Suite à notre causerie de l'autre jour à propos de "Bouddha", il convient de nous entendre sur ce que nous appelons "bodhisattva", puisque, par définition, il faut devenir bodhisattva pour pouvoir devenir Bouddha.
La définition est simple :
Tout être qui réalise bodhicitta devient simultanément un bodhisattva.
Simple, simple. C'est vite dit.
C'est quoi, "bodhicitta" ?
Bodhicitta, ou encore "esprit d'Eveil" (variante : "pensée d'Eveil", etc.) :
aspiration désormais spontanée (cad ne nécessitant plus d'effort) à obtenir l'état de Bouddha pour accomplir le bien de tous les êtres - autrui et soi-même.
Bodhicitta est un état d'esprit éminemment altruiste, qui naît de qualités préalablement développées : grande compassion (cad compassion portant sur tous les êtres, ennemis y compris) et grand amour (même remarque) , eux-mêmes fondés sur une complète équanimité, et en-deçà sur le renoncement au samsara.
Bodhicitta implique entre autres d'avoir neutralisé (pas encore détruit, mais déjà mis en veilleuse) rang gces 'dzin : l'"autochérissement", ou si vous préférez "l'egocentrisme", la tendance naturelle à tous les êtres ordinaires du samsara d'avant tout se chérir eux-mêmes, et donc de s'accorder la première place et de se considérer comme plus importants que n'importe qui d'autre.
Au sens propre du terme, un bodhisattva est donc un personnage altruiste, accordant désormais la préséance à autrui.
Le terme admet aussi un sens élargi, fréquemment utilisé dans les traités indiens de grands maîtres tels qu'Asanga et dans les lignées répandues dans la sphère bouddhiste d'influence chinoise (Corée, Japon, Vietnam, etc. Mais pas le Tibet, qui a reçu le bouddhisme directement de l'Inde, et non de la Chine).
Outre les bodhisattva patentés, le terme s'étend ici à ceux qui aspirent à devenir bodhisattva, et prononcent le voeu, ou encore les voeux, de bodhisattva, avant même d'avoir réalisé bodhicitta, ce pour y parvenir le plus vite possible.
Un trait majeur, pour ne pas dire LE trait caractéristique, de bodhicitta, est ainsi de prendre à coeur le sort de tous les êtres, y compris et surtout les "pires", car ce sont eux, après tout, qui sont le plus dignes de compassion et d'amour.
Par conséquent, la faute la plus grave dans le mahayana consiste à rejeter ne serait-ce qu'un seul être. Ca revient à rejeter l'esprit d'Eveil.
C'est l'une des deux fautes qui brisent instantanément les voeux de bodhisattva.