Cet après-midi, installée "au soleil" (enfin, là où il aurait dû y en avoir si les nuages avaient condescendu à s'écarter), et contrainte à l'immobilité par les ronflements paisibles de ma chatte blottie au chaud sur mes genoux, je me suis prise à avoir des idées presque aussi noires que son pelage soyeux :
Pour être honnête, me disais-je, il faut bien avouer qu'on se croit le centre du monde.
Ignorance et autochérissement cumulés font qu'on se croit important ; sans parler de l'intime conviction qu'on détient la vérité.
Et pourtant ! Comme me le répétait ma chère et regrettée amie Yolande quelques heures avant de mourir, les cimetières sont pleins de gens indispensables...
Combien de temps un cher disparu reste-t-il dans les mémoires de ses proches soit-disant inconsolables ?
C'est très variable, bien sûr.
Une mère qui a perdu son enfant demeure effectivement inconsolable. De nos jours, à son légitime chagrin, vient s'ajouter la désapprobation sociale, qui exige qu'on "tourne - et rapidement, SVP - la page".
(Un sentencieux "C'est la vie", énoncé pour occulter la souffrance suscitée par la mort d'un ête aimé, est l'une des expressions qui m'indisposent le plus, aux côtés de "C'est son karma".)
Sinon, "la nature faisant bien les choses", l'oubli vient assez vite. Effroyablement vite, si on le rapporte à soi !
Car même dans le meilleur des cas (famille unie, cercle d'amis fidèles), qui va se souvenir de nous après notre départ ? Quelques-uns de nos contemporains. Eventuellement quelques personnes de la génération d'après ; exceptionnellement de la suivante. Après, c'est terminé à coup sûr.
Sauf, bien sûr, si pour une quelconque raison, "nous sommes passés à la postérité". Mais qu'un nom apparaisse dans les manuels d'histoire n'implique pas qu'on pense vraiement à la personne qui portait ce nom.
Bref, mes calculs ne me donnent pas très longtemps à survivre dans des mémoires (pas bien nombreuses) après ma mort.
Et même avant si je vis longtemps - songeons à toutes les personnes âgées, désormais encombrantes et délaissées de tous. Or, ça n'arrive pas qu'aux autres...
C'est cette prise de conscience qui m'a fait songer, l'espace d'un instant, que mes prétentions à être "importante" étaient vaines, et dérisoires.
Oh ! Juste le temps d'une pensée, car les illusions reprennent vite le dessus.
merci beaucoup pour ce que tu nous donne à travers ce court instant
RépondreSupprimerBonjour
RépondreSupprimerSi vous étiez un tantinet « cabot », je vous taquinerais volontiers en disant que lorsqu’on a commis des ouvrages (qui ne sont pas vraiment de la « presse pipole » LOL), on passe à la postérité …
Mais comme apparemment, vous êtes plutôt « chat », et qui plus est « chat » avec, en ce moment, un peu de tristesse intérieure – en tout cas, c’est ce qu’il me semble à la lecture de certaines de vos dernières chroniques – , je me contenterai d’écrire que si pratiquement tout est dérisoire (et très court) , ce qui ne le sera jamais, c’est cette bénédiction – parfois inconsciente, parfois même totalement différente de son état d’âme intérieur ponctuel – qui fait que l’on peut nourrir les contemporains de son environnement (pour commencer :-) ) d’éléments leur permettant d’avancer dans leurs réflexions et dans leurs connaissances et de leur transmettre espoir et énergie et sagesse pour mieux vivre leur propre dérisoire.
Merci donc pour tout cela.
Très cordialement.