En réponse à Irène :
Selon mon dictionnaire, apramâda se dit en tibétain bag yod, que nous traduisons pour le moment par "autodiscipline".
Dans l'Abhisamayalakara, Asanga explique ainsi ce facteur mental vertueux :
"Qu’entend-on par autodiscipline ?
Reposant sur le non-attachement, la non-aversion, la non-ignorance ainsi que l’enthousiasme, elle suscite les phénomènes vertueux et garde le mental des phénomènes souillés. Sa fonction est de faire pleinement accomplir et réaliser tout ce qui est excellent dans le monde et au-delà du monde."
En clair, il s'agit d'un facteur mental qui est vertueux par nature.
Apramâda est toujours fondé sur les "trois racines vertueuses" :
le non-attachement (dont un aspect marquant est le renoncement), la non-aversion (dont l'amour - maitri) et la non-ignorance,
ainsi que sur l'enthousiasme, qui consiste à" aimer ce qui est vertueux", et donc à se comporter bien avec joie.
Maitri est donc également un facteur mental vertueux ; c'est un aspect revêtu par la non-aversion.
Asanga définit celle-ci comme consistant en une absence d'agressivité à l'égard des êtres imparfaits, des souffrances et des existants liés à la souffrance.
Rappelons-nous ce vers de Corneille"Va , je ne te hais point.", qui est une parfaite illustration de cette façon de voir les choses.
Il est à noter qu'Asanga précise que les objets pris en compte par ce facteur mental relève du samsara.
Effectivement, l'amour consiste à souhaiter à ce que des êtres actuellement privés de bonheur puissent au plus vite accéder au bonheur, et donc aux causes du bonheur.
D'où la question du jour :
Dans le Mahayana, peut-on dire qu'on a de "l'amour" pour le Bouddha, ou encore pour nos Maîtres ?
C'est une belle définition de l'amour -maitri que vous proposez, peut-être le seul amour qui vaille...
RépondreSupprimerDans ce cas le Bouddha n'en a nul besoin, mais pour recevoir, rencontrer sa maitri et celle des bodhisattvas , l'élan du coeur est nécessaire....Facteur mental ?=
facteur mental vertueux: confiance,foi,(sraddha) ?
"Va, je ne te hais pas"- Chimène dans Le Cid...c'est audacieux !
Je pense comme Elise.
RépondreSupprimerEnvers le Maître-Bouddha, il ne s'agit pas d'amour mais plutôt de dévotion.
Pour être plus précis de foi et de vénération.
Dans cette vénération
(sgupa), il y a une grande affection pour le Maître, mais qui n'est pas l'amour dans sa définition courante.
Mais c'est vrai qu'extérieurement, cette affection-vénération peut faire penser à de l'amour : "J'aime tellement mon Maître", pouvons nous nous dire ! Peut-être s'agit-il de cet "élan du coeur" dont parle Elise.
Je suis assez d'accord avec vous deux :
RépondreSupprimerdans le Lamrim il et dit que, vis à vis du Bouddha, on a de la foi (dad pa) et vis à vis du Maître on a de la foi et de la "vénération" - gus pa : ce terme est vraiment difficile à rendre en français!
En deux mots, gus pa consiste à se rendre compte de tout ce qu'on doit au Maître, d'où une vive gratitude, empreinte effectivement d'affection.
Autrement dit, ça dépend de la définition accordée au mot "amour".
Mais l'amour tel que décrit dans les Abhidharma (Asanga et Vasubandhu) ne s'applique ni aux Bouddhas ni aux Maîtres.
En fait en évoquant l'élan du coeur je pensais précisément à un passage écrit de Neldjorma Seunam Ouangmo dans l'introduction de sa traduction du Testament spirituel de Pa Dampa Sangyé ed Yogi Ling. Elle y parle de la dévotion, de ce quelle est et de ce quelle n'est pas, d'une façon si intéressante ( qui ne cesse de m'interroger ) que je me permet d'en cité un passage :
RépondreSupprimer"Il est difficile d'expliquer la dévotion, puisque c'est un élan du coeur qui échappe aux rouages mentaux. Les maîtres qui nous enseignent ont, de part leur compassion et leur influence spirituelle, le rôle d'amener des circonstances qui font jaillir en nous la dévotion. En méconnaissant ces circonstances, le disciple ingrat ne peut expérimenter le recueillement de toutes ses forces subconscientes en une seule et puissante dévotion, moteur de l'élévation spirituelle. Pour lui la voie de la dévotion est problématique. Il a besoin de trouver "son" maître et de le voir souvent pour raviver sa foi. Par contre, celui chez qui la dévotion est allée une seule fois jusqu'à son terme définitif a la capacité de rencontrer de nombreux maîtres par le fait d'en avoir rencontré un seul. Etre loin ou près de lui n'est jamais ressenti comme un éloignement ou un rapprochement. Le rencontrer souvent ou rarement n'entrave pas les multiples occasions de le voir. Que le maître soit dans ce monde ou dans l'au-delà ne fait pas de différence."
P33
Merci, Chère Elise, pour cette magnifique citation.
RépondreSupprimerMerci à vous Marie Stella pour votre belle réponse si éclairante et à vous Elise, Yvan et Fred.
RépondreSupprimer(Réactivité oblige, je suis retournée chez certains historiens des études bouddiques afin de me remémorer le contenu du concile qui a suivi la Grande Totale Extinction du Maître. Lecture utile.)
Bonjour,
RépondreSupprimermerci aussi à vous tous de vos éclairages et pour cette la citation sur la dévotion qui m'apporte énormément.
Personnellement , la citation d'Elise sur a dévotion me pose problème !
RépondreSupprimerSi je regarde un peu ou j'en suis, suivant ce qui est expliqué dans ce court texte : pour moi cela n'est pas trop joyeux, en fait !
Et pour vous, côté dévotion, tout va bien ???
La citation suggère ce que ne serait pas la dévotion tout en donnant une idée de son étendue, de son ouverture...
RépondreSupprimerA mon avis le problème c'est quand on pense qu'on devrait ressentir ceci ou cela. On ressent ce qu'on ressent, selon les causes et conditions. En ce sens l'expression "disciple ingrat" peut être problématique...
Je trouve un peu tranchée la citation proposée par Elise, de parler de disciple ingrat ou de dévotion. La foi est une chose qui évolue et s'amplifie avec le temps, meme de très grands pratiquants bouddhistes ou non ont éprouvé au cours de leur cheminement des doutes et des périodes de découragement. Par exemple Milarépa lors de ses longues périodes de méditation...et c'est lors d'une de ces périodes de découragement que Marpa lui est apparu ...
RépondreSupprimerAu sujet de la proximité "physique" du maitre et de sa disparition, le Dalaï Lama donnait une remarque intéressante concernant Dilgo Kyensé Rimpoché, je ne saurais pas redire les mots exacts, mais il exprimait le fait que ça n'était pas tout à fait la meme chose de se trouver avec la réincarnation de ce maitre et le maitre tel que le Dalaï Lama l'avait connu.
Quand à l'amour vis à vis du maitre, je pense qu'il existe bien, il n'a pas l'apparence de Maitri, mais plutôt celui de l'amour "sympathie" lorsque l'on voit l'être comme quelqu'un de très proche et envers qui on éprouve de la reconnaissance en pensant à la bonté qu'elle ou il a eu envers nous. et il y a encore la joie de penser à lui ou elle, (le maitre) ou de se trouver en sa proximité.
Oui, je suis bien d'accord avec Sylvie, à propos de la citation d'Elise.
RépondreSupprimerMes Maîtres ne m'ont pas vraiment appris les choses de cette façon.
De plus, selon ma propre petite expérience, je ne me retrouve pas dans cette description de la dévotion, que cela soit dans le "bon disciple", que dans le "disciple ingrat".
Comme Sylvie, je trouve que cela ne colle pas avec ce qui semble vraiment se passer dans la relation maître-disciple. Probable que ce genre de citation demande un commentaire supplémentaire.
Concernant l'amour en tant que sympathie, envers le maître, cela pourrai convenir. Mais j'avoue avoir un doute provenant du fait que j'ai quelques petits voiles concernant les aspects de cette forme d'amour !
Qui peut m'éclairer (attention j'ai plein de question !) ?
En tout cas, Elise (et Marie-Stella) a le mérite de nous avoir fait gamberger sur un sujet plus qu'excellent !
Merci à toutes !
l'amour "sympathie" peut etre un peu comme quand on pense à sa mère de la vie actuelle et à son amour, sa patience, sa préoccupation pour nous, le fait qu'elle nous étions plus importants que sa santé ou son confort... et à tout ce qu'elle a pu faire pour nous, sauf que pour un maitre, on peut rajouter la confiance en ce sens qu'il est certain qu'il ne se trompe pas.
RépondreSupprimerAvec l'amour en tant que sympathie, ce n'est pas plutôt l'amour de la mère pour son enfant qui est donné comme exemple (plutôt que le contraire , ce que tu semble dire Sylvie...).
RépondreSupprimerL'amour en tant que sympathie inclut le fait de vouloir que l'autre soit heureux (un peu comme l'autre amour, même si il n'est pas "grand") ?
L'amour sympathie, c'est ce que l'on doit arriver à faire apparaitre envers tous les etres de manière égale, en nous rappelant que tous ont été nos mères et donc en repensant à leur bonté vis à vis de nous, en commencant par notre mère actuelle. En repensant à tout ce qu'elle a fait...., on la voit comme quelqu'un de proche, de précieux, on éprouve de l'amour en tant que "sympathie" pour elle. On peut aussi avoir ce genre d'amour pour le maitre.
RépondreSupprimerLes attentions et l'amour de notre mère pour nous... sont également des exemples pour nous représenter le regard que les bouddhas pose sur chaque etre, donc sur nous, comme celui de l'amour d'une mère pour son enfant unique.
Merci Sylvie, belle description de l'amour en tant que sympathie.
RépondreSupprimerJ'ajouterai aussi qu'à la place du désir que l'autre soi heureux, (qui sûrement doit être présent en même temps que cet amour en tant que sympathie), vis-à-vis du maître, ce désir (ou souhait) devient celui de le réjouir par notre bonne conduite.
Cela revient à dire, que lors de cette étape de l'amour en tant que sympathie (dans le cadre des 7 instructions causes et fruit), se trouve également présent l'autre amour, l'amour qui souhaite que l'autre soit heureux et possède les causes du bonheur. Bien sûr cet amour n'est pas encore le grand amour, qui n'est pas loin, qui arrive après...qu'en pensez -vous ?
J'aime bien ce que tu dis Ivan," à la place du désir que l'autre soi heureux, vis-à-vis du maître, ce désir (ou souhait) devient celui de le réjouir par notre bonne conduite".
RépondreSupprimerSinon, je crois en effet qu'après l'amour "sympathie", quand on arrive à l'avoir pour tous les etres, (ce qui est plus facile si on a réalisé l'équanimité qui est la base des 7 instructions), donc quand on arrive à voir tous les etres comme nos mères, alors suit ce désir qu'ils soient tous heureux, et de vouloir nous memes les rendre heureux, tous, il me semble que c'est cela l'amour infini, parce que nous voulons tout faire pour que tous les etres soient heureux constamment.
Des fois on est de bonne humeur et des fois on l'est moins. Qu' ' en ̀dites vous?
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