Les deux principes directeurs de l'Enseignement exposé par le Bouddha Shakyamouni sont, si j'ai bien suivi,
1- de préférence, agir de manière bénéfique pour les êtres (autrui mais aussi soi-même) ;
2- à défaut, se garder de nuire (à autrui mais aussi à soi-même).
Il est donc de notoriété publique (enfin, chez les connaisseurs) que le bouddhisme se fonde sur l'éthique. Entendons-nous bien. Il s'agit d'adopter librement, sciemment, un comportement qui exclut les actes malveillants ou pernicieux, et non de se plier bon gré mal gré à tout un arsenal de règles aussi arbitraires que contraignantes, sans savoir le pourquoi du comment, et sans réfléchir (le début de la désobéissance – c'est bien connu).
L'éthique bouddhiste va de pair avec la sagesse, ou si vous préférez ce terme (un peu plus évocateur du sens), le discernement. Pour prendre un exemple, s'il importe de ne pas mettre un terme à la vie d'un quelconque être animé, c'est parce que le bien le plus précieux de tout être est justement sa vie. Y attenter revient donc à lui nuire, ce qui est "mal" ou encore "non-vertueux". Au regard de la loi de causalité, une cause négative ne pouvant engendrer qu'un résultat négatif, on a tout intérêt à s'abstenir de faire du tort à qui que ce soit, sous peine de l'effet boomerang… Le tout est d'y penser, et d'appliquer. C'est au fond simple. Mais attention, selon le bouddhisme, juste ne pas tuer ou ne pas voler, etc., ne suffit pas pour qu'il y ait observance de l'éthique. Celle-ci suppose d'AVOIR DECIDE ne de pas tuer ou autre, et d'être resté dans cet état d'esprit. C'est donc beaucoup plus rare qu'on se l'imagine. C'est même un véritable gaspillage : il suffirait de si peu, juste une petite pensée appropriée, pour que la plupart du temps nous fassions preuve d'une excellente éthique. Alors que faute de la réflexion nécessaire, nous n'avons qu'une conduite certes correcte, mais hélas neutre. D'où seulement des résultats neutres à espérer.
Il se trouve que le Dharma qui s'est répandu au Pays des neiges avant de nous atteindre par le biais des Maîtres tibétains relève du mahayana, avec ses deux branches du paramitayana et du vajrayana. Et là on va encore plus loin, beaucoup plus loin : l'éthique des bodhisattvas, ces pratiquants altruistes qui aspirent à l'état de Bouddha non pour leur confort personnel mais pour se consacrer à l'accomplissement du bonheur de tous les êtres souffrants, eh bien, cette éthique, avec ses trois volets, elle englobe TOUTE la voie spirituelle !
Les trois volets en question ?
Premièrement, la base commune (quand même déjà élargie) : écarter toute conduite nuisible, en commençant par se déshabituer des dix non-vertus (meutre, vol, inconduites sexuelles ; mensonge, propos de discorde, propos blessants, propos futiles ; convoitise, malveillance, vues fausses – au sens de nier ce qui est, comme la loi de causalité) puis en observant graduellement les vœux de pratimoksha, les vœux de bodhisattva et les vœux des tantras.
Deuxièmement, "la réunion des activités vertueuses", avec ses huit facettes principales, assez déconcertantes au premier abord. Je ne vais pas les détailler car ce serait un peu long, mais cela suppose entre autres d'arriver à apprécier les personnages qui possèdent de grandes qualités (au lieu de les jalouser et de les dénigrer férocement). Ou encore, cela inclut de manger avec modération, de dormir avec mesure, et encore plus difficile, de faire preuve de patience et d'autodiscipline. Dans la même rubrique, on trouve une invitation à chaque jour cultiver la sagesse, au travers de l'étude, de la réflexion ou de la méditation.
Troisièmement, "l'aide à autrui", sous tous les angles : apporter le soutien voulu, au moment voulu, de la manière voulue. C'est facile à dire, mais pas si facile que cela à faire. C'est d'ailleurs pour cela que les trois éthiques de bodhisattva sont non seulement complémentaires mais aussi progressives. En fait, les deux premières (qui équivalent à la mise en œuvre des six "perfections" que sont la générosité, l'éthique, la patience, l'enthousiasme, la concentration et la sagesse) permettent de se renforcer soi-même, ce qui rend capable de désormais agir à bon escient à l'intention d'autrui.
Cela signifie-t-il que, dès qu'on fait montre de générosité, on est en train de pratiquer l'éthique de bodhisattva ? PAS DU TOUT. A nouveau, il faudrait pour cela se trouver dans l'état d'esprit approprié : avoir produit l'esprit d'Eveil au moins de façon volontaire, avoir pris les voeux de bodhisattva et en plus, au moment de la mise en œuvre de la générosité, penser qu'ainsi on s'adonne à l'éthique de bodhisattva et qu'on respecte les engagements pris !
Voilà qui exige une certaine vigilance… Il paraît que c'est une question d'habitude. A ce propos, rappelons-nous que le mot tibétain traduit habituellement par "méditation" signifie plus littéralement "habituer", "habituer son esprit à …" C'est tout un programme.
Bonne chance et bonne route !
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