Pour rebondir sur la boutade "traduire, c'est trahir", je crains en effet que toute traduction ne soit quelque peu infidèle.
Outre le fait que, d'une langue à une autre, les champs sémantiques des soi-disant équivalents ne coïncident sans doute pas exactement, les mots n'ont pas non plus exactement la même portée, ni la même signification, d'un locuteur à un autre.
Tantôt nous croyons parler de la même chose, alors qu'en fait nous ne donnons pas le même sens aux mots utilisés ; tantôt nous défendons notre point de vue âprement sans nous rendre compte que nos interlocuteurs disent la même chose, mais de façon différente - j'ai souvent observé ce phénomène en réunion ; c'est à la fois drôle, et navrant.
Que faire ?
On pourrait, par exemple, prendre le temps d'écouter vraiment l'autre, avec attention, et avec respect. Cela pourrait sans doute favoriser une meilleure compréhension mutuelle. :-)
Le blog de MSB. Indications historiques, anecdotiques voire doctrinales sur le bouddhisme.
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mercredi 25 novembre 2015
mardi 17 novembre 2009
Les lotsawa du Tibet
Lors de la première diffusion du Dharma au Tibet, il y a eu entre 70 et 80 traducteurs, subventionnés par les Rois successifs, pour traduire les précieux textes en tibétain.
Pour la seconde diffusion, on en compte entre 200 et 300. A part les tout premiers, sélectionnés et subventionnés par les princes Lha Lama Yeshe Öd et Lha Lama Jangchub Öd, les autres lotsawa se débrouillèrent par eux-mêmes.
A l'époque des Rois, les règles de recrutement étaient strictes :
les candidats, qui devaient avoir entre 10 et 20 ans, passaient une visite médicale ainsi que des tests d'intelligence et de mémoire. Par exemple, des examinateurs vérifiaient ce qu'ils étaient capables de retenir d'un cours ayant duré une heure, ou encore combien de lignes ils parvenaient à mémoriser en une heure.
Pour la seconde diffusion, on en compte entre 200 et 300. A part les tout premiers, sélectionnés et subventionnés par les princes Lha Lama Yeshe Öd et Lha Lama Jangchub Öd, les autres lotsawa se débrouillèrent par eux-mêmes.
A l'époque des Rois, les règles de recrutement étaient strictes :
les candidats, qui devaient avoir entre 10 et 20 ans, passaient une visite médicale ainsi que des tests d'intelligence et de mémoire. Par exemple, des examinateurs vérifiaient ce qu'ils étaient capables de retenir d'un cours ayant duré une heure, ou encore combien de lignes ils parvenaient à mémoriser en une heure.
Libellés :
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Tibet,
Traduction
lundi 24 novembre 2008
Les lotsawa
Le bouddhisme a beaucoup voyagé, et des traducteurs ont dû s'improviser à chaque escale.
Dans le Tibet ancien, les lotsawa étaient très estimés. Ils étaient même qualifiés d'"oeil du monde" (rjig rten gyi mig).
Il faut dire qu'eux étaient des érudits et d'excellents pratiquants. En fait, ils étaient eux-mêmes des Maîtres - pensons au grand Marpa Lotsawa.
Aujourd'hui, le bouddhisme est arrivé de par chez nous. En France, aussi il faut des traducteurs - une marchandise assez rare sur le marché.
Vraiment très rare, car sinon, jamais quelqu'un comme moi, dénué de connaissances, de compétence et qui est encore loin des rangs des "pratiquants", n'aurait été amené à jouer ce rôle ingrat et délicat.
D'après mon expérience (c'est à dire mes expériences répétées au fil des années), de nos jours, en fait d'"oeil du monde", il serait plus exact de parler de "cinquième roue du carrosse" : un personnage encombrant, dont on voudrait bien se passer, et dont on est content de se débarrasser dès que c'est possible - avec raison vu la nullité dudit personnage en ce qui me concerne - je ne puis savoir ce qu'il en est pour mes "collègues".
N'empêche que ça met dans une position ô combien agréable et confortable...
A ne pas savoir sur quel pied danser (en plus, je n'ai jamais dansé en cette vie - à l'école maternelle, je me faisais déjà porter malade pour échapper aux exercices de trémoussements collectifs).
Occasion en or pour mettre en oeuvre les lojong (blo sbyong), "entraînements de l'esprit", me direz-vous. Certes.
Mais pour cela, encore faudrait-il en avoir le niveau. Et quand on n'est même pas encore entré dans la pratique telle que définie par Dromtönpa...
Dans le Tibet ancien, les lotsawa étaient très estimés. Ils étaient même qualifiés d'"oeil du monde" (rjig rten gyi mig).
Il faut dire qu'eux étaient des érudits et d'excellents pratiquants. En fait, ils étaient eux-mêmes des Maîtres - pensons au grand Marpa Lotsawa.
Aujourd'hui, le bouddhisme est arrivé de par chez nous. En France, aussi il faut des traducteurs - une marchandise assez rare sur le marché.
Vraiment très rare, car sinon, jamais quelqu'un comme moi, dénué de connaissances, de compétence et qui est encore loin des rangs des "pratiquants", n'aurait été amené à jouer ce rôle ingrat et délicat.
D'après mon expérience (c'est à dire mes expériences répétées au fil des années), de nos jours, en fait d'"oeil du monde", il serait plus exact de parler de "cinquième roue du carrosse" : un personnage encombrant, dont on voudrait bien se passer, et dont on est content de se débarrasser dès que c'est possible - avec raison vu la nullité dudit personnage en ce qui me concerne - je ne puis savoir ce qu'il en est pour mes "collègues".
N'empêche que ça met dans une position ô combien agréable et confortable...
A ne pas savoir sur quel pied danser (en plus, je n'ai jamais dansé en cette vie - à l'école maternelle, je me faisais déjà porter malade pour échapper aux exercices de trémoussements collectifs).
Occasion en or pour mettre en oeuvre les lojong (blo sbyong), "entraînements de l'esprit", me direz-vous. Certes.
Mais pour cela, encore faudrait-il en avoir le niveau. Et quand on n'est même pas encore entré dans la pratique telle que définie par Dromtönpa...
dimanche 15 juillet 2007
2 Les Lotsawa – les traducteurs tibétains de jadis
Au cours de leur séjour plus ou moins long en Inde au Népal, les Lotsawa effectuaient déjà parfois des traductions avec leur(s) maître(s). Puis ils rentraient au pays, rarement seuls. Dans la mesure du possible, ils invitaient des Pandits - souvent leur maître ou des condisciples – à les accompagner ou à les rejoindre.
Ils s'attelaient dès lors à leur tâche principale : la traduction des ouvrages sacrés. Certes, ils jouaient aussi les interprètes pour les Pandits, mais si c'était fondamental à l'époque, c'est devenu secondaire pour nous. Encore que ! Comme le bouddhisme repose sur l'oralité et la transmission ininterrompue, nous leur restons redevables aujourd'hui encore.
Comment les Lotsawa travaillaient-ils ?
Dès le départ, les grands principes sont établis, et ne varieront guère sur le sol tibétain.
Sous le roi Songtsän Gampo, Thönmi Sambhota prend déjà soin de s'assurer du concours d'assistants aux compétences diverses et complémentaires, et bientôt, chaque équipe comportera des locuteurs des différentes langues utilisées : dans les premiers temps, on traduit aussi bien du chinois, du népali ou de la langue de Gilgit que du sanskrit. Les collaborateurs de Thönmi sont révélateurs sur ce point : - deux Indiens (Kusara et Shamkara, un brahmane), un Népalais (Shilamanju), un Chinois (Hvaçan Mahâdeva Tshe), un Cachemirien (Tana) et quand même deux Tibétains (Dharmakosha et Lhalung Dorje Päl – le futur régicide).
Au début du VIIIème siècle le roi Méagtsom invite encore des moines chinois, et sous son règne Bränka Mûlakosha traduit du chinois non seulement des soutras mais aussi des traités d'astrologie et de médecine. Son successeur, le célèbre grand roi Thrisong Détsän, penche nettement pour que les traductions soient exclusivement effectuées à partir du sanskrit. La tendance se renforce suite au débat entre les tenants des écoles chinoises et indiennes et à la victoire des Pandits. Cela devient la loi lorsque les rois Sänalég puis Rälpachän (?-817-838) prennent les choses en main et codifient strictement le travail de traduction.
Le roi installe en son palais les pandits et traducteurs et il leur confie des missions clairement définies. Il édicte les règles à suivre en traduction, et il crée comme un tribunal, disons une instance supérieure, qui a la haute autorité sur l'ensemble du travail de traduction : bcom ldan 'das kyi ring lugs kyi bdun ma.
Les traducteurs aidés par les pandits compilent deux dictionnaires, encore très utiles de nos jours : Bye brag rtogs byed et sGra sbyor bam gnyis. Sur ordre de Rälpachän, ils établissent une nouvelle liste des textes tant du hinayâna que du mahâyâna traduits du sanskrit : c'est déjà le quatrième karchag (dkar chag) depuis Thri song Détsän ; il devra désormais être mis à jour régulièrement.
En sus des traductions inédites, il faut réviser les anciennes, plus exactement toutes celles qui avaient été effectuées à partir du sanskrit car les autres sont définitivement écartées. En partant de la langue du Magadha, l'enjeu consiste à concevoir de nouvelles terminologies car les traductions antérieures contiennent beaucoup trop d'expressions laissées en sanskrit, faute d'avoir alors trouvé des équivalents : rien que de plus naturel ; comme on dit, "il faut laisser du temps au temps". Transposer les notions et nuances très subtiles de l'Enseignement du Bouddha exige sans doute une période d'étude puis d'assimilation, sous peine de multiplier les erreurs (Ah ! Si nous pouvions être plus circonspects aujourd'hui ! Mais non, dans notre monde à grande vitesse, on traduit d'abord ; on voit après si on a le temps d'essayer de comprendre).
Par souci de clarté et d'authenticité, il est rendu obligatoire d'indiquer scrupuleusement le titre en les deux langues, sanskrit et tibétain, ainsi que les noms de l'auteur et des traducteurs, le cas échéant des réviseurs.
Pour simplifier la tâche aux utilisateurs, de sorte à ce qu'ils sachent immédiatement le domaine abordé, les traducteurs doivent ajouter après le titre une louange introductrice particularisée : pour les ouvrages du Vinaya (la règle monastique), l'hommage est rendu à tous les Omniscients ; pour le Soutrapitaka, à tous les Bouddhas et bodhisattvas, et pour l'Abhidharma, au Bouddha Manjushri , qui symbolise la sagesse.
Les procédés de traduction sont fixés par décret royal :
- La règle d'or est de privilégier la clarté et la compréhensibilité et de rester le plus fidèle possible à la lettre, tout en respectant la syntaxe et la morphologie du tibétain. En pratique, cela signifie que, s'il est préférable de recourir aux termes relevés de la langue, il ne faut pourtant pas hésiter à utiliser les expressions courantes et populaire, notamment pour les nombres. Par exemple, au lieu de dire comme en sanskrit 12 fois et demie 100 moines, il est recommandé de s'en tenir au parler ordinaire : 1250 moines…
- Lorsque la traduction littérale s'avère juste, qu'on la retienne. Sinon, il importe de privilégier le fond par rapport à la lettre – ceci marque un progrès notable sur l'époque précédente.
- Lorsque l'on peut conserver l'ordre sanskrit dans un ver ou une stance sans que cela entraîne de confusion ou de malentendu, c'est parfait. Mais s'il y a le moindre doute, la moindre ambiguïté, il faut adopter l'ordre le plus intelligible.
- Lorsqu'un mot sanskrit comporte de nombreuses connotations et recouvre plusieurs significations, il faut se garder de n'en rendre qu'un aspect et de favoriser sans raison un sens au détriment des autres (c'est un problème récurrent pour qui a charge de faire des traductions du tibétain en français, ou en anglais, etc..) : selon les cas, il faut * soit traduire la signification la plus générale ; * soit rendre le sens utilisé dans le contexte, à condition qu'il y ait des raisons valables pour ce faire ; * soit conserver le mot sanskrit.
- En ce qui concerne les noms de personnes, de pays, de fleurs, etc., les traduire textuellement risqueraient de susciter nombre de confusion. Aussi, il est conseillé de garder le terme d'origine, en le faisant précéder d'une indication en tibétain – "pays", "fleur" ou autre.
- Pour ce qui est des homonymes ou homographes, quand il n'y a pas d'erreur possible, on peut employer le mot tibétain habituel. Sinon, il est préférable de varier le vocabulaire.
Rälpacän décréta que personne n'avait le droit d'inventer seul un nouvel équivalent. Ceux qui rencontreraient une expression encore jamais traduite devraient enréférer aux instances supérieures, qui statueraient, décideraient et feraient les ajouts nécessaires dans les lexiques.
A propos des tantras, sous Thrisong Détsän, les trois premiers groupes avaient été traduits ; en revanche, bien que l'anuttarayogatantra fût enseigné et pratiqué, il était interdit de le traduire, afin d'éviter sa divulgation. Rälpacän va plus loin en promulguant une loi qui bannit la diffusion des tantras féminins et impose de sévères restrictions pour les autres. Ne peut désormais traduire de tantras que celui qui en a reçu l'ordre formel des autorités, sachant que toute traduction partielle est totalement prohibée.
Pour conclure, l'œuvre accomplie par les Lotsawa tibétains est immense et a une portée difficilement concevable. C'est en grande partie grâce à eux qu'aujourd'hui l'Enseignement du Bouddha nous demeure accessible dans son extraordinaire richesse. Certes, les autres pays où s'est diffusé le Dharma possèdent leur propre Canon, mais il semble que c'est le Pays des neiges qui offre les Collections les plus complètes et de plus très fiables, pour les raisons évoquées.
Puissent les Lotsawa modernes suivre les traces des grands Aînés ! Au moins un peu…
Moi qui, sans l'avoir jamais souhaité et sans en avoir ni la formation ni la compétence, me suis retrouvée à devoir essayer de traduire, je voudrais ici même non pas relater une quelconque expérience (inexistante) mais pousser quelques cris d'alarme. Simplement attirer l'attention sur celles de mes nombreuses erreurs que j'ai réussies à plus ou moins repérer. Juste pour qu'elles ne soient pas répétées encore et encore.
Ils s'attelaient dès lors à leur tâche principale : la traduction des ouvrages sacrés. Certes, ils jouaient aussi les interprètes pour les Pandits, mais si c'était fondamental à l'époque, c'est devenu secondaire pour nous. Encore que ! Comme le bouddhisme repose sur l'oralité et la transmission ininterrompue, nous leur restons redevables aujourd'hui encore.
Comment les Lotsawa travaillaient-ils ?
Dès le départ, les grands principes sont établis, et ne varieront guère sur le sol tibétain.
Sous le roi Songtsän Gampo, Thönmi Sambhota prend déjà soin de s'assurer du concours d'assistants aux compétences diverses et complémentaires, et bientôt, chaque équipe comportera des locuteurs des différentes langues utilisées : dans les premiers temps, on traduit aussi bien du chinois, du népali ou de la langue de Gilgit que du sanskrit. Les collaborateurs de Thönmi sont révélateurs sur ce point : - deux Indiens (Kusara et Shamkara, un brahmane), un Népalais (Shilamanju), un Chinois (Hvaçan Mahâdeva Tshe), un Cachemirien (Tana) et quand même deux Tibétains (Dharmakosha et Lhalung Dorje Päl – le futur régicide).
Au début du VIIIème siècle le roi Méagtsom invite encore des moines chinois, et sous son règne Bränka Mûlakosha traduit du chinois non seulement des soutras mais aussi des traités d'astrologie et de médecine. Son successeur, le célèbre grand roi Thrisong Détsän, penche nettement pour que les traductions soient exclusivement effectuées à partir du sanskrit. La tendance se renforce suite au débat entre les tenants des écoles chinoises et indiennes et à la victoire des Pandits. Cela devient la loi lorsque les rois Sänalég puis Rälpachän (?-817-838) prennent les choses en main et codifient strictement le travail de traduction.
Le roi installe en son palais les pandits et traducteurs et il leur confie des missions clairement définies. Il édicte les règles à suivre en traduction, et il crée comme un tribunal, disons une instance supérieure, qui a la haute autorité sur l'ensemble du travail de traduction : bcom ldan 'das kyi ring lugs kyi bdun ma.
Les traducteurs aidés par les pandits compilent deux dictionnaires, encore très utiles de nos jours : Bye brag rtogs byed et sGra sbyor bam gnyis. Sur ordre de Rälpachän, ils établissent une nouvelle liste des textes tant du hinayâna que du mahâyâna traduits du sanskrit : c'est déjà le quatrième karchag (dkar chag) depuis Thri song Détsän ; il devra désormais être mis à jour régulièrement.
En sus des traductions inédites, il faut réviser les anciennes, plus exactement toutes celles qui avaient été effectuées à partir du sanskrit car les autres sont définitivement écartées. En partant de la langue du Magadha, l'enjeu consiste à concevoir de nouvelles terminologies car les traductions antérieures contiennent beaucoup trop d'expressions laissées en sanskrit, faute d'avoir alors trouvé des équivalents : rien que de plus naturel ; comme on dit, "il faut laisser du temps au temps". Transposer les notions et nuances très subtiles de l'Enseignement du Bouddha exige sans doute une période d'étude puis d'assimilation, sous peine de multiplier les erreurs (Ah ! Si nous pouvions être plus circonspects aujourd'hui ! Mais non, dans notre monde à grande vitesse, on traduit d'abord ; on voit après si on a le temps d'essayer de comprendre).
Par souci de clarté et d'authenticité, il est rendu obligatoire d'indiquer scrupuleusement le titre en les deux langues, sanskrit et tibétain, ainsi que les noms de l'auteur et des traducteurs, le cas échéant des réviseurs.
Pour simplifier la tâche aux utilisateurs, de sorte à ce qu'ils sachent immédiatement le domaine abordé, les traducteurs doivent ajouter après le titre une louange introductrice particularisée : pour les ouvrages du Vinaya (la règle monastique), l'hommage est rendu à tous les Omniscients ; pour le Soutrapitaka, à tous les Bouddhas et bodhisattvas, et pour l'Abhidharma, au Bouddha Manjushri , qui symbolise la sagesse.
Les procédés de traduction sont fixés par décret royal :
- La règle d'or est de privilégier la clarté et la compréhensibilité et de rester le plus fidèle possible à la lettre, tout en respectant la syntaxe et la morphologie du tibétain. En pratique, cela signifie que, s'il est préférable de recourir aux termes relevés de la langue, il ne faut pourtant pas hésiter à utiliser les expressions courantes et populaire, notamment pour les nombres. Par exemple, au lieu de dire comme en sanskrit 12 fois et demie 100 moines, il est recommandé de s'en tenir au parler ordinaire : 1250 moines…
- Lorsque la traduction littérale s'avère juste, qu'on la retienne. Sinon, il importe de privilégier le fond par rapport à la lettre – ceci marque un progrès notable sur l'époque précédente.
- Lorsque l'on peut conserver l'ordre sanskrit dans un ver ou une stance sans que cela entraîne de confusion ou de malentendu, c'est parfait. Mais s'il y a le moindre doute, la moindre ambiguïté, il faut adopter l'ordre le plus intelligible.
- Lorsqu'un mot sanskrit comporte de nombreuses connotations et recouvre plusieurs significations, il faut se garder de n'en rendre qu'un aspect et de favoriser sans raison un sens au détriment des autres (c'est un problème récurrent pour qui a charge de faire des traductions du tibétain en français, ou en anglais, etc..) : selon les cas, il faut * soit traduire la signification la plus générale ; * soit rendre le sens utilisé dans le contexte, à condition qu'il y ait des raisons valables pour ce faire ; * soit conserver le mot sanskrit.
- En ce qui concerne les noms de personnes, de pays, de fleurs, etc., les traduire textuellement risqueraient de susciter nombre de confusion. Aussi, il est conseillé de garder le terme d'origine, en le faisant précéder d'une indication en tibétain – "pays", "fleur" ou autre.
- Pour ce qui est des homonymes ou homographes, quand il n'y a pas d'erreur possible, on peut employer le mot tibétain habituel. Sinon, il est préférable de varier le vocabulaire.
Rälpacän décréta que personne n'avait le droit d'inventer seul un nouvel équivalent. Ceux qui rencontreraient une expression encore jamais traduite devraient enréférer aux instances supérieures, qui statueraient, décideraient et feraient les ajouts nécessaires dans les lexiques.
A propos des tantras, sous Thrisong Détsän, les trois premiers groupes avaient été traduits ; en revanche, bien que l'anuttarayogatantra fût enseigné et pratiqué, il était interdit de le traduire, afin d'éviter sa divulgation. Rälpacän va plus loin en promulguant une loi qui bannit la diffusion des tantras féminins et impose de sévères restrictions pour les autres. Ne peut désormais traduire de tantras que celui qui en a reçu l'ordre formel des autorités, sachant que toute traduction partielle est totalement prohibée.
Pour conclure, l'œuvre accomplie par les Lotsawa tibétains est immense et a une portée difficilement concevable. C'est en grande partie grâce à eux qu'aujourd'hui l'Enseignement du Bouddha nous demeure accessible dans son extraordinaire richesse. Certes, les autres pays où s'est diffusé le Dharma possèdent leur propre Canon, mais il semble que c'est le Pays des neiges qui offre les Collections les plus complètes et de plus très fiables, pour les raisons évoquées.
Puissent les Lotsawa modernes suivre les traces des grands Aînés ! Au moins un peu…
Moi qui, sans l'avoir jamais souhaité et sans en avoir ni la formation ni la compétence, me suis retrouvée à devoir essayer de traduire, je voudrais ici même non pas relater une quelconque expérience (inexistante) mais pousser quelques cris d'alarme. Simplement attirer l'attention sur celles de mes nombreuses erreurs que j'ai réussies à plus ou moins repérer. Juste pour qu'elles ne soient pas répétées encore et encore.
vendredi 13 juillet 2007
1 Les Lotsawa – les traducteurs tibétains de jadis
Le Tibet, encore peu connu, ou mal connu, des Occidentaux, évoque souvent pour eux un pays d'une rare spiritualité, la patrie des anachorètes et des mystiques.
Ce qui est sûr, c'est que la culture tibétaine est d'une grande richesse et remonte très loin dans le passé. Les Tibétains sont réputés pour avoir privilégié le plan spirituel mais ils ont aussi cultivé l'art, la poésie ou encore la médecine.
Parmi tous ceux qui ont contribué à modeler la civilisation du Pays des neiges, ressortent les Lotsawa – les Traducteurs – dont l'influence n'a plus cessé de se faire ressentir depuis le VIIème siècle.
Influence considérable ! La tradition attribue au premier d'entre eux, Thönmi Sambhota, la paternité de l'écriture tibétaine, et par conséquent la littérature écrite aussi bien que le code, toute la législation. Ce sont les Lotsawa qui ont compilé les premiers dictionnaires, rédigé des grammaires. Intrépides voyageurs, ils ont ramené au pays, et traduit, les textes bouddhistes certes, mais aussi des traités d'astrologie, de médecine et des autres sciences. Bref, ils constituièrent l'élite intellectuelle du haut plateau, dont ils furent les maîtres à penser.
Voilà ce qui explique peut-être leur position au sein de la société tibétaine, et la considération pour ne pas dire la vénération dont ils ont été et dont ils sont encore aujourd'hui.
C'est que dans le Tibet ancien, un "lotsawa" est un "rjig rten gyi mig", un "œil du monde" ! C'est lui qui ouvre l'œil de la sagesse, qui dissipe l'aveuglement de l'ignorance, qui éclaire l'entendement, à la lumière du Dharma - l'Enseignement du Bouddha. Il est le civilisateur par excellence.
Première conclusion, que vous avez devinée : les Lotsawa n'ont pas été de simples traducteurs ordinaires, des machines à traduire d'une parfaite neutralité. Non ! Les Lotsawa étaient bien autre chose.
C'étaient de fortes personnalités, qui alliaient qualités intellectuelles, spirituelles, et physiques. S'ils devenaient des érudits, des maîtres authentiques, ils devaient d'abord être de hardis voyageurs, des hommes courageux et tenaces, d'une résistance à toute épreuve. Il leur fallait, en effet, aller chercher les connaissances là où elles étaient, au Népal, au Cachemire et surtout en Inde.
A quelques exceptions près, appartenant d'ailleurs à des périodes plus tardives, comme Gö Lotsawa Shönnu Päl au XVème siècle, presque tous les lotsawa tibétains ont franchi les frontières une ou plusieurs fois. Or, on peut aisément imaginer les périls de telles équipées, sans oublier les changements climatiques à subir , et les frais à assumer.
Pour atteindre l'Inde, il fallait bien trois ans, car les Tibétains avaient à traverser le Népal,et souvent ils y séjournaient quelques mois, le temps de s'accoutumer progressivement à l'altitude moindre et aux températures plus élevées. Ceux qui n'avaient pu le faire au Tibet profitaient de la halte pour s'initier au sanskrit. Tous étudiaient déjà auprès des grands maîtres qui résidaient au Népal.
"Beaucoup d'appelés, peu d'élus" : le proverbe s'est malheureusement vérifié. Il est impossible d'évaluer avec précision les pertes en vies humaines à l'occasion de ces voyages, mais il est certain qu'elles furent très importantes. Par exemple, sur le groupe de 21 jeunes gens envoyés en Inde par le roi Yéshé Ö , on ne cite que deux rescapés : Rinchen Sangpo et Légpai Shérab. Il fallait donc avoir le caractère aventureux pour éprouver la vocation de lotsawa, et accepter de risquer sa vie.
Une fois les deux premières épreuves surmontées (l'apprentissage de la langue et le voyage), les futurs traducteurs en abordaient une troisième : ils devaient réussir à trouver le maître duquel ils allaient recevoir les explications et les lignées de transmission. Cette quête était tout sauf facile… Il ne suffisait pas de rencontrer un maître de grande valeur. Il fallait trouver (retrouver) celui avec lequel on était en harmonie; celui qui, seul, apporterait ce dont on avait besoin. Rappelez-vous l'épisode significatif survenu lors de la rencontre au Népal entre le grand Pandit indien Atisha et le célèbre Traducteur Marpa Chökyi Lodrö.
Le premier se rendait au Tibet, le second se dirigeait vers l'Inde, vers son maître Naropa. Atisha proposa à Marpa de rebrousser chemin et de lui servir d'interprète – sa "langue venait d'être coupée" du fait de la mort de son traducteur attitré ; lui-même lui accorderait tous les enseignements qu'il souhaiterait car, lui apprit-il, Naropa venait de disparaître. Mais Marpa déclina l'offre : il DEVAIT retourner auprès de Naropa.
Revenons aux lignées de transmission.
De fait, pourquoi toutes ces allées et venues incessantes entre le Tibet et l'Inde, depuis le VIIème siècle ? Elles étaient indispensables au tout début, mais s'imposaient (apparemment) moins alors que beaucoup de textes avaient déjà été ramenés au Tibet.
La réalité est que les lotsawa n'allaient pas si loin uniquement pour apprendre de nouveaux sujets. Bientôt ils ont franchi les cols les plus élevés du monde non plus pour acquérir un savoir mais pour rechercher les lignées de transmission ininterrompues depuis le Bouddha, ou l'auteur (selon qu'il s'agisse de soutras ou de commentaires), jusqu'au maître direct.
C'était essentiel, parce que, selon le bouddhisme, faute de la transmission, on aurait beau comprendre intellectuellement, on ne pourrait pas "réaliser".
Ici aussi, les Lotsawa ont joué le rôle crucial de charnière : sans eux, pas de transmission des lignées, et alors pas de grands mystiques. D'où la reconnaissance que leur vouent les bouddhistes tibétains.
Ce qui est sûr, c'est que la culture tibétaine est d'une grande richesse et remonte très loin dans le passé. Les Tibétains sont réputés pour avoir privilégié le plan spirituel mais ils ont aussi cultivé l'art, la poésie ou encore la médecine.
Parmi tous ceux qui ont contribué à modeler la civilisation du Pays des neiges, ressortent les Lotsawa – les Traducteurs – dont l'influence n'a plus cessé de se faire ressentir depuis le VIIème siècle.
Influence considérable ! La tradition attribue au premier d'entre eux, Thönmi Sambhota, la paternité de l'écriture tibétaine, et par conséquent la littérature écrite aussi bien que le code, toute la législation. Ce sont les Lotsawa qui ont compilé les premiers dictionnaires, rédigé des grammaires. Intrépides voyageurs, ils ont ramené au pays, et traduit, les textes bouddhistes certes, mais aussi des traités d'astrologie, de médecine et des autres sciences. Bref, ils constituièrent l'élite intellectuelle du haut plateau, dont ils furent les maîtres à penser.
Voilà ce qui explique peut-être leur position au sein de la société tibétaine, et la considération pour ne pas dire la vénération dont ils ont été et dont ils sont encore aujourd'hui.
C'est que dans le Tibet ancien, un "lotsawa" est un "rjig rten gyi mig", un "œil du monde" ! C'est lui qui ouvre l'œil de la sagesse, qui dissipe l'aveuglement de l'ignorance, qui éclaire l'entendement, à la lumière du Dharma - l'Enseignement du Bouddha. Il est le civilisateur par excellence.
Première conclusion, que vous avez devinée : les Lotsawa n'ont pas été de simples traducteurs ordinaires, des machines à traduire d'une parfaite neutralité. Non ! Les Lotsawa étaient bien autre chose.
C'étaient de fortes personnalités, qui alliaient qualités intellectuelles, spirituelles, et physiques. S'ils devenaient des érudits, des maîtres authentiques, ils devaient d'abord être de hardis voyageurs, des hommes courageux et tenaces, d'une résistance à toute épreuve. Il leur fallait, en effet, aller chercher les connaissances là où elles étaient, au Népal, au Cachemire et surtout en Inde.
A quelques exceptions près, appartenant d'ailleurs à des périodes plus tardives, comme Gö Lotsawa Shönnu Päl au XVème siècle, presque tous les lotsawa tibétains ont franchi les frontières une ou plusieurs fois. Or, on peut aisément imaginer les périls de telles équipées, sans oublier les changements climatiques à subir , et les frais à assumer.
Pour atteindre l'Inde, il fallait bien trois ans, car les Tibétains avaient à traverser le Népal,et souvent ils y séjournaient quelques mois, le temps de s'accoutumer progressivement à l'altitude moindre et aux températures plus élevées. Ceux qui n'avaient pu le faire au Tibet profitaient de la halte pour s'initier au sanskrit. Tous étudiaient déjà auprès des grands maîtres qui résidaient au Népal.
"Beaucoup d'appelés, peu d'élus" : le proverbe s'est malheureusement vérifié. Il est impossible d'évaluer avec précision les pertes en vies humaines à l'occasion de ces voyages, mais il est certain qu'elles furent très importantes. Par exemple, sur le groupe de 21 jeunes gens envoyés en Inde par le roi Yéshé Ö , on ne cite que deux rescapés : Rinchen Sangpo et Légpai Shérab. Il fallait donc avoir le caractère aventureux pour éprouver la vocation de lotsawa, et accepter de risquer sa vie.
Une fois les deux premières épreuves surmontées (l'apprentissage de la langue et le voyage), les futurs traducteurs en abordaient une troisième : ils devaient réussir à trouver le maître duquel ils allaient recevoir les explications et les lignées de transmission. Cette quête était tout sauf facile… Il ne suffisait pas de rencontrer un maître de grande valeur. Il fallait trouver (retrouver) celui avec lequel on était en harmonie; celui qui, seul, apporterait ce dont on avait besoin. Rappelez-vous l'épisode significatif survenu lors de la rencontre au Népal entre le grand Pandit indien Atisha et le célèbre Traducteur Marpa Chökyi Lodrö.
Le premier se rendait au Tibet, le second se dirigeait vers l'Inde, vers son maître Naropa. Atisha proposa à Marpa de rebrousser chemin et de lui servir d'interprète – sa "langue venait d'être coupée" du fait de la mort de son traducteur attitré ; lui-même lui accorderait tous les enseignements qu'il souhaiterait car, lui apprit-il, Naropa venait de disparaître. Mais Marpa déclina l'offre : il DEVAIT retourner auprès de Naropa.
Revenons aux lignées de transmission.
De fait, pourquoi toutes ces allées et venues incessantes entre le Tibet et l'Inde, depuis le VIIème siècle ? Elles étaient indispensables au tout début, mais s'imposaient (apparemment) moins alors que beaucoup de textes avaient déjà été ramenés au Tibet.
La réalité est que les lotsawa n'allaient pas si loin uniquement pour apprendre de nouveaux sujets. Bientôt ils ont franchi les cols les plus élevés du monde non plus pour acquérir un savoir mais pour rechercher les lignées de transmission ininterrompues depuis le Bouddha, ou l'auteur (selon qu'il s'agisse de soutras ou de commentaires), jusqu'au maître direct.
C'était essentiel, parce que, selon le bouddhisme, faute de la transmission, on aurait beau comprendre intellectuellement, on ne pourrait pas "réaliser".
Ici aussi, les Lotsawa ont joué le rôle crucial de charnière : sans eux, pas de transmission des lignées, et alors pas de grands mystiques. D'où la reconnaissance que leur vouent les bouddhistes tibétains.
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