lundi 18 février 2008

Malentendus

Entre nos rêves et la (dure) réalité, il y a souvent une marge, un gouffre même.

A l'échelle historique, le bouddhisme vient à peine de mettre un pied (si j'ose dire) dans les pays non asiatiques, tous dotés de cultures millénaires et d'une grande richesse - comme d'ailleurs tous les pays, par définition.

J'entends dire, y compris par des amis proches, ou je lis ici et là que, maintenant, le bouddhisme est bien implanté disons en France et qu'il faut accélérer le processus d'acculturation.

J'avoue que ... je vois les choses un peu différemment.

Mon point de vue - subjectif et faillible ô combien - est des plus simples.
En admettant que le relatif succès actuel du message bouddhiste en nos terres ne soit point un phénomène éphémère mais débouche sur une implantation d'une certaine stabilité, l'acculturation se produira naturellement.

Pourquoi toujours vouloir forcer le cours des choses ?
"Patience et prudence sont les mamelles de la réussite", ai-je envie de de dire.

Donnons-nous le temps d'étudier, de réfléchir et de méditer les précieux enseignements délivrés par nos maîtres asiatiques qui bénéficient d'un héritage séculaire. Ils jouissent d'un socle bouddhique solide : culture + éducation + langue imprégnées des notions et valeurs du Dharma.
Nous aussi nous fondons sur un socle solide. Le nôtre est imprégné des valeurs judéo-chrétiennes. Elles sont excellentes, certes, mais présentent quand même des nuances de taille par rapport à leurs consoeurs bouddhistes. C'est d'ailleurs là tout l'intérêt de la diversité et de la complémentarité de traditions plurielles.

MAIS il s'ensuit que nos instruments de compréhension ne sont pas adaptés à ce nouveau domaine d'exploration qui vient de nous arriver ces dernières décennies au travers notamment de milliers et de milliers de réfugiés asiatiques.

Abusés par les mots de traduction, nous croyons souvent que nous parlons de la même chose. Or, pas du tout.

La compassion bouddhiste est assez éloignée de la charité chrétiennne. Les deux sont des qualités plus que respectables, souhaitables, mais diverses...
Le Bouddha n'est pas Dieu !
Certains aspects de la foi développée (en principe) par un bouddhiste ferait crier au sacrilège les théistes fervents.
Les "enfers" conçus par les bouddhistes n'ont pas grand chose en commun avec la géhenne qui accueille pour l'éternité les réprouvés.
La confession des uns n'est pas non plus la confession des autres, en dépit de la base commune d'un repentir sincère.
Etc., etc.

Mon voeu ?
Que les Occidentaux que, comme moi, se sentent attirés par la voie tracée par le Bouddha, prennent sur eux et ne sautent pas à des jugements hâtifs inspirés par des termes apparemment similaires - forcément, on est obligé de traduire, et on ne peut pas réinventer tout un vocabulaire. La seule possibilité est d'utiliser les mots existants, en leur donnant un nouveau contenu. Plus tard, ça fera quelques lignes à ajouter dans les dictionnaires, mais on n'en est pas là. Pour l'heure, il s'agirait d'être circonspect. Se méfiant des faux amis, il conviendrait d'être précis, de dépasser la lettre pour approfondir le fond.

Pour cela, nous avons besoin, un grand besoin des spécialistes - pratiquants de longue date sincères et lettrés. Ce que nous ne sommes pas. Pas encore. Même après une retraite de trois ou six an. Sauf bien sûr si, portés par nos acquis des vies antérieures, nous pouvons d'ores et déjà nous prévaloir de réalisations véritables (sagesse, amour, compassion entre autres).
Ce n'est en tout pas mon cas...

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