Je le craignais depuis que je savais que le cancer avait récidivé.
Hier soir, j'ai reçu un mail m'annonçant la mort de Mademoiselle Jacqueline Moularde, survenue le dimanche de Pâques, le 12 avril 2009. Elle était dans sa 78ème année.
Mademoiselle Moularde !
Elle était professeur de français-latin-grec au lycée de Maubeuge, où j'ai étudié de la 6ème à la Terminale. J'ai eu le plaisir de suivre ses cours en 3ème, 2ème et Terminale.
J'ai toujours aimé la littérature, et sous sa férule (gentille mais ferme), eh bien, ça s'est aggravé.
La photo ci-contre est tirée d'une photo de classe de 1972, juste avant le Bac. Quand j'étais une des rares à aller en cours de français, obligatoire pour ceux qui devaient repasser l'épreuve de français (les redoublants) mais désormais facultatifs pour les autres. J'ai toujours eu un faible pour les cours facultatifs, même de maths. Alors, de français, vous imaginez ! Je n'allais pas rater ça, surtout que le contexte permettait beaucoup plus de liberté. Un vrai régal chaque samedi matin.
Vous ne me croirez sans doute pas mais un de mes meilleurs souvenirs de lycée, ce sont les compositions de dissertation : quatre heures à plancher sur un des trois sujets proposés - quatre heures de béatitude qui me semblaient durer à peine quelques minutes.
Nous sommes toujours restées en correspondance, pas très souvent certes, mais très régulièrement. La dernière lettre que j'ai reçue d'elle date de février, ce me semble. Ce fut un mail car elle me dit ne plus guère pouvoir tenir un stylo.
De notre temps, les professeurs ne racontaient pas leur vie en classe (je ne sais pas ce qui se pratique aujourd'hui) et c'est donc relativement récemment que j'ai appris que Mademoiselle Moularde lisait dans le texte non seulement les oeuvres antiques mais aussi des traités résolument modernes, en allemand, en danois et dans quelques autres langues du vieux continent. Elle appréciait les romans policiers de nos voisins nordiques, m'a-t-elle un jour raconté, en version originale, bien sûr.
Mais c'est par Google que j'ai découvert ses traductions de l'allemand :
Les Plantes de la Bible, Wolfgang Kawollek, Henning Falk, Paris : UlmerArbres de A à Z : les reconnaître, les utiliser au jardin; Helmut Pirc
Ses lettres m'avaient effectivement fait comprendre qu'elle passait énormément de temps dans son joli jardin, non loin de Bavay.Les plus belles piscines écologiques : exemples de réalisation, technique, entretien, Frank von Berger ; Ulmer, Paris. Paru le 22 Mars 2007 : en clair, la maladie ne l'a pas empêché de continuer à travailler.
Mademoiselle Moularde était une femme bien de son temps, ou plutôt en avance sur son temps. Je pense que ça n'a pas dû être facile pour elle tous les jours.
Je lui dois beaucoup. Je l'aime beaucoup - je ne vois pas pourquoi je devrais mettre ce verbe à l'imparfait : l'état décrit ne relève pas d'un passé révolu mais de mon présent, jusqu'à ma mort dans cette vie.
Merci de joindre vos prières aux miennes.
Photo de la classe de 6eA2 en 1958-59
Lycéens de 16 ans à l’époque, fin des années 60 mais comme si c’était ce matin.
RépondreSupprimerJacqueline Moularde nous a sidérés, au sens propre ; les astres ne s’accommodent rien mieux que d’obscurité. S'amusait-elle donc d’un paradoxe, être la personnalité la plus secrète et une pédagogue éblouissante ?
Robert Rapilly_
Merci pour la visite, Robert.
RépondreSupprimerJe tape « Jacqueline Moularde » sur Google et j’arrive presque directement ici.
RépondreSupprimerQuelle émotion…
Je n’ai été son élève que pendant un an, en 6°, en 1958-59, il y a 60 ans ! Mais je ne l’ai jamais oubliée.
Je revois encore parfaitement le cahier de mes débuts en latin. Elle nous faisait écrire tout en travers sur deux pages et trois lignes : l’une pour le texte, la deuxième pour l’analyse et la troisième pour la traduction. D’emblée, j’ai adhéré et adoré. Mon avenir professionnel s’écrivait déjà, puisque je suis devenue professeur de Lettres classiques. Vous voyez à quel point je lui suis redevable, moi aussi.
Mes meilleurs souvenirs du lycée ? Le mardi après-midi quand j’étais en 1°A : je le consacrais à notre version latine hebdomadaire à laquelle je m’attaquais avec gourmandise et que je ne lâchais pas avant de l’avoir décortiquée d’aussi près que je le pouvais…
Je n’ai pas eu, comme vous, la chance de correspondre avec Melle Moularde ; j’étais trop jeune quand je l’ai connue et je n’aurais jamais osé l’aborder en dehors des cours. Mais je suis heureuse d’apprendre qu’elle aimait le jardin : encore un domaine où je l’ai rejointe.
Et aussi — surtout — merci pour la photo. Elle y est aussi belle et aussi digne que dans mon souvenir.
Jacqueline Leducq
Merci pour votre témoignage.
RépondreSupprimerJ'ai trouvé une photo d'une classe de 6e avec Melle Moularde, en 1958-59. Ne pouvant pas la mettre dans un message, je l'ai ajoutée à la fin de l'article.
RépondreSupprimerC'est ma classe !
SupprimerMerci.