Ce jour-là, Jé Rinpoché (comme les gélugpa ont coutume de nommer, avec respect, ce Maître insigne que fut Jé Tsongkhapa Losang Dakpa – 1357-1419) dispense avec sa clarté et sa précision habituelles un Enseignement portant sur des points de philosophie assez délicats. Il sait qu'il peut à loisir approfondir tout sujet abordé car ses deux auditeurs sont particulièrement brillants. De grands érudits, sans conteste. L'un est Khèdrup Jé, futur Ganden Tripa, le "fils de cœur", le premier des disciples, qui est un redoutable dialecticien depuis son plus jeune âge. L'autre s'appelle Gung.ru Gyältsèn Sangpo et sera plus tard considéré comme le principal fondateur du collège de Séra Med.
Pourtant, à la sortie du cours, ils réagissent comme la plupart des élèves ordinaires, enfin ceux qui sont sérieux et assidus : ils se mettent à discuter de ce qu'ils viennent d'entendre de la bouche de leur Maître révéré. L'ennui, c'est qu'ils n'ont pas du tout retenu la même chose !
Sûr de soi, chacun s'accroche à ses convictions, et le ton monte comme ce peut arriver entre experts en débat. Au bout d'un moment, ils décident de s'en retourner d'où ils viennent, afin de prier Jé Rinpoché lui-même de les départager.
Les voilà revenus devant leur professeur, qui les écoute l'un après l'autre exposer leur compréhension. Et la question fuse : Qui a raison ? Qui a tort ? Ils attendent le verdict avec une certaine fébrilité… Un petit sourire en coin, Jé Rinpoché reprend la parole : "C'est tout simple, voyons ! En fait, vous avez tous les deux compris, mais selon le système philosophique qui vous correspond…"
Les vues développées par Khèdrup Jé étaient typiques d'un philosophe de l'école madhyamika prasangika, pour laquelle les phénomènes présentent certes une existence conventionnelle, toute relative, mais sont dénués de la moindre réalité absolue, ou encore autogène. En revanche, celles de Gung.ru Gyältsen Sangpo signaient un cittamatra, un tenant du courant idéaliste qui professe que ce qui existe n'est jamais que de la nature de l'esprit – il n'est donc pas de phénomène extérieur, rien qui existe en dehors de la perception d'un sujet.
Cette anecdote illustre bien l'une des particularités du bouddhisme, qui constate la diversité des modes de perception et de pensée et l'admet comme naturelle et normale. Elle évoque aussi cette qualité de la Parole des Bouddhas qui leur permet, au travers d'une seule et même émission de voix, de fournir les multiples réponses attendues à de multiples questions posées simultanément
Merci Marie-Stella de nous livrer ici vos propres compréhensions et sentiments profonds.
RépondreSupprimerPuissent ces clés que vous nous offrez ouvrir les portes de la sagesse comme elles l'ont si bien fait pour vous.
...et puissent les nouvelles techniques de communication servir à répandre le bien ! Ne vous arrêtez pas, S.V.P...
Cher Yves,
RépondreSupprimerMerci à vous pour votre si genti message.
Question de la néophyte au spécialiste : comment arrivez-vous à obtenir des italiques dans le blog ? J'en rêve...
Merci d'avance pour l'intruction .
Amitiés, Marie-Stella
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RépondreSupprimerMarie-Stella,
RépondreSupprimerJe vous envoie une réponse par email, ce sera plus simple...
Amitiés,
Yves
PS: vous avez attrapé la Bloggomanie ! C'est inespéré pour nous tous... Merci.