mardi 16 octobre 2007

Frissons mystiques

L'intérêt de vieillir, en âge et en "expérience" est que l'on devient un peu plus réaliste, par la force des choses.

Si on me demande ce que m'a principalement apporté le bouddhisme, j'hésiterai entre deux réponses : 1. grâce à lui, je me sens indéniablement plus heureuse qu'auparavant ; 2. grâce à lui, j'ai perdu pas mal d'illusions sur moi-même et j'ai dû me résigner à admettre que je suis tout, sauf parfaite. Assez étonnamment, c'est un grand soulagement : du coup, je me donne le droit à l'erreur.

Bouddhiste, oui. Bouddha, eh bien, à ce jour, oh que non, et pour un temps certain encore.

Dans mes débuts laborieux, nourrie que j'étais de la lecture de biographies de grands maîtres et pratiquants du passé, je guettais les signes annonciateurs de progrès, voire de réalisations. On est ambitieux quand on est jeune, c'est bien naturel.

Tenez, ce soir là, à Paris, nous étions une petite quarantaine réunis aux pieds de l'un de nos Maîtres tibétains - Geshe Rabten - pour recevoir de sa part un "jenang" (rjes gnang), disons pour simplifier une initiation ou plus exactement dans notre cas (débutants complets) une bénédiction.
Gen Rinpoche avait médité et invoquait pour nous trois Bouddhas qui sont réputés comme particulièrement puissants pour contrer les obstacles. Bouddhistes fraîchement émoulus, nous étions attentifs et fervents, mais pour être francs, nous étions quelque peu dépassés par le sujet. En tout cas, nous étions pleins d'espoirs et d'attentes.

A un moment, mon regard croise celui de ma voisine - nous étions inséparables ici comme en fac - : mais oui, ça y était. Tous les symptômes étaient présents. Enfin ! enfin ! Comme jadis Milarepa rencontrant Marpa, ou comme Dromtönpa entendant pour la première fois fois le nom d'Atisha, nous avions une expérience mystique : sans conteste, nous avions la chair de poule. Tous nos poils se dressaient sur notre peau, et nous étions prises de frissons.

Quelques secondes durant, nous avons rêvé ainsi au comble de la félicité. Puis nous avons eu du mal à étouffer notre éclat de rire, car il ne fallait pas troubler l'assistance : nous venions de nous rendre compte que ... nous étions en plein courant d'air. Adieu, veau, vache et réalisation.

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