vendredi 27 juillet 2007

Une grande Lama

Non, Mesdames, ne désespérez pas ! Il n'est pas lieu de baisser les bras et de vous morfondre, sous le prétexte fallacieux d'une soi-disant "naissance inférieure".

Que, dans ce bas monde, le statut féminin ne soit pas le plus favorable, c'est un fait - regrettable, mais historiquement et géographiquement vérifié. Ce qui n'implique en rien qu'il faille se résigner.Comme on dit, " mieux vaut être jeune, beau, riche et en bonne santé que vieux, pauvre et malade". Mais celui qui est vieux, pauvre et malade peut avoir moult qualités dans sa besace. Et le Dharma nous enseigne que les apparents obstacles peuvent constituer de précieux atouts pour qui sait en faire un bon usage, tandis que les prétendus privilèges se révèlent souvent pernicieux. Ce sont rarement les plus riches qui se montrent les plus généreux ; ce ne sont pas toujours les enfants surdoués qui réussissent le mieux.

Qui dit Tibet, dit lama. Un mot masculin, bien sûr ? Pas systématiquement. C'est nous, Européens, qui imposons partout nos catégories grammaticales et les concepts afférents. Pour prendre l'exemple de la langue française, nous n'avons que deux genres pour classifier les mots : le masculin et le féminin ; pas de neutre contrairement au latin ou à l'allemand. De plus, chez nous, "le masculin l'emporte sur le féminin" et chaque substantif exige son article, défini, ou indéfini, singulier ou pluriel. Cela rétrécit terriblement les champs sémantiques, parole de traductrice ! Dans des langues comme le tibétain ou le japonais, il n'y a pas d'article et guère de genre - seulement les genres "naturels" et évidents, comme "garçon" par rapport à "fille -, et on ne marque le nombre que quand c'est vraiment nécessaire.

Alors,"lama" pourrait-il se décliner au féminin ? Apparemment oui, même si – soyons honnêtes et réalistes - , c'est un emploi moins fréquent, beaucoup moins fréquent. Mais pas inexistant. Un créneau à prendre, en quelque sorte. Avis aux amatrices…

Aujourd'hui, nous allons prendre l'exemple de l'illustre Machik Labdön, qui vécut de 1103 à 1201. Je précise immédiatement qu'elle ne doit pas sa gloire à son exceptionnelle longévité ; mon propos n'est pas de la faire entrer dans le Livre des records à cette rubrique
somme toute ordinaire. Machik Labdön avait beaucoup d'autres cordes à son arc. Elle a marqué la culturelle et la religion tibétaines d'une manière tellement puissante que son influence demeure visible et palpable aujourd'hui encore, comme le révèle sa biographie, qui est désormais accessible en français (merci aux traducteur et éditeur).

Imaginez un peu ! C'est elle, une petite nonne toute simple, que le grand Maître indien Pha Dampa Sangyä choisit comme dépositaire de l'instruction de Chö (prononcez "tcheu)", S.V.P.), "gcod" en translittération. C'est une méthode incisive d'une force extrême pour trancher net l'égocentrisme et l'ignorance fondamentale qu'est la saisie d'un soi autogène. L'école Shiched ("zhi byed") que Machik Labdön a instituée a disparu, dit-on. En fait, s'il est exact qu'elle n'est plus répertoriée en tant que telle, elle est bien vivante au sein des quatre écoles actuelles, qui toutes s'enorgueillissent d'avoir reçu en bonne et due forme la fameuse lignée de Chö.

Machik Labdön était encore une toute jeune religieuse quand elle fut invitée dans une famille pour lire à son intention le Soutra de la sagesse en cent mille stances, pratique excellente pour lever les obstacles éventuels. Quels furent les effets sur les mécènes ? L'histoire ne le précise pas. En revanche, il est de notoriété publique que c'est au cours de cette lecture que Machik obtint la compréhension de la vacuité ! Rien que ça. Pas lors d'une séance de méditation. Pas dans une grotte inaccessible au sommet d'une montagne glaciale. Le Bouddha ne disait-il pas que, quand les conditions sont réunies, les résultats ne peuvent que survenir ?...

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