Difficile de ne pas heurter la sensibilité d'autrui. Surtout quand on est issu de cultures différentes.
Prenons quelques exemples. Rien que dans le monde profane, d'un pays à l'autre, les règles de politesse varient énormément. Autant il est impoli chez nous (en France) de roter au cours d'un repas (et même en dehors, je crois), autant il est impoli en Chine ou au Japon de ne pas roter à la fin des repas : c'est signe qu'on s'est régalé et qu'on est rassasié.
Dans un autre domaine, celui des noms et termes d'adresse, les Tibétains évitent au maximum d'user des noms personnels : c'est ressenti comme abrupt et beaucoup trop familier. Ils ont donc mis au point toute une panoplie de termes d'adresse, et à défaut ils vont appeler leur interlocuteur "Père", "Mère", "Frère", "Soeur", "Fils" ou "Fille". De toute façon, dans l'optique de la réincarnation, ces termes sont parfaitement justifiés, puisque nous avons eu toutes les relations possibles et imaginables avec tout un chacun.
Si vous avez regardé d'un peu près les "noms" des lama tibétains, vous aurez remarqué qu'en général ce sont non pas leurs noms personnels (qui demeurent inconnus du commun des mortels), mais des noms de lieu qu'on fait suivre de "Rimpoche" (ce qui signifie "gemme", ou encore "précieux", comme le savent les lecteurs de Tintin). C'est le même genre de système que quand on parle du Duc d'Anjou ou du Comte de Bourgogne, etc. Les lama portent alors le nom de la région d'origine ou du monastère du personnage auquel remonte la lignée dans laquelle ils s'inscrivent.
En société tibétaine, on peut donc impunément prononcer le nom des lama, puisque ce sont plutôt des titres ? Eh bien ! non. C'est terriblement impoli. Surtout s'il s'agit de notre propre Maître. Il faut s'en tenir aux termes d'adresse, sans aucune indication de nom : Rimpoche, Geshelags, Genlags,Kousho, selon le statut du maître et les liens que l'on a avec lui.
En fait, en tant que disciple, il ne faut prononcer le nom de son Maître que quand c'est absolument nécessaire, et avec des marques de respect.
Concernant les maîtres de nos interlocuteurs, l'usage est de reprendre à notre compte le terme que ceux-ci ont utilisé pour nous parler d'eux. En aucun cas, il ne convient d'évoquer leur maître crûment, avec son seul nom, sans ajouter le moindre mot de politesse : ce serait le comble de la grossièreté.
Or, en Occident, surtout de nos jours, on trouve de bon ton d'employer directement le nom de quelqu'un. "C'est plus sympathique.", avance-t-on. Et comme la syntaxe tibétaine est inversée par rapport à la nôtre, beaucoup de gens décomposent les noms des lama en prénom + nom.
En francisant, supposons qu'un lama soit dénommé "Aquitaine Rimpoché". Pour beaucoup de Français, Aquitaine sera son prénom et Rimpoché son nom. Du coup, s'ils se sentent proches de lui, ils vont l'appeler "Aquitaine". Et commettre un impair.
Il est probable que le lama, dans son infinie compassion, ne leur en tiendra pas rigueur, mais l'entourage dudit lama peut se montrer plus sensible et moins indulgent
J'avoue que, quand on parle devant moi de Rimpoché mais sans justement utiliser le terme de Rimpoche, seulement son "nom" (en réalité, le nom de la région où est situé le monastère auquel il est affilié, Dagpo Datsang), je me sens blessée, et je suis très peu réceptive aux propos qui suivent. Je sais que c'est stupide de ma part, car le "gaffeur" n'est tout simplement pas au courant. De là ce petit article explicatif. Pour ménager ma sensiblilité...
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