samedi 15 septembre 2007

Les moniales bouddhistes 1. L'Inde et Ceylan

A. Formation de la communauté bouddhiste féminine en Inde, en Chine, en Corée.

1. L'INDE

Les premiers moines et moniales bouddhistes étaient les disciples de Cakyamuni, l'Éveillé" : six siècles avant Jésus-Christ, un jeune prince indien, Siddhârtha comprenait la vanité des plaisirs de ce monde et leur nature réelle, la souffrance; il renonçait à la facilité de la vie royale et tournait tous ses efforts vers la recherche d'une solution, d'un moyen qui permît d'échapper au cycle infernal des renaissances; après des années consacrées à l'ascèse et à la méditation, il atteignit l'Éveil et devint le Bouddha de notre kalpa. Le reste de sa vie (plus de vingt ans) fut dédié à l'enseignement; des disciples peu à peu se groupèrent autour de lui et formèrent le Samgha, la communauté des moines, auxquels vinrent bientôt se joindre les moniales.

Le Bouddha ne refusa jamais d'enseigner aux femmes, il ne les rejeta pas comme inférieures, mais il manifesta de la réticence avant de les recevoir dans la communauté monastique. Il expliqua en effet que l'admission des femmes dans le Samgha "aurait des résultats néfastes, de même que la mauvaise herbe dans un bon champ". Cela entraînerait une dégénérescence plus rapide de la doctrine, dont la durée d'existence serait, écourtée de cinq cents ans. Il fallut pour convaincre le Bouddha la détermination inébranlable de Mahâprajñaparamati, tante et mère adoptive de Siddhârtha, et les talents d'avocat d'Ânanda, cousin et fidèle servant du Bhagavât.

Quand Suddhôdana, le père de Siddhârtha, mourut, cinq ans après l'Éveil de son fils, son épouse, Mahâprajñaparamati, profondément affligée, prit conscience de l'impermanence et de la nature de souffrance du monde. Elle décida de se retirer de ce monde et d'entrer en religion auprès de son neveu. Elle se rendit donc auprès du Bouddha et, par trois fois, lui demanda de l'accepter dans sa communauté mais, par trois fois, elle se heurta à un refus catégorique. Après les funérailles de Suddhôdana, le Bhagavàt quitta Kapilavastu pour Vaiçali. Mahâprajñaparamati que les rebuffades n'avaient pas découragée, en compagnie de femmes du clan des Cakya, dont Yasodharâ (l'épouse abandonnée de Siddhârtha), suivit le Bouddha, pieds nus, cheveux dénoués et vêtue de l'habit religieux. Elles arrivèrent à la tombée de la nuit, épuisées mais encore affermies dans leur décision. Ânanda, alerté par le bruit de leurs pleurs sortit et les trouva à la porte du Maître. Il s'enquit de leurs désirs, et ému, alla intercéder pour elles, d'abord sans succès.
Pour comprendre l'attitude du Bouddha, il faut tenir compte de la situation sociale des femmes indiennes à cette époque. La seule vie normale pour une Indienne était de se marier, d'avoir de nombreux enfants et de s'occuper de la maison. Il était courant que les hommes quittent leur famille quand ils estimaient avoir rempli leur devoir - c'est-à-dire avoir eu au moins un fils - mais il était inconcevable que leurs épouses en fassent autant. Il est vrai que se retirer du monde signifiait alors devenir ermite en pleine montagne ou au coeur des forêts, ou errer par les chemins en mendiant sa nourriture, et ce mode d'existence est plus difficile pour les femmes, défavorisées physiquement en cas d'attaque de brigands ou de bêtes sauvages.

Ânanda, cependant, plaida pour Mahâprajñaparamati et ses compagnes, reprochant au Bouddha son ingratitude vis-à-vis de celle qui l'avait élevé et lui rappelant que, bien souvent, il avait enseigné lui-même que les femmes pouvaient aussi bien que les hommes atteindre l'état d'Arhat (Saint).

Le Bouddha finit donc par les admettre dans la communauté monastique, mais sous réserve qu'elles acceptent et observent huit conditions :
Une religieuse âgée, fut-elle ordonnée depuis cent ans, devra le respect à tout moine, même s'il vient à peine de recevoir l'ordination; elle devra se lever à son approche et le saluer.
Les moniales ne feront pas la retraite d'été dans un endroit où il n'y aura pas de moine.
Deux fois par mois, elles demanderont qu'un moine vienne pour la confession et la lecture des textes sacrés (Posadha) ainsi que pour leur donner un enseignement.
A la fin de la retraite d'été, les moniales devront exposer devant une assemblée de moines et de nonnes ce qu'elles auront vu, entendu, et les questions qu'elles se seront posées.
Si les moniales enfreignent gravement les défenses, elles devront le confesser devant un chapitre composé de moines et de nonnes.
Après avoir observé pendant deux ans les règles de çiksamânâ (probation), elles recevront l'ordination complète (364 préceptes) devant une assemblée de moines et de moniales.
Les moniales ne calomnieront pas les moines. Elles ne révéleront pas les manquements aux préceptes commis par les religieux; par contre, ces derniers les dénonceront si elles transgressent leurs voeux.

Donc, selon la sixième condition, en dehors du noviciat pendant lequel, en tant que çramanerikâ, elles respectent comme les çramanera 36 préceptes, les femmes seront soumises, entre 18 et 20 ans, à une période probatoire de deux ans. Cela leur permettra de vérifier, avant de s'engager plus avant, si elles ont le désir et les capacités nécessaires pour supporter les rigueurs de la vie religieuse. On dit que ce stade probatoire fut instauré parce que, à l'époque du Bouddha, des femmes entrèrent en religion, ignorant qu'elles étaient enceintes, et furent bien embarrassées à la naissance du bébé. Au bout de deux ans, il n'y avait (en principe) plus de crainte à avoir et elles pouvaient prendre les voeux de Bhiksuni sans risquer de surprise désagréable.

La première femme admise dans le Samgha fut donc Mahprajñaparamati ordonnée par Ânanda. Elle ordonna ensuite elle-même ses compagnes, trois par trois. La communauté des moniales se développa par la suite progressivement, mais elle n'atteignit jamais l'importance de celle des moines. Le plus grand nombre d'obstacles imposés aux femmes mena un résultat paradoxal : elles eurent à faire preuve d'une plus profonde détermination, les faibles ou les indécises furent éliminées tout de suite mais celles qui allèrent jusqu'au bout, si elles étaient moins nombreuses, étaient d'une grande valeur.
En Inde, elles furent même les dernières à sauvegarder la pureté monastique, alors que les "moines" étaient tombés dans la corruption et la licence.

De l'Inde, le Bouddhisme se répandit dans les autres pays asiatiques où se formèrent des communautés de moines et aussi de moniales.

A CEYLAN, au 3ème siècle avant J-C, Mahinda convertit le roi au Bouddhisme. La soeur de Mahinda, Sangamitta, exposa la doctrine bouddhique à l'épouse de ce roi, qui désirait entrer en religion, puis la reine se rendit en Inde, fit un pèlerinage à Bodhgaya et rentra à Ceylan en 246 ou 288 avant J-C. Cinq cents suivantes de la reine entrèrent en religion en même temps qu'elle et sont à l'origine du Samgha féminin, qui n'eut, hélas qu'une existence éphémère. Quand le Bouddhisme ésotérique fut introduit à Ceylan, mal compris, il entraîna la corruption de la communauté monastique. Au 11ème siècle, le Bouddhisme était religion d'état. Mais beaucoup de moines et de moniales avaient une triste réputation et ils furent contraints de revenir à l'état laïc. Ceci marqua la fin de la communauté des nonnes à Ceylan pour plusieurs siècles.

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