lundi 6 octobre 2025

Karma, liberté et responsabilité individuelle

 Le Bouddha faisait montre d'un grand humour - c'est ce qu'affirme le Professeur Richard Gombrich*, professeur émérite à Oxford :

L'étude croisée des textes bouddhiques et de ceux des autres courants religieux, comme le védisme et le jaïnisme, m'a par exemple révélé que non seulement le Bouddha connaissait à fond les textes de ses rivaux, mais qu'il faisait preuve d'un grand humour en les commentant. Cet humour n'a pas été perçu par ses disciples, confits en dévotion, qui ont transcrit trop rigidement ses paroles... La discussion qu'il fait de la conception jaïn du karma est passionnante. Je suis d'accord avec vous, dit-il, sur ce qu'est un bon ou un mauvais karma. Mais le karma n'est pas, comme vous le croyez, une sorte de poussière qui recouvre l'âme. C'est un processus dynamique, ni entièrement déterminé, ni entièrement contingent, qui laisse toute sa place à la liberté et à la responsabilité individuelles. Quelle audace, dans l'lnde antique, que d'affirmer que chacun est maître de son destin !

Cf. "Nouvel Observateur" n° 2228

La notion de karma selon le bouddhisme

 

 

 

À noter

Le terme karma est presque passé dans le langage courant en français, mais avec des connotations hindouistes de destin ou encore fatalité.


Ici, les karmas sont vus comme dynamiques. De nature impermanente, ils sont changeants et donc modifiables (volontairement ou pas).

 

2 acceptions

 

admises par les 4 écoles philosophiques

bouddhistes

Karma en tant que "volition", facteur mental omniprésent (càd présent dans toute activité mentale) qui permet à l’esprit de se tourner vers un objet.

NB Par lui-même, le karma est neutre, mais influençable : il prend la tonalité des facteurs mentaux concomitants, bons, mauvais ou neutres.

Karma en tant qu'empreinte karmique laissée dans l'esprit par chaque volition qui prend fin : potentialité capable de produire de 1 à 3 types de résultats.

+ 3e acception vaibhashika et madhyamika-prasangika

 

Karma physique (ou oral), relevant de la forme et significatif de la pensée concomitante : 2 divisions, selon qu'il soit ou non visible de l'extérieur. Ex. 1. geste amical ; intonation   2. engagement pris.

 

 

 

 

 

4 propriétés des karmas en tant que potentialités

Les karmas sont certains :

- un karma bon donne un résultat bon (bonheur)

- un karma mauvais donne un résultat mauvais (souffrance)

Les karmas déposés dans l'esprit se développent de jour en jour - à moins d'être contrés par des forces opposées - jusqu'à ce qu'ils produisent leurs résultats.

Il est exclu de rencontrer des résultats issus de karma non accomplis.

Une cause qui n'aurait pas été établie ne pouvant pas donner de résultat, il n'est pas possible d'expérimenter le bonheur si on n'en établi pas les causes.

Un karma une fois établi est par lui-même inépuisable :

il prend fin soit quand il a donné son ou ses résultats, soit parce qu'il a été neutralisé par des forces opposées.
Ex. : La colère dévaste les karmas bénéfiques ; la compréhension du non-soi dévaste les karmas négatifs.

 

 

Résultats potentiels

Résultats à maturité : naissances favorables ou non ; sensations agréables, désagréables ou neutres, etc.

Résultats en concordance avec la cause :

1. Tendances (à la bonté ou à la méchanceté, etc.)

2. Expérimentations analogues (vie longue ou courte résultat d'avoir protégé ou écourté la vie d'autrui).

Résultats environnementaux : le cadre de vie.

Notion de "prière" en culture tibétaine

Traduire le sens, et pas seulement le mot... C'est plus facile à dire qu'à faire. :-)
 
Surtout quand il s'agit de termes ... courants : on ne s'en méfie pas alors qu'ils sont par définition fortement imprégnés de la culture locale.

Un cas typique est celui du mot "prière".
 
Pour me simplifier la tâche, je partirai du vocabulaire tibétain.

སྨོན་ལམ་ sMon lam 
Dungkar Rinpoche définit smon lam comme signifiant rang nyid kyi 'dod bya'i don 'grub par smon pa
Traduction approximative : "souhaiter la réalisation de quelque chose que soi-même l'on désire."
Ex. : sMon lam chen po, rendu en général en français par "la Grande Prière" (NB. les premiers traducteurs étaient des missionnaires chrétiens).

གསོལ་འདེབས་ gSol 'debs 
rang nyid kyi re 'dun zhu ba'i tshig brjod pa, "exprimer ses souhaits" ; "formuler ce que l'on souhaite".
Ex. : bLa ma la gsol ba 'debs pa, "invoquer le Maître" après avoir énoncé un souhait (guérir d'une maladie, ou d'un facteur perturbateur ; progresser sur la voie spirituelle ; obtenir une bonne renaissance, etc.). 
Il s'agit ici de demander au Maître son aide et sa bénédiction afin que se réalisent les souhaits formulés.

བསྔོ་བ་ bsNgo ba : "dédier" (des mérites) ; "dédicace" (de mérites)
Par rapport à smon lam 'debs pa, qui couvre un champ sémantique plus vaste, bsngo ba suppose d'avoir accompli quelque chose de bien (de n'importe quel ordre), que l'on "dédie" en vue de l'accomplissement d'un objectif précis, de préférence élevé.
Par ex., après s'être occupé d'un animal, d'un malade, ou d'ailleurs de n'importe qui ayant eu besoin d'une aide, on pourrait dédier les karma positifs ainsi accumulés en vue de devenir Bouddha, ou de réaliser telle ou telle qualité, ou d'atteindre tout but à son gré.

ཁ་དོན་བྱེད་པ་ Kha don byed pa : "faire ses prières", "faire ses pratiques". 
Consiste pour le pratiquant à réciter, ou à relire, régulièrement des formules et des textes censés sous-tendre une réflexion et/ou une méditation de sa part. Par ex; : réciter chaque fois la formule de la prise de refuge en les trois Joyaux, ou répéter des mantra, ou chanter la Louange à Tara, etc.