La patience est l'une des six perfections (paramita) ! Et sans doute pas la plus facile. En tout cas, pour moi.
Mais je me demande souvent si le terme utilisé en français pour évoquer cette qualité ô combien souhaitable est vraiment approprié.
Pour ne pas "influencer" la compréhension, je vais utiliser momentanément le mot tibétain, bzod-pa (veuillez prononcer "seupa).
Bzod-pa s'applique en fait à 3 cas de figure.
Premièrement, il s'agit de la capacité à ne pas céder à l'irritation vis à vis d'êtres hostiles et malveillants. Cela permettrait, par exemple, de ne pas répliquer à des insultes par des insultes. MAIS cela n'interdit pas de faire preuve de fermeté à l'égard de l'agresseur, car bonté n'est point laxisme. Et laisser quelqu'un s'enferrer dans ses mauvais comportements n'est pas lui rendre service, loin de là. Le tout, alors, est d'intervenir sans colère.
Deuxièmement, bzod-pa consiste à supporter douleurs ou peines sans se révolter contre le sort "injuste" (cf loi de causalité), sans non plus se laisser terrasser par elles : il s'agit de dominer la situation en évitant de l'amplifier par des réactions stériles et inefficaces. Tout le monde est capable de s'exercer à cet aspect de bzod-pa, d'autant plus que les occasions ne manquent pas... Par ex, on pourrait s'entraîner à supporter les variations de température en attendant un peu pour mettre en route la climatisation ou le chauffage. En bref, cela supposerait de ne pas trop se dorloter ni de trop s'écouter. Dur, dur. Surtout pour nous, Occidentaux, épris de notre confort et de la loi du moindre effort. Soyons francs avec nous-mêmes. Mais tout reste possible.
Troisièmement, bzod-pa est la vertu qui permet de persévérer jusqu'à mener à bien le projet ou la tâche que l'on aurait entrepris, sans se laisser arrêter par les obstacles, sans rechigner devant des efforts à déployer dans la durée. Impossible de parcourir la voie spirituelle sans cette qualité ! Faute de bzod-pa, on commence, puis bien vite on abandonne, découragé.
Avec bzod-pa, on peut se dire que même si le sommet de la montagne est vraiment très élevé, on finira par l'atteindre en montant pas à pas, quitte à devoir contourner des rochers et parfois devoir redescendre un peu pour emprunter une autre sente.
Maintenant que nous avons approximativement cerné "le champ sémantique" de bzod-pa, comme diraient les lettrés, qu'en pensez-vous ?
Cette qualité à trois visages, comment l'appelleriez-vous ? Voilà un bon sujet de réflexion pour les longues soirées d'hiver. Un sujet de réflexion pas forcément abstrait, pour peu qu'on le rapporte à soi-même et qu'on en profite pour "s'auto-évaluer". En ce qui me concerne, la situation est désastreuse. Mais il paraît qu'en prendre conscience est déjà un véritable progrès. Douloureux, je vous préviens - d'où la nécessité de recourir à ... bzod-pa : on tourne en rond. Comme toujours dans le samsara. Bonne chance.
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