Non, le bouddhisme n'est pas une voie facile ! Qui aime se laisser porter ou cherche à se faire prendre en charge a tout intérêt à aller frapper à une autre porte. Le Bouddha disait et redisait à son entourage : "Ô moines et érudits ! De même que l'orfèvre brûle, coupe et polit l'or, analysez bien (mon enseignement) et n'allez pas l'appliquer au seul prétexte que ce serait ma Parole."
À son accoutumée, le Bouddha avait montré l'exemple : le douzième jataka (récit d'une vie antérieure) met en scène le bodhisattva jeune Brahmane studieux au sein de ses compagnons d'étude. Mais le maître vieillit et les difficultés matérielles s'aggravent au point que la nourriture vient à manquer. A bout d'expédients, le précepteur délivre une instruction pour le moins inattendue. "Nous n'avons plus rien; allez à la maraude dans le voisinage. Le vol nous est permis, à nous brahmanes, qui sommes les légitimes propriétaires de la terre. Mais quand même, prenez-vous y avec discrétion. Il ne faudrait pas que vous soyez repérés - ma réputation en prendrait un coup ! Selon notre doctrine, à la condition de n'être vu de personne, le vol n'est pas une faute." Dociles, les jeunes gens s'égaillent alentours. Tous, sauf un, qui reste assis, tête baissée et pousse de longs soupirs. Et le professeur de songer : "Il n'obéit pas. Parce qu'il ne m'aime pas ou pour une autre raison ? Vérifions cela." Il interpelle le garçon : "Comment se fait-il que tu restes là ? Tous les autres sont partis voler, comme je vous ai enjoint de le faire. Tu n'aimes donc pas ton maître ? Tu n'as aucune pitié du vieillard que je suis pour me laisser sans nourriture ni vêture…" Le futur Bouddha se lève d'un bond et se prosterne avec déférence devant l'Aîné : "Maître, j'ai pour vous affection et respect, croyez-m'en? Si je n'ai pas bougé, c'est que votre ordre n'est pas applicable. Où donc dans nos textes sacrés serait-il écrit que voler sans être vu de quiconque ne constituerait point une faute ? Car c'est impossible : même si l'on n'est pas vu des humains, il y a les dieux ; il y a les démons. Ils ont la clairvoyance. Et surtout, il y a les arhats, qui ont rejeté l'ignorance et obtenu la libération de la souffrance : plus rien ne leur échappe. Tout vol est une faute. Plutôt que d'en commettre, mieux vaudrait aller en guenilles, un bol ébréché à la main, quémander sa pitance à son pire ennemi." Ravi, le maître se dresse à son tour et, prenant les mains de son élève dans les siennes, il le couvre de louanges. "Toi seul as fait preuve de sagesse. Tes compagnons sont des enfants, prêts à troquer leur pratique contre un profit minime. Qui possède les joyaux de l'endurance et de la sagesse, même dans le dénuement ne manque de rien. Fils, tu es paré de notre lignée dans toute sa pureté.."
Ainsi arrive-t-il qu'un maître mette ses disciples à l'épreuve. Pour en avoir quelques exemples, il suffit de relire les biographies des pratiquants du passé : Tilopa en fit voir de toutes les couleurs à Naropa, qui agit de même vis-à-vis de Marpa, lequel poursuivit la tradition à l'égard de Milarepa. Même ce dernier usa de cette méthode, en particulier avec ses deux principaux élèves – Réchungwa et Gampopa. Car le "baptême du feu" est réservé en priorité aux pratiquants avancés, qui allient foi et discernement à un point tel qu'ils ne se laissent plus décontenancer par les apparences ordinaires. Ceci dit, même largement en-deçà, il vaut mieux ne pas attendre du maître bouddhiste qu'il mette son élève sons cloche pour le protéger de tout désagrément. Au contraire, il aura à cœur de le mettre en face de ses responsabilités et de lui faire prendre conscience de la loi de causalité : si on plonge la main dans le feu, on ne peut qu'être brûlé. Pour bien le comprendre, rien ne vaut l'expérience pratique, à condition qu'elle soit encadrée.
Chère Marie-Stella,
RépondreSupprimerJe joins tous mes plus sincères remerciements à ceux de tes autres lecteurs/lectrices pour ces pages admirables et évidemment aussi pour le travail que tu déploies à notre intention au moyen de ce blog. Vraiment c'est une bonne idée!
Pour ce qui me concerne, il me permet de me "détendre" et de réfléchir sans l'écueuil qui me guette toujours des propos futiles.
Je n'ose pas te demander de continuer ... mais si cela est possible, alors j'en serais ravie!
Vanessa
Au sujet du douxième Jataka, est-ce qu'il se pourrait qu'il y ait un baptême du feu similaire entre chez les Brahmanes et les Bouddhistes...???
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