Le Bouddha vint récupérer le moinillon qui
sanglotait, le consola et lui donna comme tâche de nettoyer les sandales des
moines, et plus tard le temple, en répétant inlassablement « Rejeter la
poussière ; rejeter mes souillures. » Les premiers temps, Petit Chemin
étant bien incapable de répéter une formule aussi « longue », le
Bouddha enjoignit aux moines de la lui répéter, puis le commissionnaire parvint
à dire l'énoncé tel quel, puis sous une forme développée. Les voiles de son
esprit s'étant peu à peu dissipés sous l'effet conjoint de ses efforts en
pratique et des bénédictions des Trois Joyaux, il devint à son tour arhat, mais
tout le monde le croyait encore idiot. Aussi, quand sollicité par des nonnes
lettrées de leur envoyer un instructeur qualifié, le Bouddha désigna l'arhat
Petit Chemin, les nonnes crièrent à la misogynie. Terriblement vexées que le
Maître les méprisât, s'imaginèrent-elles, au point de leur déléguer le plus
obtus des moines, elles décidèrent de se venger en le mettant en difficulté.
Les unes allèrent inviter les villageois en leur annonçant la venue d'un maître
éminent (ce qui était la stricte vérité mais elles ne le savaient pas), les
autres édifièrent un trône très élevé et dépourvu d'escalier. Quand Petit
Chemin arriva, il sourit en disant : « Avez-vous préparé ce trône par foi
? Ou avec de mauvaises intentions. Peu importe, c'est un
bon présage. » Et sans qu'on vit comment, le voilà
installé, annonçant : « Cet énoncé que j'ai mis un mois à retenir, je vais
vous l'expliquer un mois durant. » Ce qu'il fit de manière magistrale, à
la stupéfaction des nonnes confuses et repentantes.
Bien des siècles plus tard au Tibet ...
Jé Lodrö
Tènpa
(1402-1478), fondateur de Dagpo Dratsang et 7e
Gandèn Tripa, est considéré comme une forme
reprise par compassion par le sthavira Cudapanthaka.
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