lundi 2 août 2010

Dénominations

"Quelle incidence pourrait bien avoir la dénomination d'un existant permanent ? " demandez-vous, Cher Patrick.

A question, question(s) et demie.
Mais pour ne pas partir dans tous les sens*, je propose que nous nous cantonnions ici au système madhyamika prasangika. Vous savez, celui qui pose que "les existants ne sont que de simples dénominations" (ming gis btags pa tsam).
Dans une telle perspective, existerait-il des existants qui ne soient point dénommés**?
Ou encore, un objet non dénommé serait-il existant ou inexistant ?
Quelque chose d'inexistant, comme par ex un "je indépendant", est-ce dénommé ou pas ?
Ce qui n'est pas dénommé peut-il être objet d'une quelconque perception ?

* Selon la tradition de la logique bouddhiste, il faut tout d'abord préciser dans quel système de pensée on s'inscrit, ou encore sur quel système on fonde son argumentation. Car quand on s'amuse à mélanger toutes les traditions sans prévenir, on peut sans aucun doute prouver tout et son contraire, mais ce n'est satisfaisant que sur le plan strictement intellectuel.

Exemple tiré du bouddhisme : "exister ou pas de son côté".
Sans entrer dans les détails, selon les Vaibhashika, tous les existants existent de leur propre côté. Selon les Cittamatrin, certains existants oui, d'autres non. Selon les Prasangika, aucun existant n'existe de son propre côté, par définition.
Si on omet de stipuler que les arguments que l'on avance relève de tel ou tel système, on risque de
sombrer dans l'absurde.
En revanche, du moment que l'on soit clair et précis, l'on peut jongler tant que l'on veut avec des opinions
multiples et variées. Un intérêt est de découvrir de nouvelles facettes à ce qui pouvait sembler simpliste au départ, et donc - qui sait - de se remettre en question, soi et ses certitudes.


** Dans les raisonnements de ce genre, il est sous-entendu : ... pas dénommés par personne - y compris les Bouddhas. Sinon, il est évident que certains objets ne sont pas dénommés pour/par tout le monde (animaux, nouveaux nés, etc.), mais ça ne prouve rien, ou pas grand chose.

4 commentaires:

  1. Et si on parlait des "systèmes de pensée" eux mêmes ?

    Gödel a logiquement démontré que tout système logique cohérent est incomplet, ceci est connu comme le "théorème d'incomplétude de Gödel"

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9or%C3%A8me_d%27incompl%C3%A9tude_de_G%C3%B6del#.C3.89nonc.C3.A9s_des_deux_th.C3.A9or.C3.A8mes

    De sorte qu'il existe toujours des vérités qui ne sont pas démontrables au sein du système...

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  2. Sans doute, sans doute.

    Comme vous le savez, les philosophes bouddhistes n'ont guère hésité à confronter leurs idées avec leurs confrères affiliés à d'autres traditions.

    Les débats étaient une coutume bien établie en Inde ancienne, chacun acceptant de (re)mettre en jeu ses convictions (et/ou peut-être croyances, dans certains cas ?).

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  3. C'est bien ce qui en fait une construction logique extraordinaire, digne du plus haut intérêt, puisqu'elle comprend en son sein le respect de systèmes subtilement contradictoires, dans une démarche totalement compatible avec le théorème de Gödel.

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  4. Chère Marie bonjour,

    Malgré quelques essais de remise en cause des certitudes d’un soi préoccupent…mes faibles mérites ne me permettent pas d’inscrire mon propos parmi les différentes vues philosophiques des écoles bouddhistes…
    Et à l’heure ou certaines sont soucieuses de traduire consciencieusement, certains ont bien du mal à s’exprimer dans leur propre langue maternelle !

    L’interrogation porte sur le fait qu’un existant permanent puisse être tributaire de la dénomination qui lui serait décernée par une perception!

    un exemple …le temps (passé et futur serait un existant permanent )
    En quoi le temps serait-il dépendant de la dénomination par une perception, sauf à considérer le temps du sujet percevant auquel cas la dénomination porterait sur le temps du sujet percevant !
    Pour autant, la fin de la perception en question, n’interrompt pas l’existence d’un temps permanent, me semble t-il !

    « …Mais pour ne pas partir dans tous les sens*, je propose que nous nous cantonnions ici au système madhyamika prasangika. Vous savez, celui qui pose que "les existants ne sont que de simples dénominations" (ming gis btags pa tsam).
    Dans une telle perspective, existerait-il des existants qui ne soient point dénommés**?
    - L’existence des phénomènes ne serait pas relatif à leur dénomination ou encore …Le fait qu’une perception n’aurait pas d’existence propre ne serait pas incompatible avec les limitations de cette perception , ma réponse serait donc…oui !
    Ou encore, un objet non dénommé serait-il existant ou inexistant ?
    - L’existence ou non d’un objet ne serait pas dépendant de sa dénomination
    Quelque chose d'inexistant, comme par ex un "je indépendant", est-ce dénommé ou pas ?
    - Même réponse
    Ce qui n'est pas dénommé peut-il être objet d'une quelconque perception ?
    - Que je sache, oui ! c’est le cas des découvertes nouvelles par exemple !

    bonne journée Marie Stella

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