On entend parfois ce genre d'expression : C'est un grand Lama. Ce qui
laisse à entendre que d'autres lama ne seraient pas si grands... Ce
qui, je dois dire, me gêne un peu. Car sur quels critères se
base-t-on pour de tels jugements ?
Prenons acte que cette expression existe
et essayons de la comprendre.
Un grand Lama,
c'est sans doute d'abord un pratiquant et un maître dont les qualités
sont tellement évidentes qu'elles éblouissent les êtres ordinaires
alentours, pourtant fortement aveuglés par leur ignorance et leurs
voiles karmiques (n'oublions pas que, selon le bouddhisme, la perception
de chaque être dépend somme toute plus de ses karma que des objets "extérieurs", au point que les cittamatrin nient jusqu'à l'existence des objets extérieurs à l'esprit).
Un
grand Lama n'est donc pas obligatoirement un personnage riche ou d'un
haut rang social. Souvent, d'ailleurs, il fuit les hochets de la
notoriété profane. Pour prendre quelques exemples, citons Dromtönpa,
Milarepa ou encore Ensapa.
Un grand Lama est-il toujours un haut
dignitaire religieux, supérieur de moult communautés ?
Cela peut
arriver, quand il le juge nécessaire. Mais c'est loin d'être
systématique.
Bien des grands Lamas sont des anachorètes "asociaux".
Rien de plus normal : ils prennent le contre-pied des conventions de ce
bas-monde (ambitions, compétitions, pouvoir politique, richesses
matérielles et autres vanités fondées sur l'intérêt personnel).
Notons
au passage que tous les grands Lamas ne sont pas des moines - beaucoup
sont laïcs. Et il se trouve même des femmes en leur sein (Cf. Machik
Labdrön, qui n'est pas une exception unique) !
Quand même, ne peut-on concevoir une hiérarchie, avec par exemple en un le Dalaï lama, en deux le Panchen Lama, etc. ?
Ce
genre de hiérarchie existe bien sûr, mais elle n'a de valeur que
politique. Rien ne la justifie sur le plan spirituel : qu'est-ce qui
permettrait d'affirmer qu'un Bouddha l'emporterait sur l'autre ? Idem pour leurs émanations. Car des émanations d'Avalokiteshvara, c'est qu'il y en a beaucoup, outre les Dalaï lama et les Karmapa.
De toute façon, pour le pratiquant, le Lama le plus important est son propre Maître, et personne d'autre.
Toute
société éprouvant le besoin de règles et d'un cadre structuré, il était
cependant inévitable que les Tibétains établissent une hiérarchie parmi
les lama, en mettant au sommet ceux qui sont le plus en vue,
c'est-à-dire ceux qui, au cours de l'histoire, ont eu le plus de
contacts avec les gouvernants chinois ou mongols.
Chacun sait que le
titre "dalaï lama" est d'origine mongole et a été décerné au 3ème du nom
par le grand Khan de l'époque, lequel avec largesse a englobé les deux
prédécesseurs immédiats.
Lors d'une cérémonie dans un temple
tibétain, comment sont placés les lama (sauf quand exceptionnellement un
Maître de caractère du genre de Dagpo Lama Rinpoche ou Tag-ri Rinpoche
imposent l'application scrupuleuse des règles du Vinaya).
Les lama sont classés enfonction de cinq catégories :
1. Les rgyal sprul : incarnations de rois du Tibet.
2. Les ho thog thu : incarnations d'empereurs mandchous, de Dalaï lama et de Panchen Lama.
3. Les tshogs chen sprul sku
(les tulkou de la grande assemblée, c'est-à-dire du monastère entier
tous collèges confondus) : lama réincarnés qui ont obtenu du
gouvernement (contre le versement d'offrandes matérielles aux membres
dudit gouvernement) le privilège d'être intronisés dans le temple
principal du monastère, et non pas dans le temple d'un des collèges
(comme c'est le cas des grva tshang sprul sku). Dans certains collèges comme Drepung Loseling, la hiérarchie interne parmi les tshogs chen sprul sku est basée sur le montant des dons effectués par le lama lors de son intronisation.
4. Les Khri sprul
: incarnations de Ganden Tripa (le rang qui leur est concédé démontre
assez clairement que les critères retenus ne sont guère d'ordre
spirituel).
5. Les mkhan sprul : incarnations d'abbés, notamment d'abbés des trois "piliers" : Sera, Drepung et Ganden (même remarque que ci-dessus).
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