dimanche 31 octobre 2021

De l'amour

 Belle description de l'amour authentique, par Monsieur Antoine de Saint-Exupéry, dans Le Petit Prince.

Aux antipodes de l'attachement...

" Je t’aime, dit le Petit Prince.
 
– Moi aussi je te veux, dit la rose.
 
– Ce n’est pas pareil…, répondit le Petit Prince.
 
… vouloir, c’est prendre possession de quelque chose, de quelqu’un. C’est chercher chez les autres ce qui peut remplir nos besoins personnels d’affection, de compagnie… Vouloir, c’est chercher à faire nôtre ce qui ne nous appartient pas, c’est s’approprier ou désirer quelque chose pour nous combler, parce qu’à un moment donné, quelque chose nous manque.
 
Aimer, c’est désirer le meilleur pour l’autre, même s’il a des aspirations différentes des nôtres.
 
Aimer, c’est permettre à l’autre d’être heureux, même si son chemin est différent du mien. C’est un sentiment désintéressé qui naît d’un don de soi, c’est se donner entièrement à partir de notre cœur.
 
Quand on aime, on donne sans rien demander en échange, pour le simple et pur plaisir de donner. Mais il est aussi certain que ce don, ce don de soi, complètement désintéressé, ne se fait que quand on connaît. Nous ne pouvons aimer que ce que nous connaissons, parce qu’aimer veut dire se jeter dans le vide, faire confiance à la vie et à l’âme. L’âme ne s’achète, ni se vend. Et connaître, c’est justement tout savoir de toi, de tes joies, de ta paix, mais aussi de tes contrariétés, de tes luttes, de tes erreurs. Parce que l’amour transcende les disputes, la lutte et les erreurs, l’amour, ce n’est pas uniquement pour les moments de joie.
 
Aimer, c’est la confiance absolue que, quoi qu’il se passe, tu seras toujours là. Non parce que tu me dois quelque chose, non par possession égoïste, mais juste être là, en compagnie silencieuse.
 
Aimer, c’est savoir que le temps n’y changera rien, ni les tempêtes, ni mes hivers.
 
Aimer, c’est donner à l’autre une place dans mon cœur pour qu’il y reste comme un père, une mère, un fils, un ami, et savoir que dans son cœur à lui, il y a une place pour moi.
 
Donner de l’amour ne vide pas l’amour, au contraire, il l’augmente. La manière de donner autant d’amour, c’est d’ouvrir son cœur et de se laisser aimer.
 
– J’ai compris, dit la rose.
 
– Ne cherche pas à comprendre l’amour, vis-le, dit le Petit Prince."
 

Ici et maintenant

 Cf. Le Point 30 octobre 2021

Père Guy Gilbert : « Quand on veut être ...

J'adore (entre autres) la "profession de foi" du Père Guy Gilbert, 86 ans, l'infatigable prêtre des loubards, en conclusion de l'article :

Je m’en fous d’hier, je me tape de demain, je mets toutes mes forces dans les 24 heures du moment présent pour respirer l’amour, donner l’amour et le recevoir.

 

Alors la Paix viendra

Un lodjong (méthode d'entraînement de l'esprit à l'altruisme) incognito ?
Alors la Paix viendra

Auteur : Pierre Guilbert (prêtre catholique)

Si tu crois qu'un sourire est plus fort qu'une arme,
Si tu crois à la puissance d'une main offerte,
Si tu crois que ce qui rassemble les hommes est plus important que ce qui divise,
Si tu crois qu'être différent est une richesse et non pas un danger,
Si tu sais regarder l'autre avec un brin d'amour,
Si tu préfères l'espérance au soupçon,
Si tu estimes que c'est à toi de faire le premier pas, plutôt qu'à l'autre,
Si le regard d'un enfant parvient encore à désarmer ton coeur,

Si tu peux te réjouir de la joie de ton voisin,
Si l'injustice qui frappe les autres te révolte autant que celle que tu subis,
Si pour toi l'étranger est un frère qui t'est proposé,
Si tu sais donner gratuitement un peu de ton temps par amour,
Si tu acceptes qu'un autre te rende service,
Si tu partages ton pain
et que tu saches y joindre un morceau de ton coeur,
Si tu crois qu'un pardon va plus loin qu'une vengeance,
Si tu sais chanter le bonheur des autres et danser leur allégresse,
Si tu peux écouter le malheureux qui te fait perdre ton temps et lui garder ton sourire,
Si tu sais accepter la critique et en faire ton profit, sans la renvoyer et te justifier,
Si tu sais accueillir et adopter un avis différent du tien,

Si pour toi l'autre est d'abord un frère,
Si la colère est pour toi une faiblesse, non une preuve de force,
Si tu préfères être lésé que faire tort à quelqu'un,
Si tu refuses qu'après toi ce soit le déluge,
Si tu te ranges du côté du pauvre et de l'opprimé sans te prendre pour un héros,
Si tu crois que l'Amour est la seule force de dissuasion,

Si tu crois que la Paix est possible, ........... Alors la Paix viendra.

Sources : de Prier.be

vendredi 22 octobre 2021

Lha babs dus chen

 


 
La fête de Lha bab dus chen  ལྷ་བབ་དུས་ཆེན་  tombe cette année le mercredi 27 octobre. 
Selon la tradition, ce jour là, toutes les vertus effectuées sont multipliées par 10 millions. 

Après avoir obtenu l'Éveil suprême à Bodhgaya, le Bouddha se rendit dans un monde de
deva connu sous le nom de Trente-Trois, pour y dispenser des Enseignements à sa mère qui avait repris naissance là.

La fête Lha bab dus chen, le 22ème jour du 9ème mois lunaire, commémore son retour dans notre monde.

dimanche 17 octobre 2021

Gomang Khensour Rinpoche Ngawang Nyima


Par rapport aux amis qui nous rejoignent maintenant à l'Institut, les "vieux" comme moi ont eu la chance de rencontrer plusieurs Maîtres de Rinpoche. En ce qui me concerne, c'est en Suisse que j'ai eu l'honneur de faire la connaissance de "Genlags" : Geshe Ngawang Nyima-lags, devenu plus tard Gomang Khensur Rinpoche (abbé, puis abbé retiré du collège de Drepung Gomang). Comme chaque été, nous étions tout un groupe des Langues'O à avoir suivi Rinpoche à Rikon (non loin de Winterthur), pour la célébration de l'anniversaire de Sa Sainteté le Dalaï Lama, le 6 juillet – par souci d'exactitude, je précise que ce n'est pas la vraie date de naissance de Sa Sainteté, mais cela n'a au fond aucune importance.

C'était en 1974. J'étais venue passer trois ou quatre semaines dans ce petit village" tibétanisé" de Suisse "allemande". Grâce à Geshelags, je logeais dans le grenier d'une sympathique famille très accueillante et très traditionnelle, qui pratiquait sereinement la polyandrie à la mode tibétaine – la dame avait épousé des frères et si les enfants appelaient "Papa" l'aîné des frères, cela ne correspondaient pas forcément à la réalité biologique. La question n'est pas là. Pour en revenir à notre sujet, c'est François et Marie-Thérèse qui m'ont parlé du "Maître mongol de Rinpoche", comme nous disions, et d'ailleurs disons encore. Et ils m'ont proposé d'aller le rencontrer chez lui, à Zelle, une fois les festivités achevées. Pour être franche, je n'ai pas de souvenir très net de cette première rencontre, car j'étais beaucoup trop intimidée. Tout ce dont je suis sûre est que nous avons été très bien reçus, avec force thé et petits gâteaux, par un très vieux moine tout ridé et très souriant. On m'a raconté par la suite que ce Maître sévère n'avait pas toujours été d'un abord aussi facile…

 Né en 1906 en Bouriatie, du côté du lac Baïkal, Genlags ("Professeur") avait tout de suite stupéfié son monde en naissant tout enveloppé dans la poche placentaire demeurée intacte. C'est considéré comme très bon présage chez les bouddhistes (pas seulement d'après ma propre mère), et à en croire les biographies de maîtres du passé, c'est un phénomène relativement fréquent chez les lamas de haut rang. Tout enfant, le futur abbé de Gomang entre au monastère où il entame avec ardeur ses études religieuses. Las ! La révolution bolchevique frappe la Bouriatie, et les persécutions se multiplient. Il en est témoin mais aussi victime. C'est donc instruit par l'expérience que dès le début de l’occupation du Tibet par les communistes chinois, il alertera ses disciples, à commencer par Rinpoché, et les pressera de fuir avant qu’il ne soit trop tard. Les bolcheviques contraignent les moines à quitter leurs établissements et à suivre les cours de l’école communiste. Mais le père de Genlags lui enjoint de partir : tant qu’à risquer sa vie, autant que ce soit pour une cause utile. Et voilà le jeune homme de seize ans sur des routes ô combien périlleuses. Il est même emprisonné à Oulan bator et affronte maints dangers. 

Un an plus tard, il arrive enfin au Tibet. Sans hésiter, il gagne directement le collège de Gomang Datsang à Drepung qui accueille traditionnellement beaucoup de Mongols. C’est le début d’une carrière brillante. L’abbé du collège remarque vite ses capacités hors du commun et lui propose la fonction de « récitant » - karam kyorpön -, qui inclut les obligations de chef de classe et mène aux examens de geshe lharampa, en quelque sorte docteur d’état en philosophie bouddhiste. Genlags accepte, mais l’un de ses Maîtres, Kangsar Dorjechang, lui conseille expressément de n’en rien faire. Sans doute a-t-il perçu que cela entraînerait des obstacles pour son pupille. Celui-ci ne manque pas de suivre les recommandations de son Maître et ne passera en conséquence qu’un diplôme plus ordinaire de geshe. Quand le frère aîné de Sa Sainteté le 14ème Dalaï-lama, Tagtse Rinpoche (réincarnation d'un grand méditant de Tagtse), arrive de Kumbum – lieu de naissance de Je Tsongkhapa – pour étudier à Gomang, c’est néanmoins Genlags qui est choisi comme tuteur. Il devient ainsi un proche de la famille de Sa Sainteté, et en particulier noue des liens privilégiés avec "Amalags", mère attentive qui dirige sa maison avec douceur et fermeté. Et en 1957, Genlags devient aussi tuteur de Ngari Rinpoche (réincarnation de Dulzin Takpa Gyaltsen), le frère cadet du groupe. En parallèle, il continue à enseigner la philosophie aux nombreux autres élèves que sa réputation lui attire. Pourtant il est sévère, très sévère, et terriblement exigeant. Et il faut aux Tibétains quelques jours pour s’habituer à son accent, qui devient plus prononcé quand il s’emporte – ce qui arrive moins souvent au fil des années, mais quand même.

Rinpoche nous a souvent décrit les premiers cours, quand il ne comprenait strictement rien des explications de ce Maître à l’accent rocailleux, ce Maître qui jamais ne souriait ni ne plaisantait. Rinpoche raconte qu’il l’a vu pour la première fois détendu et affable … en 1967 ou 1968, après son arrivée en Hollande ! Car en fait Genlags cache sous un aspect bourru un cœur d’or et un sens de l’humour percutant comme sa vive intelligence alliée à une mémoire infaillible. Mais en 1958, l’heure n’est pas à la plaisanterie. Le territoire tibétain est désormais totalement envahi par les troupes communistes chinoises. Genlags connaît trop bien et de trop près la situation pour s’y résigner et après avoir averti ses élèves des probables exactions à venir, il décide de fuir à nouveau et gagne l’Inde. Il connaît bien la route qu’il a déjà parcourue plusieurs fois. Comme il ne supportait guère les glacials hivers tibétains, il a effectué les pèlerinages conseillés jadis par le Bouddha lui-même. En 1960, l’université de Varanasi lui offre un poste aux côtés du tibétologue Herbert Guenther. Il y enseigne jusqu’en 1967, année lors de laquelle il est invité à l’université de Leyden, aux Pays-Bas, par le professeur Ruegg. Tout en participant aux travaux de recherche, il compose plusieurs commentaires.  

Ses œuvres complètes, en cinq gros volumes, portent essentiellement sur des sujets philosophiques. N’allez pas y chercher des éclaircissements pour simplifier votre compréhension. Non ! Dans ses traités comme lors de ses cours, Genlags va au-delà de l’éventuelle facilité apparente des thèmes abordés et met en évidence les points délicats ou litigieux, tout en se refusant à trancher. Loin de mâcher le travail, il invite à la réflexion et à l’approfondissement. N’étant pas Tibétain d’origine, il est d’autant plus curieux de cette langue et de cette culture qu’il a si bien adoptées, et dans son encyclopédie, il se livre à un véritable travail ethnographique, admirable trésor pour les nouvelles générations tibétaines chahutées par l'histoire comme pour les curieux ou sympathisants d’autres origines. En revanche, dans son autobiographie, il se montre peu prolixe et ne cite que les faits. 

En 1972, ayant atteint l’âge de la retraite fixé par les Hollandais, Genlags se fixe en Suisse avec son fidèle assistant, Chöjelags, ancien moine de tradition kagyupa – quand à Varanasi, son choix s’était porté sur un défroqué appartenant à une autre école, d’aucuns lui avaient manifesté un certain étonnement, ce à quoi il avait rétorqué de sa manière abrupte que ce n’était pas un méditant qu’il cherchait, mais un compagnon dévoué qui le déchargerait de tout souci matériel, ce qui se vérifia. 

En 1978, à 72 ans, Genlags est élu abbé du collège de Gomang reconstitué à Mundgod, en Inde. Il assume cette lourde charge jusqu’en 1982 et s’implique dans tous les secteurs de la vie de la communauté, de l’école aux cuisines. Si cela n'avait tenu qu'à lui, d'ailleurs, il n'y aurait pas eu d'"école" créée au sein des collèges monastiques. Il aurait préféré que la formation d'antan soit maintenue, avec la précieuse relation entre le maître et le disciple, relation qui n'existe pas dans un cadre scolaire ordinaire. Toujours est-il qu'à Mundgod, il dispense certes énormément d’enseignements mais reçoit aussi nombre de laïcs qui viennent l’entretenir de leurs problèmes ou tout simplement de leur quotidien. Désormais, il se montre accessible, réservant à chacun un accueil chaleureux, quasiment paternel, au grand étonnement des aînés parmi ses disciples, dont Gomang Khensur Rinpoché Tenpa Tenzin (décédé en 2007), qui se rappelait de cuisantes corrections...

De retour en Occident où le bouddhisme commence à être un peu mieux connu, Khensour Rinpoche est invité en France comme en Italie, et prodigue ses précieuses instructions sans jamais faire montre de la moindre lassitude. En septembre 1986, il s’installe définitivement en Inde et ne cessera pas de dispenser des enseignements jusqu’à sa disparition en février 1990. Khensour Rimpoché suivit de nombreux Maîtres, dont Kyabjé Kangsar Dorjechang, Mochog Rinpoche, Kyabje Ling Dorjechang et surtout Kyabje Trijang Dorjechang. Genlags était un véritable maître kadampa. Il vivait on ne peut plus simplement et dans la plus grande discrétion, n’étalant ni ses connaissances, ni sa pratique. Parfaite était sa façon de suivre le Maître, nous a bien souvent dit Rinpoche. Que ce soit lors de sessions d’enseignement ou lors de conversations – apparemment – anodines, il instruisait avec peu de mots mais des mots qui faisaient mouche. Il était particulièrement strict en ce qui concerne la règle monastique et, plus généralement, l’éthique. 

 En résumé, pour reprendre les mots mêmes de son disciple - Rinpoche -, c'était un Maître du lamrim.