Vos réponses (dont je vous remercie infiment) à ma petite devinette de l'autre jour semblent confirmer que le terme de "renoncement" n'est vraiment pas des plus limpides.
Alors qu'on l'utilise si souvent dans les Enseignements. Alors surtout que la pratique du Dharma requiert comme base le renoncement aux attraits de cette vie !
Rassurons-nous : ce n'est parce que nous cultiverions le non attachement envers tous les êtres, ou plus simplement envers Pierre ou Paul, que pour autant nous ne pourrions pas avoir d'amour pour les uns et les autre. Au contraire !
Il est en effet impossible que deux facteurs divergents se manifestent simultanément en nous, ce qui signifie que lorsque nous éprouvons de l'attachement (facteur perturbateur non vertueux) pour quelqu'un, nous ne pouvons pas en même temps avoir pour lui de l'amour (facteur vertueux, affilié auquel des 11, au fait ?). Sachant que tout état d'esprit vertueux suppose la présence des 3 racines vertueuses, dont ... le non attachement/renoncement.
Ne nous laissons pas abuser par ce mot : le renoncement porte sur l'attachement à l'objet, et non sur l'objet lui-même. Cultiver le non-attachement envers les biens de ce monde n'entraîne pas de tous les balancer par la fenêtres, ou d'enflammer en public un billet de 500FF. Il exige "simplement" de ne pas avoir d'attachement à leur égard.
Le fait d'être aisé, voire riche, n'est en rien condamnable : c'est le fruit d'un exercice antérieur de la générosité. C'est un bon fruit, néanmoins quelque peu dangereux, comme tout ce qui relève du samsara. A nous d'être vigilants (plus facile à dire qu'à faire, on est d'accord) et de ne pas céder à la tentation de l'avarice et autres tendances néfastes.
Vous souvenez-vous des deux qualités nécessaires pour entrer sur la voie des shravaka, qui mène à la libération ?
Je ne vais pas vous faire languir : ce sont 1. le renoncement au samsara ; 2. l'aspiration à l'Eveil du petit véhicule.
Ce sont des qualités distinctes, dont la première joue le rôle de cause (complétive) pour la seconde. Le renoncement est de fait un facteur mental vertueux, pas l'aspiration, qui est l'un des cinq facteurs déterminants, ou disons plus littéralement "à objets déterminés".
A propos, tous vos exemples de non-attachements qui ne seraient pourtant pas des renoncements m'ont parus tout à fait pertinents (à condition qu'il s'agisse vraiment de non-attachements, et non pas d'aversion, d'irritation ou autres).
Selon moi, un non-attachement qui participe (par définition) à une pensée vertueuse en l'esprit d'un être n'ayant encore réalisé aucun type de renoncement rentre, ou disons peut rentrer, dans le cadre indiqué.
Ainsi, pour quelqu'un comme moi, qui est loin d'avoir développé la moindre forme de renoncement, même vis-à-vis des plaisirs de cette vie (ah ! les glaces au café !), à chaque tentative de ma part d'observer un tant soit peu l'éthique, de faire preuve de générosité, ou de patience, etc., de tels états d'esprit comportent obligatoirement du non-attachement. Celui-ci peut-il ou non déjà prendre un aspect de renoncement ? Ceci est la question du jour (si j'ose dire à cette heure...).
(Cf. Site Kuhn : En 1964 lorsque la Croix Rouge suisse et d’autres organisations d’aide humanitaire ont recueilli en Suisse des familles tibétaines durement touchées, Henri et Jacques Kuhn n’ont pas hésité longtemps. Spontanément ils ont mis des emplois et des logements d’entreprise à leur disposition.