mercredi 11 mars 2015

Bouddhisme, statues et autres "supports de foi"

Pour qui a décidé de prendre refuge en les Trois Joyaux, c'est-à-dire d'accorder sa pleine confiance en le Bouddha - le Guide -, le Dharma - le refuge véritable - et les Sangha - les modèles et compagnons sur la voie spirituelle -, bref d'être bouddhiste, tous les objets ou symboles qui représentent, ou plutôt matérialisent les Trois Joyaux, constituent des "supports de foi", comme on dit en tibétain (dad pa'i rten). Ils sont des objets précieux, dignes du plus grand respect.

Les préceptes consécutifs à la prise de refuge recommandent de les traiter avec soin, et de les placer en hauteur et dans des endroits propres. Cela devrait aller de soi, sans qu'il soit nécessaire d'en faire en règle imposée de l'extérieur, mais si cela va sans le dire, cela ira encore mieux en le disant...

En fait, en toute représentation d'un Bouddha, un bouddhiste devrait voir le Bouddha lui-même, et non un objet inanimé et inerte. Et se comporter vis-à-vis d'elle comme il le ferait en présence du Bouddha "en chair et en os". Au fil des siècles, des pratiquants sincères ont ainsi pu répéter des expériences qui ne semblent "miraculeuses" qu'aux yeux des incroyants, depuis des suintements de nectar à de véritables conversations !

En or ou en argile, une statue de Bouddha mérite donc une égale déférence, et peut véhiculer une égale bénédiction. Comme le soulignait Geshe Potowa, l'ampleur et la puissance de la bénédiction reçue dépendent de celui qui la reçoit, et non de celui qui l'octroie : par définition, un Bouddha est impartial.

Les écrits - qui représentent le refuge véritable, à savoir le Dharma - sont encore plus respectables que les statues. Ainsi faudrait-il ne rien poser sur un texte, pas même une statue du Bouddha. Bien évidemment, il est formellement déconseillé de les poser par terre, ou de s'asseoir dessus...

Il est à noter que cela concerne tous les écrits, y compris les journaux, et pas seulement les "textes sacrés" !

Pourquoi ?
Parce que la Parole du Bouddha (comme celle des autres Maîtres religieux et spirituels, toutes religions confondues) est son, que le son est transcrit par les lettres, et que tout texte est composé de lettres.

Ca peut paraître désuet à un Occidental laïc du XXIème siècle, mais il y a peu, en Europe aussi, les livres étaient rares. Ils étaient tantôt respectés, tantôt victimes d'autodafés, en fait pour les mêmes raisons : le livre est vecteur de connaissance et de sagesse.

Eh oui, l'être humain est paradoxal !

Aujourd'hui, en France, nous nous indignons (à juste titre) des saccages d'objets d'arts et de bibliothèques perpétrés en Irak.
Dans le même temps, nous trouvons parfaitement normal, cad "laïc",  de nous essuyer les pieds sur un paillasson ou de nous asseoir pour déféquer sur un abattant wc "ornés" de Bouddha.
 



6 commentaires:

  1. Merci pour ces précisions. Il vaut mieux mettre parfois les points sur les i. Les notions évidentes dans une culture ne le sont pas forcément dans une autre.

    La situation de complique à l'ère numérique. Si par exemple un texte du dharma se retrouve dans une clé USB, faut-il traiter la clé USB avec le même respect ? Serait-ce incorrect d'avoir dans la même clé d'autres fichiers n'ayant aucun rapport avec le Dharma ?

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  2. Ce cas de figure n'est pas spécifié en tant que tel dans les textes anciens. :-)

    N'est-ce pas la même chose que le contenu d'une bibliothèque, ou d'un rayonnage ?
    Du moment que les autres fichiers soient "corrects", il me semble qu'ils peuvent cohabiter.

    Mais effectivement, dès lors qu' une clef USB contient des textes, il semblerait logique ne pas la mettre par terre, ne pas s'asseoir dessus, etc.

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    1. Je me demande si en fait, tout ne revient pas à une question d’intention. Si vous montez sur une chaise avec des chaussures boueuses pour le plaisir de la salir ou parce que vous n’avez pas d’autre moyen d’accéder à un objet indispensable placé en hauteur ou encore parce que vous n’avez pas réfléchi aux conséquences matérielles de votre action, le résultat physique est le même mais il ne « porte pas la même charge». Pour ma part, j’accepterais de nettoyer ladite chaise assez paisiblement pour le 2ème cas, avec un agacement certain pour le 3ème cas – agacement pondéré par la conscience de mes propres limites en matière de réflexion et de compréhension – et malheureusement avec des velléités beaucoup moins charitables dans le 1er cas.
      Si par nécessité, je me trouvais dans l’obligation d’utiliser un abattant WC décoré d’un Bouddha, maintenant que j’ai parfaitement pris conscience de ce que cet objet peut avoir de blessant pour les bouddhistes – rien de tel que faire un parallèle qui parle vraiment et gentiment à celui à qui on s’adresse : avant de lire « Des techniques commerciales plus que douteuses » du 3 février, j’avoue ne pas m’être posé la question (ceci dit, je n’avais jamais vu ce genre d’objet mais j'imagine que malheureusement je n'aurais pas réagi ...) –, je leur adresserais en pensée et en toute sincérité une demande de pardon, tout en prévoyant de ne pas me laisser surprendre une fois prochaine, dans toute la mesure de mes possibilités.
      MPierre

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  3. Bonjour,
    une question très sérieuse malgré la situation iconoclaste :

    Est-il inapproprié de lire au toilettes ^?^

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  4. Pour un bouddhiste, oui.

    Mais tout le monde n'est pas obligé d'être bouddhiste ! :-)

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    1. Oui, bien sûr la question s'adressait pour les bouddhistes...
      j'imagine que ça fait un peu comme le défaut du récipient troué, du moins pour des lectures spécifiques... il y a un temps pour tout , me diriez vous...
      après pour des lectures plus communes, ça demanderait réflexions...

      Merci
      :o)

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