lundi 8 décembre 2008

Geshe Ngawang Khyenrab

Parmi les Maîtres que j'ai eu la joie et l'honneur de rencontrer et d'esssayer de suivre, il y eut Geshe Ngawang Khyenrab, hélas décédé beaucoup trop vite - il n'avait que 62 ans, et semblait en parfaite santé.

Geshelags, qui avait étudié à Loseling, l'un des collèges de Drepoung, après avoir fait le long trajet depuis son premier monastère qitué dans son Khams natal, était étonnamment doux et humble
Aussi, lorsque Rinpoche l'invita pour nous servir de mentor lors de notre première retraite (trois semaines quand même, et en complète réclusion), je fus très inquiète. J'aimais déjà beaucoup Geshelags mais je craignais qu'il ne vînt pas à bout de notre petit groupe : vingt personnes de ... fortes personnalités, dirons-nous.

Las ! Pourtant, depuis le temps, j'aurais dû savoir que les choix de Rinpoche étaient forcément les bons.
Geshelags nous a pris fermement en mains dès le premier matin ! Surtout moi, ai-je eu l'impression (mais il est probable que chacun de nous ait eu le même sentiment).
Il était de ces personnes qui ont de l'autorité quand nécessaire, et se mettent en veilleuse sinon.

Les trois premiers jours, si j'avais pu, je me serais enfuie à toutes jambes. Pas de veine : la retraite ayant lieu chez moi, j'étais coincée.
J'ai cru que j'allais mourir de fatigue, mais comme m'a dit gentiment Geshelags quand il m'a vu faire la grimace à l'annonce que le lendemain je devrais me lever encore plus tôt que les autres jours pour cause de grande fête bouddhiste (commémoration du Premier Enseignement du Bouddha) : "Tu n'en mourras pas ! Et si tu en mourrais, ce serait tant mieux. Tu te rends compte : mourir une si bonne date ! Quelle chance ce serait."
Que voulez-vous répondre à ça ? Rien. Je ne dis donc rien.

Pendant ces trois semaines, à chaque fois qu'un détail clochait un peu, Geshelags me dit sans ambages qu'il m'en tenait pour responsable, ce, quel que fût l'objet du délit : pas de sel sur la table ; la soupe pas chaude ; les offrandes pas trop bien disposées, etc.

C'est cette fois là que j'ai compris tout ce qu'on peut faire en 2 ou 3 minutes : énormément de choses si on s'y prend bien.
C'est aussi là que j'ai apris que, passé un cap, ce qui était épuisant devient dynamisant.

Je suis sortie de cette retraite heureuse comme je ne l'avais jamais été aupavant, et avec un punch du tonnerre.
J'aurais d'ailleurs voulu que cela ne s'arrête jamais. J'ai même joué les prolongations quelques jours, avec Geshelags et Joëlle (qui était dans les mêmes dispositions que moi), après le départ des autres retraitants à l'issue des trois semaines prévues.

Hélas ! Six mois après, Geshelags nous a quitté brutralement : vers la fin du Mönlam, une après-midi, il s'et plaint d'avoir légèrement mal au côté.
Il est allé s'allonger, dans la posture du lion. Et il s'est éteint paisiblement, seul dans sa chambre, sans avoir été malade, un jour considéré comme particulièrement "auspicieux".

Depuis, la remarque que me fit Geshelags parce que je renâclais à la perspective d'avoir à me lever une demi-heure plus tôt, est ancrée dans ma mémoire.
Lui l'a fait. Délibérément, j'en suis convaincue.

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