lundi 24 décembre 2007

Une héroïne de l'ombre

Il y a quatre ans décédait une amie très chère, une semaine après la mort subite de ma soeur de coeur.
Yolande est quelqu'un que j'aime infiniment et que j'admire beaucoup. Courage et générosité étaient deux de ses nombreuses vertus. A ceux qu'elle rencontrait, elle distribuait des photocopies de ce poème bien connu, mais pas suffisant lu et médité.

C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai eu envie de vous le proposer pour Noël, au nom de Yolande - qui, plusieurs années auparavant, avait perdu son fils unique victime d'un accident de moto. Inconsolable, elle a continué de donner un sens à sa vie en aidant maintes personnes en difficulté. Notamment des jeunes à la dérive, qu'elle n'hésitait pas à héberger, parfois des années durant, le temps de les remettre en selle. Elle avait l'art de les écouter avec bonté et patience, et savait se montrer ferme quand c'était nécessaire pour les (re)structurer.

Qui était vraiment l'auteur de ce poème ? Ou par qui a-t-il été inspiré ?
Car, en ces quelques vers, je retrouve la méthode prônée par le Bouddha pour mettre à égalité les huit principes mondains (également appelés les huit préoccupations mondaines) : gains et pertes ; bonheurs et malheurs ; paroles agréables et désagréables ; louanges et critiques.

Ce me semble aussi être une excellente évocation de l'éthique de bodhisattva. Mais sans doute est-ce là une interprétation très personnelle...

Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou, perdre d'un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;
Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre
Et, te sentant haï sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;

Si tu peux supporter d'entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d'entendre mentir sur toi leur bouche folle,
Sans mentir toi-même d'un seul mot ;
Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère
Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi ;

Si tu sais méditer, observer et connaître
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n'être qu'un penseur ;
Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage
Sans être moral ni pédant ;

Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d'un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,
Alors, les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire,

<Tu seras un Homme, mon fils.



Rudyard Kipling

1 commentaire:

  1. Moi aussi je pense à Yolande les fois que je passe l'ex guinguette où elle et son mari David habitaient rue Victor Hugo. C'est elle qui me pris en main lors de ma découverte du centre tibétain en 1992. Les timides comme moi lui doivent beaucoup pour l'enthousiasme grégaire avec lequel elle cherchait de nous intégrer dans le cadre souvent austère du centre.

    RépondreSupprimer