L'époque de Kamakura (1231-1334) a connu une importation massive de la civilisation chinoise, dans tous les domaines, politiques (institutions empruntées à la Chine des T'ang), culturels, religieux. Les échanges commerciaux ont repris avec le continent et certains monastères en tirent des bénéfices appréciables, qui permettront la construction de nouveaux édifices religieux (temples des 13ème et 14ème siècles ; Daibutsu de Kamakura).
Auparavant, le Bouddhisme était réservé à la noblesse, à l'"élite", mais une décadence certaine le minait. Les religieux ne se préoccupaient plus d'études et de pratiques pures ; le bien-être dans cette vie les intéressait bien davantage, à moins qu'ils ne soient tombés dans la bigoterie, incapables de comprendre les raisonnements subtils d'une religion trop intellectuelle.
Le Bouddhisme subit maintenant une mutation en profondeur; il devint une religion populaire, basée sur la foi, qui rejetait les ratiocinations de règle chez les érudits précédents, et proposait des pratiques religieuses simples, à la portée de tous, comme l'invocation unique du nom d'Amitâbha.
Le pouvoir que détenait jusqu'alors la Cour passa aux mains des guerriers; la force pure acquit ses titree de gloire et cela influença toute la société : la poésie ou la musique, les arts délicats que tout homme distingué cultivait ne furent plus que des objets de mépris concédés à l'aristocratie de cour. Le goût littéraire se porta sur les grands récits héroïques et chevaleresques (Heike Monogatari...), en opposition avec les journaux et romans écrits par les dames de la cour d'Heian.
1) Les transformations du monde religieux
La tendance générale affecta aussi le Bouddhisme. Et bientôt, les hauts lieux du mahayanisme (les Monts Hiei et Kôya) furent interdits aux femmes, et aux religieuses, en tant qu'enceintes sacrées que des présences impures ne devaient pas souiller.
C'était rompre avec la tradition. Dans les siècles passés, au Japon, l'égalité entre les moines et les moniales n'avait jamais été discutée. C'était de plus contraire aux écritures qui enseignent que les femmes, aussi bien que les hommes, peuvent parvenir à l'état de Bouddha (Hokekyô).
Du XIIIème siècle au début du XIVème siècle apparurent de grands maîtres : Hônen, Shinran, Eisai, Dôgen, Nichiren, Ippen. Tous affirmèrent l'égalité entre les riches et les pauvres, les hommes et les femmes ; ils rejetaient les distinctions dues au sexe ou au rang. Seuls la valeur et l'effort personnels étaient admis comme critère de jugement par certains. D'autres, tels Shinran, rejetaient même cette norme.
2) Le rôle des femmes
Ces moines mirent en pratique leurs théories et acceptèrent tous ceux qui venaient à eux ; ils eurent de nombreuses femmes pour disciples.
Eisai ordonna Jiren-ni et il eut pour disciple la fille de Kajiwara Kagetoki.
Hônen enseigna à Shônyo-ni et à Myôshin-ni.
Nii no ama (ou Taira no Tokuni, 1155-1213), épouse de Taira ni Kiyomori, entra en religion en 1181 après avoir eu quatre enfants, Munemori, Tomomori, Shigemori et Tokuko. Elle étudia auprès de Hônen et d'Eisai. En 1185, elle se jeta à l'eau avec le petit empereur Antoku lors de la défaite infligée par les Minamoto à Dannoura, mais elle fut sauvée et établit sa résidence au Jakkô-in.
ESHIN-NI (1182-1268?) fut l'épouse mais aussi l'élève de Shinran. Originaire d'Echigo, elle devint la compagne de Shinran en 1207 quand il fut envoyé en exil dans cette région. Eshin eut quatre enfants de lui et quand Shinran regagna le Kantô, elle le suivit. En 1232, elle entra en religion et adopta le nom d'Eshin. Elle finit sa vie à Echigo; les années entre le moment où elle accompagna Shinran dans le Kant et son retour à Echigo sont mal connues, faute de documents. On possède la correspondance qu'Eshin-ni échangea avec sa fille : dix lettres où elle expliquait la pensée de Shinran et ses activités. C'est un document précieux pour étudier l'enseignement du fondateur de la Nouvelle Secte de la Terre Pure et il donne aussi des renseignements sur la situation et la vie des paysans japonais de l'époque.
KAKUSHIN-NI (1224-1283), ou Iya-orna, était la fille de Shinran et d'Eshin. En 1238, elle épousa Hino Hirotsuna, dont elle eut un enfant, mais Hirotsuna mourut alors qu'elle n'avait que 22 ans. Elle se remaria avec Ono Miyazennen; leur fils, Yuizen (12531317) sera un moine célèbre. En 1262, Shinran quitta ce monde et en 1272, sa fille fit sculpter une statue de lui. Elle installa cette statue dans une humble maison de Kyôto, qui devint le Ôtanibyôdô. En 1275, après la mort de Miyazennen, Kakushin réunit les disciples de Shinran au Ôtanibyôdô; à partir de cette base se développa la communauté du Hongan-ji.
Nichiren eut également des disciples femmes, comme Sennichini, Myôhô; il a ordonné Hichimyô, Myôkoku, Nichibutsu.
Parmi les religieuses célèbres de l'époque de Kamakura, on cite la fille de Saigyô et Matsushita Zenni, mère de Hôjô Tokiyori, entrée en religion en 1230 après la mort de son époux Toki.uji. Tsurezuregusa présente cette dernièr e comme un modèle de frugalité et de simplicité, vertus suprêmes à Kamakura.
Il y aussi Nyorai-ni, connue comme médecin.
On peut retenir parmi les disciples du moine chinois Mugaku Sogen (1225-1286) Kakuzan, épouse de Hôjô Tokimune, qui fonda le Tôkei-ji en 1286 et Nyodai. NYODAI-NI, parfois appelée Mugai ou Mujaku, fut d'abord la femme de Kanazawa Kenji mais entra ensuite en religion. Elle étudia auprès de Sogen qui lui donna l'habit religieux et un portrait de lui. Il lui transmit sa succession. Obéissant au désir de son maître, Nyodai se rendit à Kyôto où elle fonda le Keiai-ji pour les moniales relevant de la secte Rinzai.
Le Keiai-ji est connu pour sa discipline stricte et ses règles extrêmement sévères. Ce fut le premier établissement prévu pour instruire les nonnes de l'école Zen. A l'époque de Muromachi, le Keiai-ji est devenu le premier des principaux cinq monastères de femmes .
Dôgen enseigna à Ryônen-ni et à Shôgaku zenni qui construisit un sanctuaire au Kôshô-in ; il eut beaucoup de disciples femmes.
De nombreuses impératrices et princesses entrèrent en religion à l'époque de Kamakura.
Le pouvoir appartenait maintenant aux guerriers, et le contrôle des religieux aussi dépendait d'eux. Des gouverneurs (Bugyô) reçurent la mission de surveiller les temples qui avaient pour tâche d'assurer la prospérité du Bakufu par des prières et des cérémonies.
Les monastères féminins perdirent la position privilégiée et les avantages dont ils jouissaient auparavant, ainsi que le soutien économique que leur garantissait la Cour. La vie des moniales, précédemment réglée par les décrets impériaux, devint dans un sens plus libre, mais surtout beaucoup plus incertaine et difficile. Pour survivre, elles durent transformer leur mode d'existence qui devint plus divers.
C'est aussi l'époque où des laïques désireuses de pratiquer adoptèrent l'habit religieux mais n'étaient pas des nonnes à proprement parler car elles n'avaient pas prononcé de voeux (zenni).
Le cérémonial rigoureux qui marquait l'entrée dans les ordres n'est plus respecté. Au mieux, quand on procède quand même à une cérémonie, elle est simplifiée à l'extrême et les rites exacts tombent dans l'oubli. Il faut cependant reconnaître que, si les "nenni" ("religieuses laïques") ont entraîné par leur apparition un affaiblissement de la tradition et de la règle, elles ont d'un autre côté contribué pour une large part au développement du Bouddhisme sur le sol nippon grâce à l'édification de temples ou à des oeuvres sociales.
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